Article publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 68, LLL France, 2006
D'après "Lactation support when the infant will require general anesthesia : assisting the breastfeeding dyad in remaining content through the preoperative fasting period." RA Lawrence. J Hum Lact 2005 ; 21(3) : 355-57.
Il n’est pas exceptionnel qu’un bébé allaité doive subir une intervention chirurgicale. Les mères sont généralement très anxieuses de la façon dont elles vont pouvoir gérer la période de jeûne préopératoire. L’enfant allaité pourra être très perturbé de se voir refuser le sein. Si le chirurgien est responsable de l’acte chirurgical, l’anesthésiste est responsable de l’enfant pendant cet acte. Les progrès en matière de chirurgie sont essentiellement dûs aux progrès importants faits dans la gestion de l’anesthésie. La raison pour laquelle les anesthésistes imposent une période de jeûne préopératoire est la crainte d’une régurgitation pendant la chirurgie, avec aspiration pulmonaire. En effet, l’estomac contient du liquide gastrique, et une quantité plus ou moins importante d’aliments ; de plus, ce liquide est très acide, et donc susceptible d’induire des lésions importantes au niveau des poumons.
Peu d’études ont été conduites sur le jeûne préopératoire chez les jeunes enfants. Dans l’ensemble, il existe un consensus selon lequel rien ne devrait être absorbé pendant les 2 heures précédant l’acte chirurgical, et seule l’absorption de liquides « clairs » est autorisée entre 2 et 4 heures avant la chirurgie. Une étude a été publiée en 1994 par Litman et al, portant sur des enfants allaités ou nourris au lait industriel. Les enfants nourris au lait industriel ont reçu jusqu’à 225 ml de liquides clairs environ 2 heures avant la chirurgie, tandis que les enfants allaités étaient mis au sein. Après induction de l’anesthésie générale, une aspiration gastrique a été effectuée chez les enfants pour mesure du volume et du pH gastriques. Chez les enfants ayant reçu un liquide clair, le volume gastrique résiduel était de 0,3 ± 0,9 ml/kg, et le pH était de 2,1 ± 1,4. Chez les enfants allaités, le volume résiduel gastrique était de 0,7 ± 1,1 ml/kg, et le pH était de 2,6 ± 1. Les auteurs concluaient que si les liquides clairs pouvant être donnés jusqu’à 2 heures avant la chirurgie, les enfants allaités ne devraient pas être mis au sein pendant les 2 heures précédant la chirurgie, et qu’il serait même préférable d’éviter de les mettre au sein dans les 3 heures précédant l’acte. D’autres auteurs recommandent l’arrêt du don de lait industriel 6 heures avant la chirurgie, l’arrêt des mises au sein 4 heures avant la chirurgie, et le don de liquides clairs jusqu’à 2 heures avant la chirurgie. Si une chirurgie en urgence est indispensable chez un enfant allaité, la plupart des anesthésistes décideront d’attendre que 2 heures se soient écoulées depuis la dernière tétée.
La mère d’un nourrisson exclusivement allaité, déjà angoissée par la chirurgie que doit subir son enfant, devra affronter le stress de devoir lui refuser le sein. Quelles solutions peut-on lui proposer ? On peut éventuellement offrir une sucette à l’enfant, s’il l’accepte, et après accord de l’anesthésiste (la sucette induit la production de salive, qui peut augmenter le contenu stomacal). La mère pourra également « vider » ses seins en exprimant un maximum de lait avant de les proposer à l’enfant. Dans la mesure où le sein n’est jamais « vide », l’enfant recevra encore du lait, mais un volume nettement plus faible ; là aussi, cette possibilité est à discuter avec l’anesthésiste. On pourra également proposer que ce soit le père qui s’occupe de l’enfant pendant cette période de jeûne ; l’enfant sera moins enclin à réclamer le sein si sa mère n’est pas présente. Le maximum doit être fait pour le bien-être de l’enfant : l’anesthésie donnera de meilleurs résultats si l’enfant est calme.
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