DA 60 : Surveillance du taux de polluants dans le lait humain

Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 60 (Juillet-Août-Septembre 2004).
D'après "Technical workshop on human milk surveillance and research on environmental chemicals in the United States : an overview". JS LaKin, CM Berlin. J Toxicol Environ Health A 2002 ; 65(22) : 1829-37. Mots-clés : lait humain, polluants, études, surveillance.

On s’intéresse de plus en plus à l’utilisation du lait humain pour le suivi de l’exposition aux polluants, et de plus en plus d’études sur le sujet sont entreprises. Le lait humain est un produit biologique idéal pour le suivi de notre exposition aux divers polluants environnementaux, et les chercheurs travaillant dans ce domaine doivent s’assurer que les méthodes utilisées répondent à des critères précis de qualité et de fiabilité. Il est de la plus haute importance d’harmoniser les protocoles de recherche utilisés par toutes ces études. Il est donc devenu nécessaire de mettre en œuvre un programme rigoureux de suivi et d’analyse du lait humain.

La conférence technique sur la surveillance et le suivi des polluants environnementaux dans le lait humain aux USA a été organisée pour faire le point sur les connaissances actuelles qui concernent les divers aspects d’un programme d’études sur le sujet. Un panel d’experts a été rassemblé pour participer à cette conférence de deux jours à l’Université de médecine de Pennsylvanie. Ils travaillaient dans le domaine de la pédiatrie, de la médecine générale, de la lactation, de la communication, de la chimie, de l’épidémiologie, de la pharmacologie, de la toxicologie, de la nutrition et de l’évaluation du risque. Ces experts ont été chargés de définir les protocoles à appliquer pour mener des études de bonne qualité sur la mesure et la surveillance du taux lacté de polluants, depuis la sélection des personnes enrôlées jusqu’à la communication des données, en passant par le recueil des échantillons de lait, les questionnaires de recueil des données, et les diverses techniques d’analyse du lait. Une série d’articles décrit les résultats des échanges de vue et des délibérations de tous ces experts sur les meilleurs moyens de mener des études de bonne qualité sur les polluants présents dans le lait humain.

Actuellement, la conduite de telles études se fait dans une période où l’allaitement n’est plus la norme dans de nombreux pays industrialisés, et il est donc important que les mères comprennent le but de telles études et leur intérêt. Un objectif essentiel de toutes les études menées sur les polluants du lait humain est de s’assurer qu’elles n’auront pas d’impact négatif sur l’allaitement, et en particulier qu’elles n’induiront pas de craintes injustifiées au sujet d’un éventuel impact négatif de l’allaitement sur l’enfant allaité. Il est donc indispensable de donner des informations d’une façon soigneusement pesée. Les mères qui participent à l’étude doivent être correctement informées avant, pendant et après l’étude. Avant, pour satisfaire aux recommandations éthiques du consentement informé ; pendant, pour donner aux mères des consignes fiables pour l’expression, le stockage et la conservation de leur lait, et sur le moyen d’éviter une contamination extérieure de leur lait ; après, les mères doivent recevoir des informations sur les résultats obtenus sur leur lait et par l’étude en général. Le meilleur instrument pour recueillir des données sur les participants à une étude est un questionnaire, dont le contenu sera variable en fonction des objectifs de l’étude. Ce questionnaire devra être soigneusement préparé pour recueillir de façon fiable les données nécessaires, et il sera de préférence utilisé par un membre de l’équipe de chercheurs.

