Texte de la conférence donnée par le dr Jack Newman lors de la Journée Internationale de l'Allaitement de 2005 : Allaiter un bambin
Dr Jack Newman
Mythe : Il n’est pas normal d’allaiter un enfant de plus d’un an (6 mois).
Fait : Il est courant, dans les sociétés traditionnelles, d’allaiter chaque enfant pendant 2 ans et plus. On a rapporté que les Inuits (Esquimaux) du Nord du Canada allaitaient souvent jusqu’à 6 ans et plus.
Comme de plus en plus de mères allaitent, de plus en plus de mères réalisent que l’allaitement représente bien davantage que le simple fait de fournir du lait au bébé. De plus en plus de mères trouvent que l’allaitement est une relation, un échange particulier entre un enfant et sa mère qui leur permet un contact physique étroit. C’est pour cette raison que certaines allaitent plus longtemps que les 4 à 6 mois qui sont considérés comme “ la norme ” dans la société occidentale. En fait, certaines mères continuent à allaiter pendant des années. Je vous avoue tout de suite que notre fils aîné, né en 1976, a été allaité presque jusqu’à 4 ans, que notre fille, née en 1981, l’a été jusqu’à l’âge de 3 ans moins 1 mois, et que notre benjamin né en 1984, a été allaité jusqu’à 3 ans et quelques mois. Ni ma femme, ni moi, ni les enfants n’avons eu l’impression que cela leur a nui en quoi que ce soit.
A la naissance de notre aîné, ni ma femme ni moi n’imaginions qu’il tèterait aussi longtemps. Mais, après un voyage en France avec lui alors qu’il avait environ 6 mois, il a commencé à se réveiller souvent la nuit et le mettre au sein était le seul moyen de le faire se rendormir. Ce séjour par delà les mers, qui a duré environ deux mois et a comporté de fréquents voyages et changements d’hôtel, a bouleversé ses rythmes de sommeil. Il se réveillait souvent, mais se calmait habituellement au sein. Les tétées nocturnes n’ont pas disparu lorsque nous sommes rentrés chez nous avec notre bébé de 8 mois. Nous avons essayé de temps à autre de l’amener à dormir toute la nuit, mais ces efforts ont été inutiles, nous étions des parents incapables de laisser leur bébé pleurer, comme tout le monde nous le suggérait, pour obtenir qu’il dorme. Alors, il a continué à téter, et un beau jour il a arrêté. Juste comme ça.
Avec notre second enfant, nous n’avons pas réellement essayé d’arrêter l’allaitement, sauf près de la fin. Ma femme était enceinte de 7 mois, et ne pouvait plus prendre notre fille de près de 3 ans sur ses genoux pour la mettre au sein. Il y a eu une quinzaine de jours difficiles pour la mère et la fille, et le sevrage a été plutôt forcé.
Lorsque notre troisième enfant est arrivé à trois ans d’allaitement, ma femme a commencé à lui demander gentiment de temps en temps s’il n’en avait pas assez, s’il n’était pas maintenant un grand garçon qui n’avait plus besoin de téter. A ce moment là, il la regardait et, sans lâcher le sein, lui faisait un grand sourire et continuait à téter. Un jour, sans raison spéciale à ma connaissance, il a éclaté en sanglot au lieu de sourire, et a dit « Non, pas aujourd’hui, demain ». Et, à partir de ce jour là, il n’a plus jamais tété. Il a redemandé de temps à autre, sans conviction et sans insister, mais pas bien longtemps.
Ces expériences nous ont appris la valeur de l’allaitement « long ». Avant de commencer à vous parler des aspects psychologiques de l’allaitement long, je voudrais vous parler du mythe que de trop nombreux professionnels de santé continuent à propager : le lait humain n’a plus aucune valeur, nutritionnelle ou autre, après 6 mois.
Quelle est la valeur du lait maternel après 6 mois ?
Parmi toutes les affirmations générales sur le lait maternel et l’allaitement, celle qui détient probablement la médaille de la plus grande stupidité est la suivante : le lait maternel n’a plus de valeur nutritionnelle après 6 mois. On se demande comment le lait humain, avec toutes ses protéines, ses lipides, ses glucides, ses facteurs de croissances (ces composants du lait qui stimulent le développement de divers tissus, tels que le système nerveux et le tube digestif) pourrait, tout d’un coup, lorsque le bébé a 6 mois, devenir de l’eau sans aucune valeur nutritionnelle. Que deviennent toutes ces protéines et ces lipides ? Comment le corps de la mère arrive-t-il à transformer ce liquide nutritif en quelque chose qui n’est que de l’eau ?
