Article publié dans les Dossiers de l'Allaitement numéro 61 (Octobre-Novembre-Décembre 2004)
D'après "Humanized care of preterm babies". M Singh, AK Deorari. In¬dian Pediatrics 2003 ; 40 : 13-20.
La naissance est un moment difficile pour le bébé. Les nouveaux-nés à terme sont suffisamment matures sur le plan neurologique et physiologique pour s’adapter à la vie extra-utérine sans réelles difficultés. Mais ce n’est pas le cas des prématurés. On fait maintenant survivre des prématurés de plus en plus petits, mais au prix de séquelles pouvant être importantes. Les progrès technologiques à l’origine de la survie de très grands prématurés ont leur revers. L’enfant est transformé en objet, et subit de nombreuses procédures invasives. Plus l’enfant est prématuré, et plus les soins qui lui sont donnés sont habituellement déshumanisés.
Certains commencent maintenant à comprendre qu’il est nécessaire de prendre davantage en compte la qualité de vie de l’enfant pendant son séjour en néonatalogie, et de veiller à ce qu’il puisse bénéficier d’un confort maximal, aussi proche que possible de celui dont il bénéficiait dans l’utérus. Le personnel soignant doit être formé à accorder à ces enfants des soins individualisés respectant la personne de l’enfant. Les parents devraient être activement encouragés à participer aux soins à l’enfant, afin de favoriser l’éclosion du lien parents-enfant.
L’environnement des services de néonatalogie est habituellement très désagréable, particulièrement pour un grand prématuré très immature. Un niveau sonore de 70 à 80 décibels est fréquent, alors que dans l’utérus l’enfant est exposé à des bruits ne dépassant pas 40 à 60 décibels. Ce bruit est lié à tous les appareils de suivi, et au personnel soignant. Le grand prématuré réagit souvent à ce niveau sonore par des épisodes d’apnée, de bradycardie et d’hypertension. Il ne peut pas se reposer correctement, il sera fatigué, sa prise de poids sera moins bonne. Les prématurés ont un risque 5 fois plus important que les enfants nés à terme de troubles de l’audition. Il serait donc nécessaire de limiter autant que faire se peut le niveau sonore : alarmes moins puissantes, appareils moins bruyants, portes munies de dispositifs les empêchant de claquer, personnel parlant doucement…
La plupart des services de néonatalogie sont fortement éclairés pour favoriser la surveillance. Les enfants placés sous photothérapie subiront une luminosité encore plus intense. Des études semblent montrer que cela favorise les rétinopathies chez les prématurés, et peut perturber profondément les rythmes biologiques circadiens. On a constaté qu’un éclairage faible augmentait la durée de sommeil de l’enfant, réduisait son rythme cardiaque, augmentait sa tolérance alimentaire et sa prise de poids. L’éclairage devrait être réduit à ce qui est nécessaire, avec des plages où il sera encore abaissé pour que les enfants puissent se reposer. Il est aussi possible de mettre des couvertures sur les couveuses. La nuit, les lumières seront beaucoup plus faibles. Il est aussi possible d’avoir un éclairage individuel pour chaque couveuse. Les yeux du bébé seront protégés chaque fois qu’il sera nécessaire de l’exposer à une luminosité importante.
Il est impossible de recréer la douceur et le confort de l’utérus. Les prématurés ont un tonus musculaire très bas, et leurs membres sont en extension, alors qu’ils seraient en flexion dans l’utérus. Or, cette position en extension peut induire des anomalies du tonus musculaire, et un retard du développement moteur. Le prématuré devrait donc autant que possible être placé en position fœtale, en l’entourant si nécessaire avec une couverture, et en plaçant un linge doux entre les jambes du bébé. Ses mains devraient rester libres afin qu’il puisse les porter à son visage et à sa bouche. L’enfant devrait être manipulé avec des mains chaudes, et des mouvements doux et lents ; tout mouvement brusque devrait être évité.
Rien n’est plus adapté aux bébés humains que le lait humain. Cela est aussi valable pour les bébés prématurés, même si ce lait doit leur être donné par gavage parce qu’ils ne peuvent pas prendre le sein. Même s’il ne peut pas être totalement nourri par voie entérale, le bébé devrait commencer à recevoir du lait humain dès que possible, en raison de son impact bénéfique sur le développement du tractus digestif, dont cela accélèrera la maturation. La colonisation microbienne favorisée par le lait humain abaissera le risque de contamination par des germes pathogènes.
Toutes ces mesures, destinées à traiter les prématurés avec douceur et respect, amélioreront leur confort et leur stabilité physiologique, et favoriseront donc leur croissance et leur développement. Ces bébés seront plus éveillés et répondront mieux aux stimulations qui leur sont nécessaires pour leur développement neurologique. Il faut toutefois se souvenir que la surstimulation est aussi néfaste pour eux que la sous-stimulation. La stimulation tactile sera effectuée en touchant doucement l’enfant. La mère sera encouragée à le porter contre sa peau. La plupart des prématurés apprécient beaucoup ce contact, qui leur permet de sentir l’odeur de leur mère et d’entendre les battements de son cœur. Cela encouragera aussi le contact visuel, surtout si la lumière est tamisée. Une musique douce (musique classique le plus souvent) est appréciée par la plupart des bébés. On peut aussi faire écouter à l’enfant la voix des parents enregistrée sur une cassette. Le prématuré ne devrait pas être exposé à des odeurs fortes ou déplaisantes (alcool, désinfectants…), ou aussi rarement que possible. Eviter les parfums. L’odeur de sa mère est habituellement l’odeur préférée de ces bébés, en particulier l’odeur de ses seins et de son lait. Des tampons imbibés du lait de la mère pourront être laissés dans l’incubateur afin de stimuler l’odorat du bébé.
Des soins humanisés ne constituent pas une alternative à des soins de haute technicité, ils leur sont complémentaires. Il est possible d’obtenir un équilibre entre les deux, ne serait-ce qu’en repensant l’environnement : lumières plus douces, avec des variations jour/nuit, abaissement du niveau sonore avec des plages de silence, formation des équipes soignantes à des soins individualisés respectant les caractéristiques de ces bébés, attention portée à un confort maximal du prématuré, don de lait maternel. La participation active des parents aux soins est importante, et ces derniers doivent être encouragés à s’investir, à toucher leur enfant, à lui parler, à le nourrir. Cela leur permettra de mettre en place un lien puissant avec leur enfant, et de surmonter le choc de la naissance d’un bébé « à haut risque ». Il est nécessaire de tout faire pour la survie de ces bébés, mais il est aussi nécessaire d’améliorer la qualité de vie de ceux qui survivent.
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