Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 51 (Avril - Mai - Juin 2002)
D'après "Mastitis in lactating women : physiology or pathology ?" C Fetherston. Sage-Femme, consultante en lactation. Breastfeed Rev 2001 ; 9(1) : 5-12.
Les mastites sont un problème courant pendant l’allaitement. La symptomatologie peut être uniquement locale (zone inflammatoire au niveau du sein), ou être accompagnée d’un syndrome grippal. La sévérité des symptômes et leur durée sont très variables ; la mastite apparaît généralement brutalement, et peut durer de 1 à 12 jours. Dans les cas les plus sévères, et lorsque la mastite n’a pas été traitée correctement, la femme pourra présenter un abcès ou une septicémie.
En dépit d’une prévention nettement plus efficace et d’une importante amélioration des connaissances sur le sujet, la prévalence des mastites reste élevée. Environ 1/4 des mères allaitantes présenteront un ou plusieurs épisodes de mastite pendant leur allaitement. Il reste donc indiscutablement des efforts à faire pour mieux comprendre ce problème et le résoudre plus efficacement.
Les mastites induisent une perte d’argent significative pour l’industrie laitière, et ce phénomène est beaucoup mieux étudié chez les animaux que chez les femmes. Les mastites sont fréquentes chez les vaches laitières, alors qu’elles sont rares chez les espèces qui ne sont pas élevées pour leur lait (y compris les vaches « à viande ») ; or, les vaches laitières sont sélectionnées pour produire une quantité de lait très supérieure à ce qui serait nécessaire pour couvrir les besoins d’un veau. Et les recherches récentes menées en médecine vétérinaire donnent à penser que la mastite pourrait ne pas forcément être un processus pathologique, mais qu’elle pourrait aussi être une réponse inflammatoire physiologique destinée à maintenir l’intégrité et le bon fonctionnement de la glande mammaire. Cette hypothèse semble très intéressante à étudier aussi chez la femme allaitante.
La mastite infectieuse
Pendant longtemps, on a considéré que la mastite était obligatoirement infectieuse. Actuellement toutefois, de nombreux auteurs distinguent les mastites inflammatoires des mastites infectieuses. En cas de mastite infectieuse, la porte d’entrée peut être cutanée (lésions des mamelons) ou interne (migration de germes par le système lymphatique ou sanguin). En l’absence d’une pathologie infectieuse systémique, cette seconde voie est très improbable. On peut donc considérer que, dans la presque totalité des cas observés dans les pays industrialisés, la porte d’entrée du germe est cutanée.
Des études ont constaté que la présence de lésions sur les mamelons était un facteur de risque de mastite. Le germe en cause est le plus souvent le Staphylocoque doré ; mais on a rapporté des cas de mastite à Streptocoque β-hémolytique, à Streptocoque fécal ou à Escherichia coli. La prévalence des mastites est particulièrement élevée pendant les premières semaines post-partum ; elles sont alors la conséquence d’une contamination nosocomiale chez les mères ayant accouché en milieu hospitalier. Aucune étude n’a comparé l’incidence des mastites suivant que la mère avait accouché en milieu hospitalier ou à son domicile.
Le drainage régulier du sein représente un moyen efficace de défense vis-à-vis des infections de la glande mammaire. Les germes peuvent toutefois adhérer aux cellules épithéliales des canaux lactifères, et l’infection remontera progressivement dans le sein. Ce processus pourra être favorisé par l’engorgement ou des tétées pas assez fréquentes. L’existence de microlésions des canaux lactifères et de la glande mammaire, éventuellement en rapport avec l’engorgement et la stase du lait, favorise aussi ce processus en raison de la sécrétion de protéines qui fixent les germes (fibronectine, collagène, fibrinogène…). Le lait humain contient diverses molécules qui inhibent l’adhésion bactérienne, par compétition au niveau des sites récepteurs. Le rôle de ces molécules est reconnu en ce qui concerne la protection de l’enfant, mais leur rôle dans la protection de la glande mammaire vis-à-vis des germes pathogènes reste peu étudié, de même que celui des molécules anti-inflammatoires et immunocompétentes du lait humain.