Pour accorder à ces professionnels de santé le bénéfice du doute, peut-être que la plupart d’entre eux veulent en fait dire que le lait maternel n’est pas nécessaire après 6 mois. Je suppose que c’est vrai si on entend par là qu’après 6 mois un bébé peut vivre sans lait maternel. Il est toutefois intéressant de constater que, dans notre culture du biberon, la plupart des professionnels de santé ne diraient pas la même chose à propos des laits industriels pour nourrissons. Ils diraient que ces laits industriels SONT nécessaires, au moins jusqu’à ce que le bébé ait 9 mois, même si ce n’est pas réellement le cas. Cette affirmation est essentiellement le fait du marketing des fabricants de lait industriel ; au mieux, le bébé n’a pas besoin de lait industriel après 6 mois à condition qu’il reçoive une large variété d’aliments solides (incluant des aliments riches en fer) en quantité significative, en plus du lait de vache courant du commerce. Cette affirmation est une illustration de l’influence de la publicité faite par les fabricants de lait industriel. De nombreux professionnels de santé sont convaincus que le lait industriel (l’imitation) est nécessaire pour un bébé de 6 mois et plus, même si ce n’est pas le cas, tandis qu’ils pensent que le lait humain (l’original) ne l’est pas, alors qu’IL L’EST. Si les professionnels de santé pensent que le lait industriel est nécessaire après 6 mois, alors le lait maternel est encore PLUS nécessaire.
Le lait humain, c’est davantage que des calories, des protéines, des lipides et des glucides. Les facteurs immunitaires qui protègent le bébé de 3 semaines sont toujours là. Les quantités varient mais, chez la mère qui allaite pendant un an, ils ne sont pas forcément présents en quantité moindre que chez celle qui n’allaite que pendant quelques mois. Certains facteurs, comme le lysozyme qui tue les bactéries en détruisant leur paroi cellulaire, sont présents à un taux PLUS élevé à 18 mois qu’à 6 mois. La capacité de la mère à produire un lait “ sur mesure ” en réponse aux divers germes et antigènes de l’environnement, et de produire des IgA sécrétoires spécifiques et d’autres facteurs dans son lait, est également toujours présente. Et si la mère est exposée à un nouveau germe, elle commencera à produire des anticorps dirigés spécifiquement contre ce germe, et les globules blancs de son lait seront programmés pour collaborer avec les autres facteurs immunitaires pour détruire tout envahisseur.
Le lait humain reste donc du lait humain, toujours aussi nourrissant. En fait, pour l’enfant, il est plus nourrissant que le lait de vache, le lait industriel ou toute autre sorte de lait. Le lait humain est encore plus que cela, toutefois. C’est un lait qui est non seulement le plus nutritif, plus approprié pour le petit humain que n’importe quel autre lait du commerce, mais en outre il protège le bébé contre les infections, l’aide à guérir lorsqu’il souffre d’une infection, et favorise un bon développement de son organisme. Et il continue à le faire tant que l’enfant est allaité.
Mais est-ce que cela ne va pas empêcher l’enfant de développer sa propre immunité ?
Je dois dire que j’aime beaucoup cet argument-là contre l’allaitement. Certains médecins et autres professionnels de santé disent que si une mère continue à allaiter, son enfant ne sera pas capable de développer son propre système immunitaire. L’absurdité de cet argument est tellement flagrante qu’il est difficile de savoir quoi y répondre.
Est-ce qu’il existe un pédiatre qui dirait à une mère de ne pas vacciner son enfant parce que si l’enfant est vacciné, il ne pourra pas développer sa propre immunité ? En fait, et bien que les vaccins aient sauvé des millions de vie et protégé des millions de personnes vis-à-vis de maladies graves, on s’inquiète du fait que la protection apportée par les vaccins n’est pas aussi solide ni aussi durable que celle que l’enfant pourrait acquérir s’il contractait naturellement la maladie. Est-ce qu’on en conclut que c’est une raison pour ne pas vacciner dans la mesure où les vaccins ont prévenu tant de maladies ? Est-ce que c’est logique de dire qu’un enfant ne développera pas sa propre immunité s’il est allaité pendant plus de 6 mois ?
