Texte de la conférence donnée à la JIA (Journée Internationale de l'Allaitement) 1997, publiée dans le numéro hors série "JIA 1997" des Dossiers de l'Allaitement.
De plus en plus souvent, les articles parus dans la littérature scientifique suggèrent que le lait maternel est source de bienfaits spécifiques pour la santé des prématurés venant s’ajouter à ceux universellement reconnus pour les enfants nés à terme et en bonne santé. Par ailleurs, des publications ont détaillé les avantages de l’allaitement pour les mères ayant accouché prématurément ; pour ces mères, l’allaitement est souvent « la seule chose qu’elles puissent faire pour leur enfant », tous les autres soins et responsabilités étant assumés par des professionnels de santé. Cependant, en dépit de tous ces avantages pour la mère et l’enfant, la prévalence de l’allaitement est relativement basse dans cette population.
Aux USA, des statistiques récentes montrent que seulement 35 à 38% des mères accouchant prématurément tentent d’allaiter. Elles montrent de plus que, parmi celles qui tentent d’allaiter un enfant prématuré ou de petit poids de naissance, 25 à 75% auront cessé avant même la sortie de l’enfant du service de néonatalogie. Bien que certains auteurs aient fait état de chiffres plus favorables dans d’autres pays, il n’en existe pas moins une relation inverse entre l’âge gestationnel de l’enfant à la naissance et le temps pendant lequel il sera allaité.
Il est courant de retarder la mise au sein de l’enfant jusqu’au moment où il arrivera à prendre tout un repas au biberon sans manifestations cliniques de stress, ce qui interfère avec la relation d’allaitement dans cette population. Cette pratique est basée sur la conviction que « prendre le sein est plus fatiguant pour l’enfant que prendre un biberon ». Cette assertion n’a jamais été démontrée. Pourtant, à cause d’elle, la plupart des bébés prématurés que leur mère souhaite allaiter seront alimentés par gavage, puis passeront au biberon, et les mises au sein ne seront débutés que dans les jours qui précèdent la sortie du service de néonatalogie. En conséquence, le prématuré développe une succion adaptée au biberon, ce qui rendra difficile le passage au sein ; de son côté, la mère n’aura eu que peu d’opportunités de mettre son bébé au sein pendant son séjour en néonatalogie. Frustrées par les barrières qui leur sont opposées, beaucoup de mères décideront de cesser leurs efforts pour allaiter pendant le séjour en néonatalogie de leur enfant ou peu après sa sortie.
Mettre le prématuré au sein plus rapidement pourrait prévenir bon nombre de problèmes, ce qui aurait un impact positif sur la prévalence de l’allaitement dans cette population (22). Toutefois, peu d’études se sont penchées sur les réponses physiologiques du prématuré pendant la mise au sein, et les professionnels de santé hésitent à permettre une mise au sein précoce. Le but de nos travaux était de comparer les réponses physiologiques de prématurés pendant la tétée au sein et la prise du biberon. Nous vous exposons ici les résultats de ces travaux, qui montrent d’importantes différences dans la coordination de la succion et de la respiration entre ces deux méthodes d’alimentation.
La littérature médicale existante
La succion au biberon
Ce qui se passe pendant la prise du biberon a été étudié de façon détaillée par de nombreuses études, tant chez l’enfant à terme que chez le prématuré. Tant les études faites il y a des décennies que les études les plus récentes donnent des résultats concordants. Une bonne compréhension de ces mécanismes est indispensable pour comprendre les réponses physiologiques pendant la prise du biberon.
Lorsque du lait sort du biberon, il est envoyé vers l’oropharynx postérieur par les mouvements de la langue. La fermeture des voies aériennes permet la déglutition ; les voies aériennes se rouvrent ensuite pour permettre à l’enfant de respirer, puis elles se referment pour permettre une nouvelle déglutition. Ainsi, le cycle de succion de l’enfant est constitué de trois actions coordonnées : succion, déglutition, respiration. Toutefois, la fermeture répétée des voies aériennes indispensable pour éviter les fausses routes induit des phénomènes physiologiques inévitables : réduction de la fréquence respiratoire, hypoxémie et hypercapnie plus ou moins importantes, apnée et bradycardie chez certains enfants. Ces réponses physiologiques sont encore plus marquées lorsque l’enfant est malade ou prématuré, mais elles ont été observées aussi en post-partum précoce chez des enfants nés à terme et en bonne santé.