La mastite inflammatoire
Elle survient suite à un drainage insuffisant de la glande mammaire, et consiste en une réaction inflammatoire en amont du blocage. Cette réaction inflammatoire va augmenter l’afflux sanguin local, ainsi que la perméabilité des parois des vaisseaux sanguins. L’inflammation pourra aussi induire une ouverture des jonctions intercellulaires de la glande mammaire, avec fuite interstitielle des composants du lait humain.
Lorsque la lactation est bien établie, ces points de jonction assurent une très bonne étanchéité, nécessaire au maintien d’un gradient électrochimique entre le milieu interstitiel et les cellules sécrétrices mammaires. Mais en cas d’engorgement important ou d’inflammation, il y aura exsudation de composants du lait dans le milieu interstitiel, mais aussi de composants plasmatiques vers le lait. Cela induit des modifications de la composition du lait, comme l’augmentation du taux de sodium, constatée en cas d’engorgement ou de mastite. Ce phénomène de passage pourrait être régulé par le taux local de lactose, le principal composant osmolaire du lait humain, et avoir pour but la diminution de la sécrétion lactée.
Facteurs anti-inflammatoires dans le lait de mères souffrant de mastite
D'après "Human milk anti-inflammatory component contents during acute mastitis." ES Buescher, professionnel de santé Hair. Cell Immunol 2001 ; 210(2) : 87-95.
Les mastites sont fréquentes chez les femmes allaitantes. L’auteur a recherché les éventuelles modifications des facteurs anti-inflammatoires du lait humain pendant une mastite.
8 femmes souffrant de mastite ont donné des échantillons de lait. Par rapport à du lait prélevé en dehors d’un épisode de mastite, il n’a été observé aucune modification de l’activité anti-oxydative (activité du cytochrome c), de celle des cytokines (IL-6, IL-1beta, sIL-6R, sIL-1RII et sTNFRI), du taux de lactoferrine, du rapport Na / K, de l’activité des facteurs qui induisent la libération de sIL-1RII par les polynucléaires, suppriment l’aggrégation des polynucléaires et leur adhésivité. Il n’y avait pas non plus de modification des mécanismes qui induisent la déplétion des stocks de calcium des polynucléaires, ou le blocage de l’entrée du calcium dans les polynucléaires activés (qui étaient significativement plus nombreux dans le lait des femmes souffrant de mastite). En revanche, les taux de TNF-alpha, de sTNFRII, de IL-1RA étaient significativement plus élevés, ainsi que l’activité des mécanismes induisant la libération de sTNFRI à partir des polynucléaires.
Le lait des femmes souffrant de mastite présente globalement le même profil pour ses composants anti-inflammatoires que le lait hors mastite, avec une élévation de certains facteurs et de certaines activités biologiques qui pourrait aider à protéger l’enfant vis-à-vis de la survenue d’un problème lié à la mastite.
Manifestations physiologiques
Des études ont constaté une baisse de 17 à 54% du taux de lactose dans le lait sécrété par le sein atteint de mastite ; on a aussi constaté une augmentation du taux de sodium, qui peut être multiplié par 34. Des études ont observé que le taux de sodium pouvait être plus élevé que la normale même dans le lait du sein non affecté par la mastite, ce qui suggère une réponse systémique. Cela pourrait aussi être le signe d’une inflammation infra-clinique dans le sein non atteint.
Des auteurs ont constaté que le taux lacté de sodium était un bon indicateur du déroulement normal de la lactation. Normalement, ce taux diminue pendant les premières semaines, et le maintien d’un taux élevé est généralement associé à une sécrétion lactée insuffisante et à un échec de l’allaitement. De plus en plus d’études ont donc utilisé le taux lacté de sodium comme indicateur de mastite. Cependant, un taux élevé de sodium ne peut pas être considéré comme un indicateur fiable de mastite, en dehors de toute évaluation clinique. D’autres facteurs bien connus d’élévation du taux de sodium sont le démarrage de la lactation, l’involution mammaire (introduction d’autres aliments par exemple) et la grossesse.
Une étude évaluant l’impact de la nutrition sur les facteurs immunologiques du lait maternel a constaté une corrélation positive significative entre l’augmentation du rapport sodium / potassium et le taux de facteurs immunologiques tels que les IgA, la lactoferrine, le lyzosyme et l’IL-8. Dans la mesure où l’IL-8 est une protéine pro-inflammatoire, les auteurs estimaient que l’augmentation du taux lacté de sodium était la conséquence d’une inflammation locale.