Pas du tout !!! L’allaitement, et la protection immunitaire qu’il confère, permet la survenue d’infections sans que, bien souvent, l’enfant soit malade. C’est exactement ce que nous souhaitons. Nous voulons, pour la plupart des agents infectieux, que l’enfant y soit exposé afin de développer son immunité sans pour autant développer la maladie. C’est CELA qu’implique l’immunité liée à l’allaitement. Mais ce n’est pas tout.
En fait, l’allaitement, grâce aux divers facteurs immunitaires qu’il apporte, stimule vraiment le développement du système immunitaire de l’enfant. Cela ne devrait pas nous surprendre, dans la mesure où le lait maternel favorise le développement de nombreux tissus du corps, dont le système nerveux, le tube digestif, etc. Il existe des études très intéressantes suggérant que le système immunitaire d’un bébé allaité est PLUS mature que celui d’un bébé nourri au lait industriel. Par exemple, la fabrication d’anticorps par le bébé allaité, en réponse à certains vaccins, semble plus importante que celle du bébé nourri au lait industriel. Et si on constate cela avec les vaccins, il n’y a aucune raison de penser que ce n’est pas pareil avec les infections acquises spontanément.
Quoi d’autre ?
Quoi d’autre encore ? La relation spéciale entre la mère et le bébé que permet l’allaitement. De mon point de vue, c’est encore bien plus important que les qualités nutritionnelles, immunologiques et développementales du lait maternel. Ce n’est pas que je pense que ces qualités ne sont pas importantes, loin de là, mais je suis persuadé que la relation spéciale qui existe entre la mère allaitante et son bébé est bien plus importante que notre société ne le soupçonne.
L’acte de mettre son enfant au sein est l’un de ceux qui démontrent l’amour. C’est un acte d’amour et de vie. C’est la réaffirmation, à chaque fois, d’un lien spécial. Les enfants plus âgés obtiennent tout particulièrement consolation, réconfort et sécurité quand ils sont au sein. Quand ils tombent, ils se tournent vers le sein pour se consoler. Quand ils ont eu peur, ils vont se rassurer en tétant. Quand il y a de l’agitation dans la vie de la famille, ils trouvent la sécurité au sein. Un bambin pourra parfois spontanément éclater de rire en tétant, comme si sa joie ne connaissait pas de limites. Son bonheur d’être au sein va bien plus loin que la valeur alimentaire de l’allaitement.
Certains soutiennent que ce n’est pas bon. Que les enfants devraient être capables de trouver consolation, réconfort et sécurité par d’autres moyens. Ils le feront, ne vous en faites pas. Pas besoin de se précipiter pour obtenir qu’ils sucent leur pouce. Pourquoi s’inquiéter du fait qu’ils trouvent consolation, réconfort et sécurité au sein ? Comme si c’était mal d’obtenir cela au sein ! Un enfant qui a un doudou à l’âge de 5 ans ne se voit habituellement pas gronder pour cela, on ne le force pas à y renoncer. Il en a besoin. Il serait malheureux sans cela. Alors on lui laisse son doudou, tout le monde sait qu’il finira par s’en passer. Mais si l’enfant obtient en tétant ce qu’il obtient d’un doudou, oh, c’est terrible, il devrait être capable de trouver un autre moyen d’obtenir sécurité et réconfort. Un doudou, peut-être ? Un jouet en peluche ? Bien sûr, c’est beaucoup mieux que la peau douce, le lait chaud et les échanges de regard avec sa mère.
Il est presque impossible de décrire la beauté du tableau que constitue un enfant de 3 ans au sein (si l’on n’est pas allergique rien qu’à l’idée d’y penser). De nombreux tableaux du Moyen-Age et de la Renaissance montrent Marie allaitant Jésus. Mais si on y regarde de plus près, on constatera que ce n’est pas Jésus bébé, mais plutôt Jésus bambin. Il est clair que le fait d’allaiter pendant la seconde année de l’enfant, et même plus longtemps, était considéré comme normal en Europe à cette époque.