Les recherches les plus récentes ont démontré que l’amplitude du flot de lait pendant la prise du biberon est directement corrélée à l’amplitude des changements physiologiques observés chez l’enfant, c’est à dire que plus le flot de lait est abondant, plus ces symptômes seront marqués. La raison physiologique de ce phénomène est que l’enfant a besoin de plus de temps pour avaler une grande gorgée de lait que pour en avaler une petite, et qu’il lui restera donc moins de temps pour respirer. La fréquence respiratoire est donc nettement abaissée lorsque le lait coule rapidement. Divers facteurs influencent la rapidité du flot de lait pendant la prise du biberon : succion de l’enfant, pression développée, taille des trous de la tétine, flexibilité de cette dernière, type du récipient contenant le lait ...
La succion au sein
Bien que peu d’études se soient penchées sur la succion au sein chez les prématurés, les résultats publiés dans la littérature scientifique internationale suggèrent que les prématurés sont capables de prendre le sein à un poids et à un âge gestationnel plus bas que ce qui est généralement supposé dans la plupart des pays occidentaux. Notre équipe a publié des travaux dans lesquels un groupe de prématuré constituait son propre groupe témoin. Ces enfants ont été étroitement suivis pendant qu’ils prenaient le sein et le biberon ; leur niveau d’oxygénation était plus stable et leur température plus élevée pendant la tétée au sein que pendant la prise du biberon. Ces travaux ont été repris par l’équipe de Blaymore-Bier; ils ont montré que les enfants de très petit poids de naissance avaient une moins bonne saturation en oxygène lorsqu’il prenaient le biberon que lorsqu’ils étaient au sein. Dans une étude portant sur 15 prématurés constituant leur propre groupe témoin, Mathew et Bhatia ont fait état des mêmes résultats : les prématurés avaient un meilleur taux de saturation en oxygène et moins de pauses respiratoires pendant la tétée au sein ; deux enfants ont présenté une bradycardie pendant la prise du biberon, ce qui n’a été le cas d’aucun enfant pendant la mise au sein.
Toutes ces études permettent de penser que les prématurés peuvent avoir un état clinique plus stable pendant la tétée au sein que pendant la prise d’un biberon. Toutefois, ces études portent sur de petits échantillons, et diverses variables n’ont pas été prises en compte, telles que la succion de l’enfant ou la quantité de lait absorbée pendant la tétée au sein.
Méthodologie de nos travaux
10 prématurés stabilisés cliniquement, et que leur mère souhaitait allaiter, ont servi à la fois de sujet et de témoin dans une étude séquentielle destinée à tester la tétée au sein et la prise du biberon, et ce entre le début de l’alimentation entérale et la sortie du service de néonatalogie. De plus, 10 autres prématurés stabilisés cliniquement, et que la mère ne souhaitait pas allaiter, ont été surveillés pendant les repas au biberon, de façon à constituer un groupe témoin supplémentaire d’enfant n’ayant jamais été confrontés à la succion au sein.
Ces enfants ont été suivis 2 fois par semaine pendant toute la durée d’un repas au sein ou au biberon. La succion, la respiration et l’oxygénation ont été mesurés en continu par des méthodes non invasives, et enregistrés sur un polygraphe Gould à 8 canaux (Rolling Meadows, Il). La succion était mesurée à l’aide d’une jauge de pression Whitney (Parks Medical Electronics, OR), fonctionnant sur le même principe que le pléthysmographe. Des études précédentes, effectuées dans notre service, avaient montré que cette jauge, qui passe sous le menton de l’enfant puis est fixé sur l’apophyse zygomatique, était un moyen très fiable de mesure de la succion chez des prématurés. La respiration était mesurée par impédance à l’aide d’électrodes placées sur le torse de l’enfant. L’oxygénation était appréciée par oxymétrie, grâce à un capteur placé sur la main ou le pied de l’enfant. Le volume de lait absorbé était connu par des tests de pesée : l’enfant habillé était pesé avant et après le repas sur une balance sophistiquée ; la différence observée en g était traduite en ml de lait absorbés ; la fiabilité de cette procédure avait été auparavant testée dans notre service.