Mais l’augmentation locale des cytokines pourrait aussi être en rapport avec une infection systémique. Dans la mesure où les échantillons de lait prélevés ont été mélangés pour chaque mère, il est impossible de savoir ce qui se passait au niveau de chaque sein en fonction des symptômes locaux. Une autre étude a fait les mêmes constatations, et sa méthodologie était plus précise. Toutefois, elle n’a recueilli aucune donnée sur l’existence éventuelle d’une symptomatologie clinique caractéristique de mastite. En conséquence et avant de pouvoir affirmer que l’élévation du taux de sodium est un indicateur fiable de mastite, il est indispensable de faire une étude où les taux lactés de sodium et de divers facteurs immunitaires seront recherchés, et où la symptomatologie sera prise en compte.
Des auteurs ont tenté d’évaluer l’impact éventuel des modifications des taux lactés de sodium et de facteurs immunologiques sur l’enfant allaité. La perméabilité intestinale de l’enfant n’était pas modifiée, alors qu’elle était modifiée dès que l’allaitement n’était plus exclusif. Certains auteurs estiment que les réactions inflammatoires des mastites favorisent le passage du VIH dans le lait, et augmentent donc le risque de contamination de l’enfant. Il faut toutefois signaler que cette inflammation s’accompagne de l’augmentation de facteurs immunocompétents qui ont un impact inhibiteur démontré sur divers germes pathogènes.
Facteurs prédisposants
De nombreuses études ont évalué les facteurs prédisposant aux mastites, ce qui a nettement amélioré la prévention de cette pathologie. Toutefois, les facteurs de risque biologiques restent peu étudiés. Une étude a constaté qu’un taux lacté de lactoferrine inférieur à la normale était associés à la survenue de mastites récidivantes ; le statut immunitaire de la mère pourrait donc jouer un rôle. Un état de stress ou de fatigue chronique, un effort physique intense, sont associé à une baisse du taux salivaire d’IgA. Il est possible que le même phénomène se produise au niveau du lait, dans la mesure où le stress et la fatigue physique sont d’importants facteurs déclenchants pour les mastites. Il est à noter que la déficience en IgA est la déficience immunitaire la plus fréquente.
En médecine vétérinaire, on a constaté que l’alimentation avait un impact sur la prévalence des mastites. Cette dernière est augmentée en cas de carence en sélénium, en vitamine A et E…Toutefois, les études menées chez des femmes allaitantes pour évaluer l’impact d’une supplémentation en vitamines sur la prévalence des mastites n’ont pas donné de résultat concluant.
Mastites : symptomatologie, bactériologie, traitement, évolution
D'après "Lactation mastitis : bacterial cultivation of breast milk, symptoms, treatment, and outcome." KL Osterman, VA Rahm. J Hum Lact 2000 ; 16(4) : 297-302.
En Suède, 73% des enfants étaient toujours allaités à 6 mois en 1996. Toutes les femmes qui viennent pour une mastite à la consultation de lactation du service hospitalier où travaillent les auteurs reçoivent le conseil de mettre fréquemment leur bébé au sein, et de tirer ensuite leur lait du côté atteint si nécessaire, afin de bien drainer le sein. La pratique de l’allaitement est passée en revue, et on recommande aux femmes de se reposer. La décision de prescrire un antibiotique est laissée à l’appréciation de l’obstétricien de garde. Pour cette étude, un échantillon de lait était recueilli pour examen bactériologique, par expression manuelle après lavage du sein. Un échantillon de sang était aussi prélevé pour recherche du taux d’hémoglobine, de leucocyte et de protéine C-réactive. Toutes les femmes ont été suivies jusqu’à guérison complète.
Toutes les données ont été recueillies pour 40 femmes, ayant présenté 41 épisodes de mastite. La culture a retrouvé uniquement des germes saprophytes cutanés dans 25 mastites (groupe A), et des germes pathogènes dans 16 cas (groupe B). L’âge moyen de l’enfant au moment de la mastite était de 20 jours (de 3 à 336 jours). Chez la femme ayant présenté 2 épisodes de mastite, un germe pathogène a été retrouvé les deux fois.