C’est quelque chose qui a été oublié dans nos sociétés occidentales modernes. L’allaitement pendant les deuxièmes et troisièmes années de vie, et même pendant plus longtemps, était considéré comme normal jusqu’à il n’y a pas si longtemps. On a constaté que les Inuits allaitaient sur des périodes aussi longues que 6 ans. L’UNICEF dit depuis longtemps que les enfants devraient être exclusivement allaités pendant environ 6 mois, et que l’allaitement devrait être poursuivi jusqu’à deux ans et au-delà, parallèlement à l’introduction d’aliments appropriés. Heureusement, les organisations de professionnels de santé commencent à en prendre conscience. En décembre 1997, l’Académie Américaine de Pédiatrie a émis une recommandation, qui s’ajoute à d’autres textes favorables à l’allaitement, et qui encourage les mères à allaiter exclusivement jusqu’au milieu de la première année environ et de continuer, en introduisant d’autres aliments, jusqu’à un an et plus, aussi longtemps que la mère et le bébé le souhaitent. Même la Société Canadienne de Pédiatrie, bien qu’elle se soit souvent vendue aux fabricants de lait industriel, a dit, dans sa plus récente déclaration sur l’alimentation infantile, que les mères devraient allaiter exclusivement pendant 4 à 6 mois, et qu’elles pourraient ensuite continuer jusqu’à 2 ans et au-delà, l’enfant recevant également des aliments appropriés.
Que dire sur la mère ?
Eh bien, l’un des signes montrant à quel point notre société est pervertie, c’est que j’hésite à dire ce qui suit. Mais allons-y. Si la mère se l’autorise, elle aussi peut tirer beaucoup de plaisir et de joie de l’allaitement d’un bambin. Certains suggèrent que le plaisir qu’une mère retire de l’allaitement d’un bambin est une pervertion parce que c’est l’équivalent d’une relation sexuelle avec l’enfant. C’est une façon de voir les choses on ne peut plus bizarre.
Je me demande si cela ne dépend pas de la façon dont on définit le plaisir sexuel. Si on appelle plaisir sexuel le plaisir que procure un contact physique étroit avec quelqu’un qu’on aime, alors je pense que l’allaitement rentre dans cette définition. Mais alors, c’est le cas d’à peu près tous les contacts physiques avec les personnes que vous aimez, comme embrasser un ami ou serrer votre sœur dans vos bras. Dire que serrer sa sœur dans ses bras est un plaisir d’ordre sexuel est absurde dans la grande majorité des cas. Notre problème en Amérique du nord, comme dans une grande partie de l’Europe, est que nous ne pouvons pas considérer le sein autrement que dans un contexte sexuel. En conséquence, tout plaisir éprouvé pendant l’allaitement ne peut être que d’ordre sexuel, et éprouver un plaisir sexuel avec un enfant de trois ans ne peut être que pervers. C’est notre société qui est pervertie.
Certaines femmes ont indiscutablement décrit des pensées et des sensations érotiques pendant les tétées. Est-ce que cela change quelque chose ? Pas du tout. Les mères qui décrivent ces pensées et sensations ne disent pas éprouver des désirs d’ordre sexuel vis-à-vis de leur enfant. Elles ont simplement des pensées et des sensations d’ordre sexuel pendant les tétées. Exactement comme elles pourront en avoir pendant qu’elles se dirigent vers leur lit pour aller se coucher, ou lorsqu’elles rêvent tout éveillées pendant la journée. L’allaitement d’un bambin permet à la mère de se relaxer, d’atteindre parfois un stade presque hypnotique et, dans cet état, des pensées et sensations érotiques peuvent parfois survenir. C’est tout à fait normal et ça ne veut pas dire que l’allaitement constitue un acte sexuel entre un enfant et sa mère. Nous avons vraiment une société refoulée.
Bien sûr, l’allaitement n’est pas toujours facile ou merveilleux. Parfois, la mère pense que son enfant de deux ans demande à téter alors que ça n’est pas le bon moment. Parfois, la mère n’en a tout simplement pas envie. Mais est-ce qu’on ne pourrait pas dire la même chose au sujet de TOUT ce qu’un enfant souhaite obtenir de nous ? Ça pourra ne pas être le bon moment pour un enfant de recevoir un jouet particulier, un aliment particulier, d’aller dehors sans manteau quand la température est de – 20°. La mère pourra ne pas être enchantée de prendre un arrêt de travail parce que son enfant est malade, par exemple, mais cela fait partie du parentage. Et les enfants peuvent être source de beaucoup de joie, et nous rendre radieux de bonheur. Rien dans le parentage n’est à 100% dépourvu de difficultés, mais habituellement les gratifications dépassent largement les difficultés. Particulièrement si nous voyons les choses à long terme.