Nos résultats
L’organisation de la succion en salves entrecoupées de pauses
Les enfants de cet échantillon ont donc constitué leur propre groupe témoin. Ils ont fait état d’une plus grande capacité à avoir une succion organisée en salves rythmiques entrecoupées de pauses à un âge plus précoce pendant la mise au sein que pendant la prise d’un biberon. Cette observation est clairement visible sur la figure 1, montrant l’enregistrement d’un enfant. La succion au sein se caractérise par une longue salve de mouvements de succion réguliers, amples et symétriques, tandis que la prise du biberon se traduit par des mouvements de succion irréguliers et isolés. Au sein, cet enfant a absorbé 25 ml de lait ; au biberon, il a consommé 7 ml de lait avant que le biberon lui soit retiré en raison de la survenue d’épisodes de bradycardie. Etant donné que l’enregistrement fait au sein est antérieur de 10 jours à l’enregistrement fait au biberon, nous sommes donc amenés à croire que rien, dans la pratique, ne justifie de repousser la mise au sein jusqu’au moment où l’enfant pourra prendre un biberon sans manifestations cliniques de stress.
La maturité neurologique des enfant s’améliorait avec le temps, et il avaient une succion mieux organisée pendant la prise du biberon. Toutefois, chez la plupart des enfant, les salves de succion restaient plus courtes et moins rythmiques lorsqu’ils prenaient un biberon que lorsqu’ils étaient au sein. D’autres différences significatives ont été observées entre la succion au sein et la succion au biberon ; elles sont rapportées ailleurs.
Texte de la figure 1
L’enregistrement polygraphique montre l’organisation de la succion au sein et au biberon chez un prématuré. L’enregistrement de la succion au sein se caractérise par une longue salve de mouvements de succion (55 mouvements), ces mouvements de succion étant amples, rythmiques et symétriques. Cet enfant était à 32 semaines d’âge gestationnel, et il a absorbé 25 ml de lait. L’enregistrement fait pendant la prise du biberon, effectué 10 jours plus tard chez le même enfant, se caractérise par des mouvements de succion isolés et arythmiques ; l’enfant a absorbé 7 ml de lait, puis la prise du biberon a dû être arrêtée en raison d’épisodes répétés de bradycardie.
Coordination de la succion et de la respiration
Les différences observées entre la succion au sein et la succion au biberon reflètent les différences sous-jacentes existant dans la respiration. Pendant la prise d’un biberon, l’enfant alterne les « salves » de mouvements de succion avec des « salves » de mouvements respiratoires. Il ne respire pas pendant les salves de mouvements de succion. Par contre, pendant la tétée au sein, les enfants respirent pendant les salves de mouvements de succion. Il semble exister de subtiles différences dans la succion, qui permettent à l’enfant de respirer pendant les salves de mouvements de succion. Ces différences sont montrées par les enregistrements des figures 2, 3 et 4.
Texte de la figure 2
L’enregistrement polygraphique montre la coordination succion-respiration, ainsi que le taux d’oxygénation d’un prématuré pendant la prise du biberon. L’enfant alterne les salves de succion avec des inspirations en salves, mais il ne respire pas pendant les salves de mouvements de succion. Le taux d’oxygénation est stable.
La succion au biberon
La figure 2 montre l’enregistrement fait pendant la prise du biberon chez un enfant du groupe témoin, c’est à dire chez un enfant que la mère ne souhaitait pas allaiter. Comme vous pouvez le voir, cet enfant alterne de courtes salves de mouvements de succion avec des mouvements respiratoires en salve. Il n’a aucun mouvement respiratoire pendant les salves de mouvements de succion, apparemment parce que ces salves sont de courte durée, et sont suivies de mouvements respiratoires rapides. Ces observations donnent à penser que l’enfant contrôle l’alternance succion-respiration de façon à minimiser les fluctuations de son oxygénation.
Toutefois, d’autres enfants n’étaient pas capables de contrôler aussi efficacement leur succion et leur respiration pendant la prise du biberon, et on observait chez eux des changements plus important dans leur oxygénation (figure 3). Chez certains enfants, on observait une désaturation en oxygène même pendant de courtes salves de mouvements de succion, alors que chez d’autre on l’observait lors de plus longues salves de mouvements de succion, ou lorsque l’enfant essayait de respirer pendant les salves de succion.
