Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 60 (Juillet - Août - Septembre 2004)
D'après : Does maternal smoking have a negative physiological effect on breastfeeding ? The epidemiological evidence. LH Amir, SM Donath. Breastfeed Rev 2003 ; 11(2) : 19-29.
Le tabagisme féminin est un important problème de santé publique ; il a un impact négatif sur la santé reproductive : baisse de la fertilité, augmentation du risque d’accouchement prématuré ou de bébé hypotrophique. Le taux de nicotine est environ trois fois plus élevé dans le lait que dans le sang d’une mère fumeuse, et les enfants allaités excrètent de la cotinine dans leurs urines (un métabolite de la nicotine). Toutefois, les enfants d’une mère fumeuse sont en moins bonne santé lorsqu’ils ne sont pas allaités que s’ils sont allaités. Des études ont constaté que la prévalence et la durée de l’allaitement étaient plus basses chez les femmes fumeuses. On suppose que la nicotine a un impact négatif sur le taux de prolactine. Cependant, certains pensent que cet impact négatif du tabagisme est lié beaucoup plus à des facteurs sociaux et comportementaux qu’à un impact physiologique du tabagisme. Cet article a analysé toutes les études effectuées sur le sujet sur le plan des relations entre le tabagisme maternel, l’intention d’allaiter, la prévalence de l’allaitement et la durée de l’allaitement.
Les études épidémiologiques présentent souvent des biais importants : définitions imprécises pour l’allaitement et le tabagisme (nombre de cigarettes fumées quotidiennement reconnu par la mère), absence de recueil des variables confondantes (âge, niveau socio-économique…), d’autant que certaines d’entre elles n’étaient pas conçues au départ pour évaluer l’impact du tabagisme sur l’allaitement. Comparer ces études entre elles était donc difficile.
6 études évaluaient les relations entre le tabagisme et l’intention maternelle d’allaiter. 5 d’entre elles constataient un impact négatif du tabagisme, la 6ème ne retrouvant pas d’impact significatif. De nombreuses études ont rapporté un impact négatif du tabagisme sur la prévalence de l’allaitement à la naissance, et 8 d’entre elles présentaient une analyse multivariable des données. Les études portant sur les groupes les plus importants constataient habituellement que l’impact négatif du tabagisme perdurait après correction pour les autres variables. 4 études n’ont pas constaté de relation entre le tabagisme et le taux d’initiation de l’allaitement. En ce qui concernait la durée de l’allaitement, l’impact était différent suivant que la mère fumait peu ou était une grosse fumeuse dans les 10 études dans lesquelles le nombre de cigarettes fumées était pris en compte. Dans certaines études, lorsque la mère fumait modérément, l’impact négatif du tabagisme était peu significatif ou disparaissait après correction pour les autres variables.
Les femmes fumeuses sont indiscutablement moins enclines à souhaiter allaiter, à démarrer un allaitement, et à allaiter longtemps. On ne peut toutefois pas exclure le fait que cela soit lié à tout autre chose qu’à un impact physiologique du tabagisme. Les mères fumeuses appartiennent à des catégories démographiques et socio-économiques dans lesquelles la prévalence de l’allaitement est plus basse, elles peuvent penser qu’il n’est pas bon d’allaiter lorsqu’on fume, souhaiter ne pas allaiter, ou allaiter pendant peu de temps pour pouvoir recommencer à fumer si elles avaient arrêté pendant leur grossesse. Même le fait qu’il semble exister un impact dose-dépendant du tabagisme, s’il suggère un impact physiologique, ne permet pas d’éliminer l’existence de différences psychologiques ou comportementales entre les mères qui fument modérément et les mères grosses fumeuses. Les 2 études qui présentaient les meilleurs arguments en faveur d’un impact physiologique de la nicotine estimaient que cet impact était responsable de seulement 8 % des variations constatées dans la sécrétion lactée. Et d’autres études ont constaté que le tabagisme n’avait pas forcément d’impact négatif sur l’allaitement, en particulier dans des populations où le taux d’allaitement est élevé, et chez les mères qui ont un niveau élevé d’éducation. Si l’impact du tabagisme était essentiellement physiologique, il devrait être constaté dans toutes les populations.
Les auteurs concluent que le tabagisme maternel est corrélé à une prévalence et une durée plus basses d’allaitement. Toutefois, au vu des connaissances actuelles, cet impact du tabagisme semble beaucoup plus lié à des facteurs psychosociaux qu’à des facteurs physiologiques.
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