La sélection des femmes qui seront incluses dans une étude sur le taux lacté des polluants requiert la prise en considération de nombreux facteurs. L’objectif des études est de recueillir des données représentatives d’une population donnée, donc généralisables à cette population, et qui pourront être comparées à celles recueillies par des études similaires. L’objectif d’une étude est déterminant pour la sélection des sujets. L’exposition n’est que l’un des facteurs qui influencent le taux lacté des différents polluants. De nombreuses caractéristiques maternelles et infantiles doivent être prises en compte. La façon dont le lait sera collecté a aussi un impact sur la sélection des sujets : si le protocole est trop complexe, la compliance des sujets risque d’être médiocre. Il faut décider si les échantillons seront analysés un par un, ou s’ils seront regroupés tous ensemble, ou par catégories dans des sous-groupes de population. L’OMS a édité des recommandations pour la sélection des sujets enrôlés dans des études sur le suivi de la composition du lait. Toutefois, il existe d’importantes différences suivant les pratiques d’allaitement, le lieu de résidence, et les origines raciales et ethniques, ce qui implique des approches différentes.

Le recueil du lait humain devrait donc faire l’objet d’un protocole précis. Le processus de synthèse du lait humain et les variations de sa composition peuvent avoir un impact sur la mesure du taux de polluants. Les principales causes de variations sont la parité, le stade de la lactation, la méthode de recueil, les apports alimentaires de la femme et son statut nutritionnel. Un certain nombre de recommandations ont été faites sur quand et comment collecter du lait humain. Pour toute étude prévue sur le taux lacté de polluants, toutes les causes possibles de variations de ce taux doivent être évaluées afin d’établir un protocole de recueil des échantillons aussi représentatif que possible de la population étudiée.

Lorsque des équipes décident de rechercher le taux de divers polluants dans le lait, que ce soit pour le suivi de l’évolution de ce taux ou pour une recherche ponctuelle, les auteurs doivent s’assurer que les techniques utilisées pour mesurer ce taux respectent certains critères analytiques, et qu’un programme de contrôle de la qualité des techniques est mis en place. Les spécialistes ont passé en revue ces critères analytiques, ainsi que les divers moyens de contrôle. Des exemples de méthodes de bonne qualité sont donnés pour la détermination d’un certain nombre de classes de polluants environnementaux, tels que les dibenzo-p-dioxines polychlorés, les dibenzofuranes polychlorés, les biphényles polychlorés, les solvants organiques, et les retardateurs de flamme halogénés. La plupart des techniques d’analyse sont physico-chimiques, mais la possibilité d’utiliser des techniques de bio-analyse pour l’étude du lait humain est notée. Les méthodes décrites ne sont pas les seules existantes, mais tout laboratoire qui entreprend une étude des polluants du lait maternel doit démontrer que les méthodes utilisées sont fiables. Cela pourra habituellement être démontré si plusieurs laboratoires trouvent des résultats similaires à partir des mêmes échantillons étudiés.

Il sera ensuite nécessaire de veiller à l’interprétation, à la présentation et à l’utilisation des données portant sur la surveillance du taux de polluants dans le lait humain. Il est particulièrement important de replacer les résultats de leurs études dans le contexte, et de prendre en compte les risques et les avantages de l’allaitement et de l’alimentation avec un substitut, afin que les personnes concernées puissent prendre une décision informée en matière d’alimentation infantile, que ce soit les parents ou les professionnels de santé (médecins, sages-femmes, puéricultrices, consultantes en lactation…). Les principaux problèmes discutés ont été : la communication de l’information sur les composants du lait humain aux professionnels de santé et au public ; la prise en compte de tous les facteurs pour évaluer les avantages et les risques respectifs de l’allaitement et de l’alimentation au lait industriel ; l’utilisation du lait humain comme ressource pour l’analyse de la pollution et pour l’évaluation de l’efficacité des mesures de restriction de l’exposition aux polluants dans notre environnement ; l’évaluation du risque éventuel lié à la pollution du lait humain, et les recommandations qui pourront en découler.

Les études sur le taux lacté de polluants sont complexes sur le plan logistique, et demandent à être effectuées avec beaucoup de soin. Si elles sont mises en œuvre avec un protocole rigoureux et soigneusement exécutées, elles permettent de recueillir des données très importantes.