Le taux de protéine C-réactive était plus élevé que la normale chez toutes les femmes ; il n’y avait pas de différence significative entre le groupe A et le groupe B. Le taux de leucocytes était significativement plus élevé dans le groupe B (14.400 ± 4888 / mm²) que dans le groupe A (9700 ± 3200 / mm²). Le taux d’hémoglobine était normal dans les 2 groupes. Il n’y avait aucune différence entre les 2 groupes pour ce qui était de la sévérité de la symptomatologie à la première consultation. En revanche, les femmes du groupe B avaient beaucoup plus souvent des problèmes de mamelons douloureux que celles du groupe A. Et l’enfant des mères du groupe B était nettement plus jeune que celui des mères du groupe A (en moyenne 8 jours contre 29 jours, ce qui fait suspecter une infection nosocomiale).
Dans 23 des 25 épisodes du groupe A, l’évolution a été spontanément rapidement favorable ; dans les 2 autres cas, les symptômes ont persisté pendant plus d’une semaine. Toutes les femmes de ce groupe ont continué à allaiter, et aucune n’a présenté de complication sévère. Aucune d’entre elles n’a pris d’antibiotiques. L’évolution a été beaucoup moins favorable chez les mères du groupe B, 13 femmes ont présenté des complications (essentiellement durée de la mastite supérieure à 1 semaine), et 5 femmes ont décidé de sevrer leur enfant en raison de la mastite. 1 femme a présenté un abcès du sein ; la culture du lait a retrouvé un staphylocoque doré. 1 femme a présenté une septicémie ; un streptocoque β-hémolytique a été retrouvé dans le lait et l’hémoculture. 9 femmes ont reçu une antibiothérapie (IV au départ chez la femme qui a présenté une septicémie).
Parmi les germes saprophytes, le staphylocoque coagulase – était le plus souvent retrouvé ; parmi les germes pathogènes, le staphylocoque doré était le plus souvent en cause. Alors que l’évolution était presque toujours rapidement favorable lorsqu’un germe saprophyte était en cause, elle était souvent compliquée lorsqu’un germe pathogène était retrouvé. Les facteurs prédictifs de mastite à germes pathogènes étaient la précocité de survenue en post-partum, et l’existence de mamelons douloureux. Il est donc possible que l’existence d’une pratique d’allaitement inadéquate favorise les mastites à germes pathogènes. La possibilité d’une origine nosocomiale doit aussi être envisagée pour ces mastites au vu de leur précocité d’apparition. L’importance de la symptomatologie au départ étant similaire quel que soit le germe en cause, il s’avère impossible de décider de l’intérêt d’une antibiothérapie sur la seule clinique.
Inflammatoire ou infectieuse ?
Il n’est pas facile de faire la distinction entre ces 2 formes, et le traitement sera souvent décidé au cas par cas. Par exemple, chez une femme ayant des antécédents de mastites récidivantes lors d’un précédent allaitement, un traitement antibiotique a été institué immédiatement devant un engorgement important en post-partum précoce, avec zones d’aspects inflammatoires sur les seins, sans fièvre mais avec syndrome grippal. L’engorgement a disparu en 24 à 48 heures, mais l’inflammation a persisté pendant 5 jours. Cette même femme a présenté une mastite à 4 semaines post-partum, impliquant toute la partie inférieure du sein droit, avec fièvre et syndrome grippal ; un traitement antibiotique a de nouveau été prescrit ; la fièvre a disparu dans l’heure qui a suivi la première prise d’antibiotique, la symptomatologie locale a disparu au bout de 3 jours. L’étude bactériologique du lait a toujours été négative.
Dans ces deux épisodes, il est très difficile de savoir si la mastite était inflammatoire ou si elle était infectieuse. La mère avait une sécrétion lactée très abondante, et la mastite semblait due à l'engorgement ; il n’y avait aucun facteur de risque infectieux chez cette mère. Lors du premier épisode, les signes locaux étaient importants, mais la réaction systémique était minime en dépit du risque important lié aux infections nosocomiales. Lors du second épisode, l’impact systémique était plus important et le traitement antibiotique a eu un effet rapide, alors qu’aucun signe réel d’infection n’était présent. Dans les 2 cas, il était difficile de savoir si l’amélioration était due à la mise en œuvre immédiate d’un traitement antibiotique, ou à l’attention portée au drainage régulier et complet du sein institué dès l’apparition de la symptomatologie locale.