Texte de la figure 3
Cet enregistrement polygraphique montre les mouvements de succion et de respiration, ainsi que le taux d’oxygénation d’un prématuré pendant la prise du biberon. Le taux de saturation en oxygène est variable, avec des valeurs descendant jusqu’à 78%, et ce pendant de courtes salves de mouvements de succion.
Le fait constant dans tous les enregistrements faits pendant la prise d’un biberon, à tous les âges gestationnels et pendant toute la durée d’hospitalisation dans le service, était l’interruption de la respiration pendant les salves de mouvements de succion. Cela n’avait pas d’impact clinique significatif chez la plupart des prématurés, sauf chez l’un d’entre eux qui présentait régulièrement une baisse marquée du taux de saturation en oxygène pendant les salves de succion au biberon.
La tétée au sein
L’analyse des enregistrements polygraphiques pendant les tétées au sein montre que les enfants respirent pendant les salves de mouvements de succion, plutôt que d’alterner les deux. Ce mode de coordination était présent dès 32 semaines d’âge gestationnel ; il se caractérisait par une certaine irrégularité des mouvements respiratoires ; les enfants ne respiraient pas toujours après chaque mouvement de succion, mais ils ne restaient pas en apnée pendant toute la durée d’une salve de mouvements de succion. Lorsque leur maturité augmentait, leurs mouvements respiratoires devenaient plus fréquents, avec une alternance approchant un rapport 1/1 pour les mouvements de succion et les mouvements respiratoires. Un tel enregistrement est montré figure 4, dans ce tracé effectué chez un enfant de 33 semaines d’âge gestationnel. L’enfant a effectué 104 mouvements de succion sans interruption et il a absorbé 35 ml de lait pendant la tétée.
Sur cette figure 4, vous pouvez observer une phase A, un court moment pendant lequel l’enfant a eu des mouvements de succion vigoureux et aucun mouvement respiratoire. Elle est suivie d’une phase B, pendant laquelle l’enfant a eu 3 mouvements de succion moins amples et plus lents, et des mouvements respiratoires plus rapides. Le tracé redevient ensuite plus régulier.
Un examen attentif de ce tracé suggère que l’enfant a modifié l’amplitude et la durée de ses mouvements de succion pendant la phase B pour réinstaller un rythme respiratoire régulier. Ce phénomène n’a jamais été observé pendant la prise d’un biberon.
Texte de la figure 4
Cet enregistrement polygraphique montre la succion, la respiration et le taux d’oxygénation chez un prématuré de 33 semaines pendant une tétée au sein. Cet enfant a eu une longue salve de mouvements de succion (104 succions) amples et réguliers, avec des mouvements respiratoires régulier, sauf pendant la phase A, pendant laquelle la respiration est interrompue pendant la durée de plusieurs mouvements de succion. Pendant la phase B, l’enfant change l’amplitude et la durée de quelques mouvements de succion, apparemment pour réinstaller une respiration plus régulière, qui persiste ensuite jusqu’à la fin de la salve de mouvements de succion.
Discussion
Les résultats constatés ci-dessus constituent la première comparaison entre les réponses physiologiques de prématurés lorsqu’ils prennent un biberon ou une tétée au sein, et dans laquelle les données ont été mesurées avec une méthodologie dont la fiabilité avait été préalablement testée. Dans les études antérieures, soit la succion n’était pas mesurée, soit elle était mesurée par des techniques d’une fiabilité douteuse. L’utilisation d’un matériel permettant des mesures fiables des divers paramètres étudiés nous permet de mieux comprendre des phénomènes qu’il serait impossible d’apprécier correctement avec des mesures peu fiables.
De même, certaines études antérieures n’avaient pas mesuré la quantité de lait absorbée par l’enfant pendant qu’il était au sein. Il était donc impossible de savoir si les prématurés sur qui portaient ces études avaient ou non une succion « nutritive » au sein, ou si la quantité de lait absorbée au sein et au biberon était similaire. Des différences significatives d’absorption de lait entre les deux méthodes d’alimentation peuvent induire ou contribuer à induire des schémas différents de succion, respiration et oxygénation. La quantité de lait absorbée est donc une variable importante, qui mérite d’être mesurée. Certains auteurs ont utilisés des indicateurs cliniques pour apprécier cette quantité de lait (comme déglutitions audibles), mais ce type d’observation d’est pas suffisamment fiable pour donner des résultats réellement interprétables.
