Article publié dans les Dossiers del'Allaitement n°69 (Octobre – Novembre – Décembre 2006)
Reverse pressure softening : a simple tool to prepare areola for easier latching during engorgement.
KJ Cotterman. J Hum Lact 2004 ; 20(2) : 227-37.
La « montée de lait » s’accompagne habituellement d’un engorgement. L’auteur de cet article a constaté une augmentation de l’incidence des engorgements sévères au fil des années. Dans certains cas, les seins sont tellement durs qu’il devient impossible pour l’enfant de le prendre en bouche. L’utilisation d’un tire-lait pourra alors aggraver le problème en augmentant l’œdème aréolaire. Les causes de l’engorgement restent mal connues. L’auteur fait le point sur le sujet, et présente une technique d’assouplissement de l’aréole destinée à aider les mères à mettre leur bébé au sein.
Une des possibles causes de l’engorgement fait intervenir les 3 différents compartiments de la glande mammaire : le tissu conjonctif, le tissu glandulaire, et le compartiment circulatoire. Entre les capillaires artériels et veineux circule le liquide interstitiel par le biais de forces osmotiques et hydrostatiques. En temps normal, 90% du liquide interstitiel repart dans la circulation veineuse, les 10% restants étant drainés par la circulation lymphatique (vers les ganglions axillaires). Pendant la lactation, le tissu glandulaire prélève dans le liquide interstitiel les composants du lait ; ce dernier n’a qu’une porte de sortie : le mamelon. Si le lait ne sort pas, cela va retentir sur toute la circulation des fluides dans le sein.
Lorsque le volume du liquide interstitiel augmente, cela signifie qu’il y a un déséquilibre entre l’arrivée du liquide dans le secteur interstitiel et sa sortie, les mécanismes de réabsorption étant saturés. Cela pourrait être en rapport avec la pression colloïdale, déterminée par le taux de protéines plasmatiques (un facteur majeur de la régulation de la circulation interstitielle). Cette pression colloïdale baisse normalement pendant les 24 heures qui suivent la naissance. Une équipe a constaté une baisse de la pression colloïdale plasmatique chez les femmes qui avaient reçu des perfusions de cristalloïdes pendant l’accouche-ment (sérum physiologique…) d’autant plus importante que le volume perfusé avait été important, et pouvant persister jusqu’à 5 jours après l’accouchement. Cela peut augmenter le risque d’œdème et d’engorgement mammaire par le biais d’une augmentation du liquide interstitiel, qui peut perdurer jusqu’à 10 à 14 jours après l’accouchement. Il serait donc nécessaire de restreindre le volume de liquide perfusé au strict minimum nécessaire. Par ailleurs, il est utile de se souvenir que l’oxytocine (une molécule dont la structure est similaire à celle de la vasopressine), souvent utilisée pour déclencher ou accélérer l’accouchement, a un impact antidiurétique.
Le terme « plaque aréolo-mamelonnaire » est fréquemment utilisé en chirurgie mammaire. Il se réfère à l’unité anatomique que constituent le mamelon, l’aréole, et le tissu rétro-aréolaire qui contient les canaux lactifères et les fibres nerveuses, enrobés dans du tissu musculaire et conjonctif. Un engorgement au niveau de cette plaque pourra réduire la « profondeur » de cette plaque et augmenter le diamètre de l’aréole, suite à la distension du tissu sous-jacent. Le mamelon devient presque plat, voire s’inverse en cas d’engorgement sévère, ce qui rend impossible sa prise par l’enfant, d’autant que le tissu rétro-aréolaire est gonflé et durci par l’œdème. L’utilisation d’un tire-lait aggravera le problème, la dépression induite par le tire-lait attirant le liquide interstitiel vers l’aréole. Il a été constaté que même le fait d’utiliser un tire-lait sur un sein non engorgé augmentait le volume de la plaque aréolo-mamelonnaire.
L’assouplissement par contre-pression (ACP) agit à 3 niveaux
- L’excès de liquide interstitiel est temporairement évacué en direction du système lymphatique.
- La compression déplace le lait en amont dans les canaux lactifères, ce qui aide à réduire la dissension aréolaire et rend la mise au sein plus confortable.
- L’éjection du lait est automatiquement déclenchée par la stimulation des terminaisons nerveuses situées dans le mamelon et l’aréole, ce qui amène plus rapidement le lait au mamelon, souvent en 1 à 2 minutes.
Si la mère a les ongles courts, elle peut appuyer avec le bout des doigts recourbés des deux mains ensemble (6 à 8 doigts), l’extrémité des ongles touchant le bord du mamelon. L’objectif est de créer un anneau de 6 à 8 « fossettes » tout autour de l’aréole à la base du mamelon. Si la manœuvre est effectuée par un professionnel de santé, la pulpe des deux pouces peut aussi être utilisée, créant de chaque côté du mamelon une contre-pression au niveau d’une zone d’environ 2,5 cm, au-dessus et au-dessous du mamelon. La pression douce et continue, orientée vers le gril costal, sera exercée pendant 60 secondes, davantage si nécessaire, en se focalisant sur la zone où l’aréole rejoint la base du mamelon. Il sera alors nécessaire de répéter la manœuvre sur les quadrants opposés pendant 60 secondes supplémentaires, en recouvrant partiellement la zone précédemment traitée, afin d’assouplir la totalité de la zone entourant la base du mamelon. Recommencer plusieurs fois jusqu’à ce que la zone aréolaire soit suffisamment assouplie et élastique pour que l’enfant puisse la prendre en bouche facilement, et étirer le mamelon avec sa langue. Prendre 3 à 5 mn pour pratiquer l’ACP avant chaque tétée aussi longtemps que perdure l’engorgement rendra la tétée beaucoup plus facile et confortable. Si la mère a les ongles plus longs, ou qu’elle a des difficultés à effectuer l’ACP, il sera possible d’utiliser le bout d’une tétine en silicone pour biberon ; découper la tétine en rond environ 1,5 cm derrière le bout de la tétine, et appliquer la pulpe des doigts sur cette « collerette » après avoir recouvert le mamelon avec le bout de la tétine. L’auteur souligne que l’utilisation de l’ACP doit être très prudente chez les femmes porteuses d’implants mammaires, et qu’elle ne doit pas être utilisée si la mère souffre de mastite ou d’un canal lactifère bouché.
L'assouplissemnt par contre pression sera exercé avec les deux mains, soit avec 3 ou 4 doigts de chaque main, soit avec un doigt de chaque main (pouce ou index). Appuyez doucement vers la poitrine pendant 60 secondes, en alternant les quadrants, lorsque la presion est exercée avec un seul doigt de chaque main. Répéter si nécéssaire.
Etant donné la fréquence de l’engorgement en post-partum, il serait utile de faire des études sur les facteurs susceptibles de l’aggraver, tels que la perfusion de cristalloïdes en péri-partum, l’injection d’oxytocine, et la fréquence et les modalités de l’utilisation d’un tire-lait. Dans la mesure où les perfusions et les injections d’oxytocine sont de plus en plus fréquentes, nous risquons de voir de plus en plus d’engorgements sévères. Il est donc nécessaire d’évaluer les diverses techniques (dont fait partie l’ACP) susceptibles d’aider la mère à surmonter le problème.
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