Citations
« Réjouissez-vous avec Jérusalem, et exultez en elle, vous tous qui l’aimez, soyez avec elle dans l’allégresse, vous tous qui avez pris le deuil sur elle. Ainsi vous serez nourris et rassasiés du lait de ses consolations, et vous puiserez avec délices à l'abondance de sa gloire. Voici ce que dit le Seigneur : Je dirigerai vers elle la paix comme un fleuve, et la gloire des nations comme un torrent qui déborde. Vous serez comme des nourrissons que l'on porte sur son bras, que l'on caresse sur ses genoux. »
Isaïe LXVI, 10-13
Ainsi, la bible parle de l’amour pour Jérusalem en termes d’allaitement. Pendant toute l’histoire de l’humanité et avant l’époque de l’alimentation au lait industriel, les auteurs ont écrit sur l’influence à long terme que l’allaitement a eu sur eux.
« Et maintenant, dans nos années de maturité, lorsqu’un objet nous est présenté qui comporte des ondulations ou des lignes courbes qui ont une similitude avec une poitrine de femme, que ce soit quand nous nous trouvons dans un paysage dont le terrain présente des montées et des descentes douces, ou en regardant la forme de certains vases antiques, ou dans des œuvres de peinture ou de sculpture, nous ressentons un sentiment général d’enchantement qui semble influencer tous nos sens. »
Erasme Darwin. Zoonomie, ou Les lois de la vie organique. 1794.
Même de nos jours, certains auteurs, y compris des hommes, comprennent l’importance de l’allaitement.
« On n’a entendu que rarement geindre l’un des quatre enfants, dans la mesure où tous, depuis le bébé de 6 mois jusqu’à notre Amanda de 6 ans, étaient nourris au sein de Louise. »
Günter Grass. Le turbot.
« Jamais par la suite, quand plus tard l’avenir pointa, nous n’avons été à ce point rassasiés. Il y avait toujours des nourrissons au sein. Nous avions toujours le rab. Jamais il n’était dit : suffit comme ça, ou plus serait trop. Pas de raisonnable sucette offerte en guise de succédané. C’était l’allaitement permanent. »
Günter Grass. Le turbot
« Il doit pourtant y avoir des raisons au fait que les hommes sont tellement obnubilés par les seins, comme si nous avions tous été sevrés trop tôt. »
Günter Grass. Le turbot
« Quand elle sentit pour la première fois la bouche tâtonnante de son fils téter son sein, un doux frisson explosa au milieu de sa poitrine et irradia dans tout son corps. Cela ressemblait à la caresse de l’amant, mais il y avait quelque chose de plus : un grand bonheur paisible, une grande quiétude heureuse. »
Milan Kundera. La vie est ailleurs.
« Ah, la joie de l’allaitement ! Elle observait amoureusement les mouvements de poisson de la bouche édentée, et s’imaginait que son fils buvait, en même temps que son lait, ses pensées, ses fantaisies et ses songes. »
Milan Kundera. La vie est ailleurs.
Quelques histoires de mères
Peut-être que ça vaut réellement la peine d’entendre quelques histoires vraies de mères. Les suivantes sont, mot pour mot, ce que des mères m’ont dit au sujet de l’allaitement de leurs enfants plus âgés. Seuls les mots susceptibles de permettre de les identifier ont été changés.