Pour tenter de mieux distinguer ces deux formes de mastites, des auteurs ont évalué la fiabilité de critères biologiques déjà bien étudiés en médecine vétérinaire : le décompte des leucocytes et des bactéries présentes dans le lait. 3 situations ont été décrites à partir de ces critères : stase lactée (bactéries < 103/ml, leucocytes < 106/ml), mastite inflammatoire (bactéries 106/ml), et mastite infectieuse (leucocytes 106/ml).
Toutefois, une étude a constaté que le taux de leucocytes n’était pas toujours corrélé au taux de bactéries. Le nombre de bactéries pouvait être bas même en cas d’infection, y compris chez une mère qui présentait un abcès. En conséquence, ce diagnostic biologique différentiel ne peut pas être considéré comme réellement fiable, au contraire de ce qui a été observé chez les vaches laitières. Cela est peut-être en rapport avec les différences anatomiques entre le sein féminin et le pis de la vache ; chez cette dernière, tout le lait est drainé vers un seul sinus lactifère, tandis que chez la femme il existe un certain nombre de sinus lactifères où arrive le lait des diverses régions de la glande mammaire. Il est possible que, dans certains cas, le lait excrété dans la région infectée se draine mal ou ne se draine pas, ce qui fausse les résultats. Par ailleurs, les facteurs anti-infectieux du lait humain pourraient aussi fausser les résultats.
Les mères qui se présentent avec une symptomatologie d’emblée importante doivent être considérées comme présentant une mastite infectieuse. Toutefois, même parmi ces femmes, certaines n’ont pas de facteurs de risque infectieux, et l’interrogatoire permet de penser que la mastite est en rapport avec un phénomène de blocage de l’écoulement du lait. Même si elles présentent une fièvre et un syndrome grippal, la symptomatologie disparaîtra rapidement sans traitement médicamenteux, avec l’application de mesures simples telles que drainage du sein et passage en revue de la pratique d’allaitement.
Si une mastite inflammatoire peut induire exactement la même symptomatologie qu’une mastite infectieuse, cela soulève un certain nombre de questions. Pourquoi une réponse systémique à un problème purement local ? Cela pourrait être en rapport avec le passage systémique de certains facteurs pro-inflammatoires du lait humain, tels que les cytokines (IL-1, IL-6, IL-8, IL-12), le tumor necrosis factor-alpha, ou le RANTES. Ces facteurs servent normalement de promoteurs de la maturation du système immunitaire de l’enfant, mais ils sont aussi synthétisés en cas d’inflammation ou de stimuli antigéniques. Les cytokines initient aussi des réactions complexes de feed-back qui contrôlent l’intensité des réponses. Le passage systémique de ces cytokines en raison de l’inflammation locale pourrait induire une réponse systémique en dehors de toute infection ; une telle réponse a été constatée chez des patients traités par injections de cytokines.
Par ailleurs, supposer que la mastite était inflammatoire lorsque la femme guérit rapidement sans traitement médicamenteux est peut-être une erreur. Le drainage du sein favorise l’élimination des germes, et un drainage suffisant, allié aux réponses locales de défense, peut suffire à venir à bout de l’infection. Cette dernière peut aussi être due à un germe opportuniste, qui cesse d’être pathogène lorsque les conditions qui ont permis sa prolifération disparaissent.
Un problème « moderne » ?
Déterminer l’étiologie de la mastite, ainsi que le mode de réaction du corps, est important pour améliorer la prévention et le traitement. Dans les pays industrialisés, 80% à 90% des femmes qui consultent un professionnel de santé pour une mastite se voient prescrire un traitement antibiotique. Il serait donc utile de voir si un tel traitement est réellement nécessaire et utile, tout particulièrement en cas de mastite inflammatoire.
Les études menées dans les pays industrialisés retrouvent une prévalence des mastites comprise entre 20 et 30%, pour la plupart d’entre elles. Or, une étude effectuée en Gambie dans des conditions décrites par les auteurs comme des « allaitements longs dans des conditions très médiocres d’hygiène alliées à un environnement hautement contaminé » a retrouvé une incidence mensuelle de 2,6% de mastites, ce qui est considérablement plus bas que ce qui a été constaté dans les pays industrialisés. D’autres études menées sur des populations traditionnelles ont constaté, elles aussi, des taux de mastites beaucoup plus bas que ce qui est observé dans les pays industrialisés.
