Publié dans les Dossiers de l'Allaitement 69 (octobre- novembre- décembe 2006)
In-hospital formula supplementation of healthy breastfeeding newborns. AJ Gagnon, G Leduc, K Waghorn, H Yang, RW Platt. J Hum Lact 2005 ; 21(4) : 397-405. Mots-clés : allaitement, don de suppléments, post-partum précoce, nouveau-né.
La 6ème des 10 Conditions pour le succès de l’allaitement de l’OMS/UNICEF dit que les nouveau-nés allaités ne devraient recevoir aucun complément, sauf indication médicale. En effet, de nombreuses études ont constaté que le don de compléments avait un impact négatif sur le démarrage de l’allaitement, et augmentait le risque de sevrage précoce. Pourtant, de nombreux nourrissons continuent à recevoir des compléments pendant le séjour en maternité, en raison du souhait de la mère, ou des recommandations de l’équipe soignante. Le but de cette étude était de rechercher les facteurs corrélés au don de suppléments.
L’étude a été effectuée en 2 volets. Le premier portait sur 564 femmes et leur nouveau-né. Elles ont été incluses juste avant leur sortie de maternité. Elles avaient accouché à terme et par voie basse d’un enfant en bonne santé, avaient commencé à allaiter, et devaient sortir de maternité dans les 36 heures qui suivaient l’accouchement (accouchement dans un des services de maternité d’un CHU, où environ 3700 accouchements ont lieu tous les ans). Des assistants qui ignoraient les objectifs de l’étude ont recueilli toutes les données nécessaires, à partir des dossiers médicaux, et en administrant un questionnaire aux mères.
Pour le second volet, 38 infirmières, travaillant dans un autre service de maternité de ce CHU, ont été interrogées sur leurs pratiques, et elles ont été observées dans leur travail quotidien sur une période de 2 semaines. Elles travaillaient en maternité depuis en moyenne 15 ans, et 26 d’entre elles avaient allaité (en moyenne pendant 5 mois). 32 n’avaient reçu aucune formation « officielle » sur l’allaitement, et leur expérience en la matière provenaient en partie de leur vécu personnel, et en partie de l’expérience acquise sur leur lieu de travail.
47,9% des enfants ont reçu des compléments pendant leur séjour en maternité. L’âge médian de l’enfant au moment du premier don de supplément était 8,4 heures. Les facteurs corrélés à un risque plus élevé de supplémentation était la naissance entre 19 et 9 heures (RR variable suivant l’heure exacte), ainsi qu’un niveau élevé d’anxiété chez la mère (RR : 1,61). Les facteurs corrélés à un risque plus bas de supplémentation étaient le désir maternel d’allaiter exclusivement (RR : 0,46), le souhait d’allaiter au moins pendant 3 mois (RR : 0,56), le fait d’avoir assisté à des séances d’information en période prénatale (RR : 0,61), le fait que la mère soit née au Canada (RR : 0,68), ait fait des études supérieures (RR : 0,76), que l’enfant soit de sexe masculin (RR : 0,78), et une première mise au sein précoce. Les raisons données par les infirmières au don de compléments étaient l’existence de problèmes d’allaitement (enfant somnolent ou refusant le sein, problèmes de mamelons douloureux…), le comportement de l’enfant (pleurs importants, faim apparente), la fatigue maternelle, et la conviction (souvent partagée par la mère) que la sécrétion lactée était insuffisante. Les enfants des mères nées au Canada recevaient moins souvent des compléments que ceux des mères immigrées ; cela peut être lié à la croyance que le colostrum est « mauvais », présente dans certaines cultures.
Il est rare qu’une mère ait réellement une production lactée insuffisante pour nourrir son bébé. Toutefois, l’impression de manquer de lait, fondée sur le comportement de l’enfant, reste une cause fréquente de don de compléments. L’existence de recommandations concernant les indications médicales du don de compléments reste mal connue des infirmières. Il serait bon de promouvoir une « culture de service » en matière d’allaitement, avec première mise au sein rapide, soutien aux mères souhaitant pouvoir se reposer suffisamment, en particulier la nuit, tout en allaitant, et encouragements aux mères anxieuses. D’autres études seraient utiles pour confirmer que les bébés de sexe masculin reçoivent plus souvent des compléments, et dans ce cas pour quelles raisons, et sur les moyens d’aider efficacement les mères anxieuses.
Article du numéro 69 des dossiers de l'allaitement sur le don de compléments en maternité.
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