Les résultats décrits ici concordent avec ceux des études antérieures, qui faisaient état d’une plus grande stabilité clinique chez les prématurés pendant la tétée au sein que pendant la prise d’un biberon .Cependant, nos résultats apportent des données supplémentaires dans la mesure où ils suggèrent que cette plus grande stabilité clinique au sein est due aux mécanismes physiologiques différents pour la succion au sein et la succion au biberon : la respiration est beaucoup plus souvent interrompue pendant la prise d’un biberon que pendant la tétée au sein.
D’autres auteurs avaient suggéré que les prématurés avaient une capacité limitée à contrôler le flot de lait qui coule de la tétine du biberon, et que le flot de lait plus abondant induit une réduction significative de la fréquence respiratoire. Cette hypothèse est en accord avec notre constatation, à savoir que le prématuré ne respire pas pendant les salves de mouvements de succion au biberon. Ces mêmes enfants respirant régulièrement pendant les salves de mouvements de succion pendant la tétée au sein, cela suggère soit que le flot de lait est moins rapide pendant la tétée au sein, soit que les enfants arrivent mieux à contrôler ce flot de lait pendant la tétée au sein.
La rapidité du flot de lait n’a pas été mesuré pour cette étude, ni pendant la tétée au sein, ni pendant la prise du biberon. Toutefois, la quantité de lait absorbée par l’enfant a été mesurée pour chaque repas. Pendant les repas dont les enregistrements sont montrés figures 1 et 4, les enfants ont absorbé des quantités de lait beaucoup plus importantes au sein qu’au biberon. De plus, les enfants au sein avaient des mouvements de succion amples, qui suivaient un réflexe d’éjection décrit par la mère, ce qui suggère que le flot de lait devait être aussi abondant, si ce n’est davantage, que le flot de lait au biberon, tout au moins pendant ces instants.
L’explication la plus plausible pour les différences observées entre la succion au sein et la succion au biberon chez des prématurés est que ces enfants sont capables d’exercer un certain contrôle sur le flot de lait pendant la tétée au sein. Ce contrôle semble permettre une bonne coordination succion-déglutition-respiration, avec poursuite des mouvements respiratoires pendant les salves de mouvements de succion. Sil la respiration se trouve interrompue (comme pendant la phase A observée figure 4), ce contrôle permet le rétablissement rapide d’une fréquence respiratoire normale (phase B de la figure 4).
Les différences subtiles observées dans les mouvements de succion pendant la tétée au sein (phase B de la figure 4) suggèrent le mécanisme suivant pour contrôler le flot de lait. Il semble que l’enfant peut augmenter la durée d’un mouvement de succion, afin d’obtenir plus de temps pour respirer, et ce à des moments donnés à l’intérieur d’une salve de mouvements de succion. Par exemple, pendant ce mouvement de succion plus long, il peut comprimer le mamelon maternel, par exemple entre la langue et le palais, de façon à ralentir ou à stopper momentanément le flot de lait coulant du sein. Ces altérations subtiles étaient visibles sur l’enregistrement polygraphique, mais elles n’auraient probablement pas été détectées par une simple observation clinique.
Conclusions
En conclusion, nos observations concordent avec les résultats rapportés par les études antérieures. Elles suggèrent que la prise du biberon peut induire, chez les prématurés, une plus grande instabilité physiologique que la tétée au sein. La raison de cette plus grande instabilité semble résider dans les différences de schéma de succion et de respiration observées entre ces deux méthodes d’alimentation. Il semble que les prématurés peuvent contrôler le flot de lait pendant la tétée au sein, ce qui n’est pas le cas au biberon. D’autres études sont nécessaires pour venir le confirmer. Toutefois, les résultats de toutes les études existant actuellement sur le sujet sont en faveur d’un démarrage plus précoce des mises au sein chez les prématurés ; cela pourrait avoir un impact positif sur le taux élevé d’échec de l’allaitement observé dans cette population particulièrement vulnérable.
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