Il semble donc que les mastites soient essentiellement un problème rencontré chez les femmes des pays industrialisés. Est-ce lié à des pratiques différentes d’allaitement, qui augmentent chez nous le risque de mastite ? A un environnement différent ? Nos sociétés se caractérisent par une perte du savoir traditionnel concernant l’allaitement, transmis au sein de la famille. Une étude récente a soulevé l’hypothèse de « l’excès d’hygiène » qui est un problème courant dans les pays occidentaux : une exposition insuffisante aux germes pathogènes pendant l’enfance induit un mauvais fonctionnement de notre système immunitaire ; notre lutte obsessionnelle contre les microbes pourrait avoir pour résultat de fragiliser vis-à-vis des infections dans la population générale, et donc de favoriser la survenue des mastites chez les femmes allaitantes. L’étude de la prévalence des mastites dans diverses sociétés et cultures, ainsi que celle de l’impact de la conduite pratique de l’allaitement et des modalités de l’environnement seraient très intéressantes.
Il est aussi intéressant de constater que les femmes des pays industrialisés sont les seules femelles mammifères à « soutenir » leurs glandes mammaires dans des soutiens-gorge. La compression du sein par le soutien-gorge est un facteur de risque de mastite et de canaux lactifères bouchés. Le soutien-gorge peut soit interférer avec le drainage veineux ou lymphatique du sein, soit limiter l’écoulement du lait. Une étude a constaté des variations de volume du sein lactant pouvant aller jusqu’à 600 ml dans une même journée ; avec des variations aussi importantes, on ne peut raisonnablement pas attendre d’un soutien-gorge qu’il assure un bon maintien sans jamais comprimer les seins.
En conclusion
Même si nos connaissances sur les mastites se sont nettement améliorées, nous ignorons encore beaucoup de choses sur le sujet. Le fait que les réponses physiologiques du sein pendant la lactation puissent induire des manifestations similaires à celles d’une infection soulève de nombreuses questions. Les modifications physiologiques qui surviennent dans la glande mammaire pendant une mastite, ainsi que les modifications dans la composition du lait, n’ont été étudiées que sur quelques échantillons, et selon une méthodologie manquant de rigueur. Beaucoup de faits concernant les mastites restent inconnus, et beaucoup de pistes intéressantes restent à explorer, afin d’acquérir une meilleure compréhension de ce phénomène, et d’améliorer sa prévention et son traitement.
Merci Safia de ces informations tirées de vos observations.
Concernant la solution de réhydratation fabriquée à la maison, on trouve des recettes différentes à la vôtre, comme une demi cuillère à café de sel plus deux cuillères à soupe de sucre dans un litre d’eau https://fr.wikihow.com/pr%C3%A9parer-une-solution-de-sels-de-r%C3%A9hydratation-orale-(SRO)
Aussi en tant que organisme nous recommandons plutôt de se procurer des sachets de sels de réhydratation en pharmacie que l’on peut se procurer sans ordonnance et au mieux d'éviter d'en arriver à ce stade de déshydratation.
Dans cette phrase qui propose une information judicieuse « mettre bébé au sein dans le sens adéquat: son menton doit sucer du côté de la mastite » j’ai remplacé « abcès » par « mastite» puisque c’est le sujet de votre commentaire.
Nous confirmons que l’utilisation des huiles essentielles chez la femme qui allaite doit se faire avec beaucoup de prudence car ce n’est pas parce que l’origine est naturelle qu’il n’y a pas d’effets secondaires possibles.
La prise de paracétamol en automédications ne doit pas se faire au long court pour ne pas masquer des signes d'aggravation. J'ai vu une maman à qui l'interne des urgences d'un centre hospitalier a dit « vous reviendrez si vous faites de la fièvre » mais comme elle était en permanence sous paracétamol, elle n'avait pas de fièvre et a fini par avec un gros abcès.
Bien cordialement
Marie
En plein milieu d'un mastite assez sévère, je tombe sur cet article.
3e allaitement long avec des diversifications tardives (au dela de 6 mois, mais avant 12), je n'en suis pas à ma première mastite, loin de là!
Voici les facteurs déclenchants identifiés pour moi au cours de mes 5 années 1/2 d'allaitement cumulé (le troisième étant toujours en cours):
- fatigue +++
- stress +++ (deux facteurs qui pourraient expliquer la différence significative du taux de mastites entre les pays industrialisés ou les femmes sont isolées et peut soutenues au quotidien dans leur allaitement, et les pays en voie de développement ou 'est l'inverse)
- modification de la fréquence des tétées (introduction d'aliments solides, une ou deux tétées manquées par rapport à l'accoutumé etc). Celui là est souvent associé et amplifié avec un ou la cumulation des autres facteurs
- déshydratation: fortes chaleurs, négligence d'une hydratation adéquate, jeûne religieux (pour lequel d'ailleur il n'y a pas d'obligation de jeûner durant l'allaitement et encore trop de femmes se l'imposent par manque de connaissance religieuses et le suivi de personnes peu compétentes dans les avis religieux). Dans un cas de déshydratation, attention à ne pas boire de l'eau mais des solution de réhydratation (même fait maison comme eau+sucre+sel (6 cas sucre, 1 cac sel pour 1L d'eau: dégoutant mais efficace, je me suis réhydratée très vite en quelques gorgées - ou jus de fruits, bouillons de légumes) sinon une dilution sanguine de la natrémie et du kaliémie peuvent avoir des conséquences graves, car l'allaitement accélère le processus de déshydratation. Pour moi c'est assez impressionnant, alors que je suis une personne qui boit bien de manière générale (je suis grande et j'ai des grand bébés donc cela dois jouer).
Ce que je fais pour enrailler une mastite:
- repos
- hydratation (voir ci-dessus)
- chou sur le sein
- mettre bébé au sein dans le sens adéquat: son menton doit sucer du côté de l'abcès
- huiles essentielles anti-bactériennes (origan compact en prise aigue) par voie orale (en remplacement d'une antibiothérapie). Je suis aromathérapeute, je ne vous le CONSEILLE PAS si vous n'êtes pas professionnel de l'aromathérapie car l'utilisation d'huiles essentielles durant l'allaitement est technique. Donc A NE PAS FAIRE SEULE !!!
- paracétamol pour réduire la fièvre (mais par expérience, pour moi ce n'est pas très efficaces, cela dépend)
J'espère avoir été utile à quelqu'un
Le tableau de « dysbiose mammaire » (dérèglement de la flore lactée plus pourvoyeuse d’infections) commence à être évoqué avec des mamans qui font en effet des mastites à répétition pendant toute la durée de l’allaitement parfois.
Des études ont été faites sur des traitements probiotiques avec des souches particulières (pas dispo à notre connaissance en France), ça semblait prometteur.
Sinon, le protocole de l’ABM sur la douleur persistante pendant l'allaitement (https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/textes-de-l-academy-of-breastfeeding-medicine/1820-douleur-persistante-pendant-l-allaitement) évoque la possibilité de traiter par antibio au long cours (3 à 8 semaines).
Les analyses de lait maternel au laboratoire montrent parfois des bactéries, mais reviennent souvent négatives.
Voir également les protocoles de l'ABM sur la mastite : https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/textes-de-l-academy-of-breastfeeding-medicine/2248-protocole-sur-les-mastites
Bonjour,
Je lis cet article dans le but de mieux comprendre ce phénomène de mastite chronique dont je souffre depuis le début de l'allaitement (cela a commencé d'ailleurs après quelques mois).
J'ai toujours eu un REF, on a diagnostiqué a mon fils des freins de langue/lèvre qui ont fait l'objet d'une frenotomie avec exercices pendant 6semaines.
J'en suis à ma 13eme mastite approximativement. J'ai traité les premières avec feuilles de choux, puis antibio quand la rougeur se propageait en faisant téter bébé +++ et en drainant.
Aujourd'hui mon fils a 21mois et je suis a ma deuxième mastite en 1semaine. Sein gauche avec état grippal et aujourd'hui sein droit après avoir repris le travail alors que mon fils prenait le sein a la demande.
J'ai l'impression que le fait de rester parfois plusieurs heures sans qu'il boive créé d'office une mastite. Pourquoi ?
D avance merci pour vos réponses.
Oui, ce nouveau protocole de l'ABM est en ligne sur le site :
https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/textes-de-l-academy-of-breastfeeding-medicine/2248-protocole-sur-les-mastites
mais il est très critiqué !
Pour info, évolution de la prise en charge de la mastite
https://www.bfmed.org/assets/ABM%2520Protocol%2520%252336.pdf&ved=2ahUKEwjOz5aw7dH7AhXxhv0HHYmgBFgQFnoECBcQAQ&usg=AOvVaw3afmUj8KrJVVAhgrY1w9vE
Bonjour Salma ,
Vous avez donc eu une mastite il y a près d’un an, qui s’est compliquée de multiples abcès, et l’un d’entre eux, le 1er en fait, a créé une fistule qui ne guérit pas. Vous devez être découragée de voir que la situation n’évolue pas vers une guérison totale. Vous n’avez pas précisé : allaitiez-vous à l’époque ? si oui, un bébé de quel âge ? avez-vous conservé l’allaitement ?
Votre situation est complexe et va au-delà de l’aide de mère à mère apportée par notre association. . Où habitez-vous ? beaucoup de mamans que nous rencontrons qui ont un abcès du sein durant leur allaitement rencontrent le Dr Séror à Paris
https://www.imagerieduroc.com/lequipe/lequipe-medicale
Peut-être pourra-t-il vous dire si la fistule va guérir spontanément ou s’il faut l’enlever chirurgicalement ?
Merci de nous donner des nouvelles.
Marie Courdent Animatrice LLL France - Lille
j'ai eu une mastite (sein gauche) juillet 2021(confirmation après une mammographie et une écho mammaire) on m'a prescrit un antibiotique fort la piostassine+anti-inflammatoire divido pendant 10 jours et puis la mastite apparaissait sur la peau mon gynéco a commencé a drainer, la plaie été de 5 cm de diamètre pansement 2 fois par jour avec application d'une pommade fucidine et un antibiotique Lixine et anti-inflammatoire divido (10 jours) pas de fièvre mais très mal (j'ai des gros seins )
au bout de 20 jours la plaie restée tel qu’elle
j'ai consulté un sinologue il m'a fait une IRM ,m'a rassuré qu'il s'agit d'une mastite avec dilatation des canaux galactorrhée il m'a mis sur corticoïde (10 jours pendant deux mois) et Extensiline chaque 21 jours (12 injections) depuis j'ai eu d'autres ouvertures que je ne drainais pas, elle éclatées toutes seule je faisait seulement des pansements elle se sont toutes fermées mais la première ne se ferme pas depuis bientôt 10 mois elle est réduite a un centimètre, j'ai fait une écho mammaire il y a deux jours il reste encore un foyer centimétrique mon médecin me dit que c'est normal je doit continuer le pansement mais j'ai aucun traitement pour le moment es que c'est normale toutes cette durée et es que je peux appliquer les pommades cicatrisantes sur une plaie sans peau avec des rougeurs tout au tour.
Vous pouvez allaiter du sein qui a eu la mastite, et vous n'auriez même jamais dû arrêter !
Dans les recommandations de l'ANAES sur l'allaitement pour les professionnels de santé qui datent de 2002 (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/Allaitement_rap.pdf) il est dit que la poursuite des tétées en cas de mastite fait partie du traitement !
page 126 :
"L'écoulement efficace du lait maternel est une part essentielle du traitement. La mère doit être encouragée à allaiter fréquemment sans restriction de fréquence et de durée des tétées. Si la tétée est trop douloureuse, l'expression manuelle ou l'usage d'un tire-lait est conseillé."
Mettez votre médecin au courant pour qu'il ne désinforme pas d'autres mères !
Bonjour, première mastite (avec maux de tête, courbatures, frissons..) alors que ma fille a... 3 ans et demi! Je suis donc sous antibio pour 8 jours (que je supporte très mal au bout de 2 jours), j'ai drainé le sein le 1er soir, puis le 3eme soir (hier soir donc, et un peu trop je pense, j'ai l'impression d'avoir restimulé en meme temps ?). Dès les premieres prises j'avais déjà quasi plus mal, les rougeurs sont parties et je me sens opérationnelle (mis à par l'estomac ?). Les antibios prescrit me permette de continuer à allaiter ma puce sur l'autre sein, mais savez vous quand elle pourra têter celui où j'ai eu la mastite ? Mon médecin n'est pas super renseigné... (première réaction : arrêter d'allaiter elle en a plus besoin ?). J'avoue être un peu perdue pour le coup, je m'attendais pas à ça? merci d'avance pour vos conseils.
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