Louise
« J’ai allaité mes trois enfants pendant un total de 9 ans, et votre article est le meilleur que j’ai lu sur la chaleureuse capacité magique de réconforter un bambin en l’allaitant. (Louise se réfère à quelques feuillets d’informations qui sont sur Internet). C’est particulièrement vrai quand ils sont malades. Mon pédiatre m’a dit de sevrer de nombreuses fois, lorsque mes enfants avaient une grippe intestinale (modérée, pas une gastro sévère), et il me recommandait de donner à la place une solution de réhydratation (commercialisée par un fabricant de lait industriel, naturellement). Bien sûr, ça aurait peut-être mieux valu de les laisser l’estomac vide, mais le stress que ça aurait été pour eux me semblait inacceptable parce qu’ils voulaient indiscutablement être bercés et allaités. Alors je les ai laisser téter, en me disant que, si la nature avait prévu quelque chose pour les bébés malades, ça devait être le lait maternel. Cela leur permettait de dormir et de se reposer entre les moments où ils étaient le plus malades. Cela leur apportait du liquide pour qu’ils ne se déshydratent pas. Je ne pense pas que ça a empiré les choses. C’est drôle, mais certains de mes meilleurs souvenirs d’allaitement sont les moments où je pouvais prendre mon enfant malade dans mes bras et l’allaiter pendant des heures, lui apportant le réconfort dont il avait tellement besoin. Etre capable d’aider réellement votre petit enfant malade est un sentiment indescriptible, et je suis sûre que je n’aurais pas pu leur prodiguer le même degré de réconfort si je n’avais fait que les tenir dans mes bras. »
Louise avait raison concernant l’allaitement d’un enfant ayant une grippe intestinale. Le pédiatre avait tort. Le pédiatre a appris comment traiter la grippe intestinale par le biais des publications éditées par les fabricants de lait industriel. Vous ne devriez pas être surpris que les fabricants de lait industriel soient aussi ceux qui commercialisent les solutions de réhydratation pour les bébés qui souffrent de diarrhée. Ils ont convaincu des organisations telles que la Société Canadienne de Pédiatrie que ces solutions sont nécessaires pour maintenir l’hydratation chez les enfants qui souffrent d’infections digestives, mais en fait elles le sont rarement. Il est à coup sûr inutile de suspendre l’allaitement en cas d’infection digestive. Occasionnellement, l’ajout d’une solution de réhydratation pourra être utile, mais ce n’est pas habituel. Les fabricants de lait industriel ont fait semblant de s’intéresser à la poursuite de l’allaitement pendant les infections digestives, mais ils ont compris qu’ils n’ont plus besoin de s’en préoccuper. Les professionnels de santé leur ont maintenant donné carte blanche.
Louise a compris quelque chose que le pédiatre n’a pas compris. A savoir qu’il est plus important de prendre soin de l’enfant que de juste traiter un problème éventuel. Réconforter l’enfant est bien plus important, tout particulièrement lorsque ce réconfort est tout ce qui est nécessaire pour le traitement de la plupart des maladies dont souffrent les jeunes enfants dans nos sociétés. La relation de la mère avec son enfant prend un nouvel aspect lorsque l’enfant est malade et que la mère “ soigne-allaite ” (le terme « nurse » signifie soigner ou allaiter en anglais) son enfant pendant la maladie. Certains de MES meilleurs souvenirs d’enfants sont les moments où j’étais malade et où j’étais dorloté, couché dans mon lit, bien au chaud sous la couette, qu’on m’apportait à boire et qu’on me mettait des compresses froides sur le front.
Wendy
« Je pense que pour Jennifer, comme pour Jane, le fait d’avoir tété pendant plus de deux ans a été à l’origine d’un lien intime et émotionnel spécial, dont je pense qu’il est au moins aussi important, si ce n’est davantage, que la valeur nutritionnelle de l’allaitement d’un enfant de cet âge. A partir du moment où elle a commencé à parler, nous avons pu parler des tétées, ce qui nous a valu des moments précieux. Elle avait un petit nom spécial pour les tétées, « à » ou « deux à » quand elle voulait passer à l’autre sein. Je pense que nous avons eu l’idée d’utiliser un mot-code grâce à une mère de La Leche League qui citait les avantages de la discrétion. Eh bien, une fois que nous étions dans un restaurant avec tout un groupe de personnes que je ne connaissais pas très bien, Jennifer a lancé « je veux boire au néné de maman ! ». Super pour la discrétion… Nous avions aussi beaucoup de conversations privées et de plaisanteries sur l’allaitement. Jennifer a manifesté son sens de l’humour dès le début. Elle me disait qu’elle voulait téter « celui qui était mou », alors qu’il n’était pas évident de savoir lequel c’était. Ou elle me disait « miam, ça a le goût de bonbon ».
La sécurité émotionnelle apportée par l’allaitement est devenue particulièrement importante et précieuse lorsque je me suis séparée de mon mari alors que Jennifer avait 3 ans. Je pense que ça l’a aidée à continuer à se sentir en sécurité pendant cette période très difficile. Pendant cette période de transition, elle a aussi recommencé à dormir avec moi dans mon lit. Ce n’était pas très facile par moments de devoir faire face à sa dépendance plus importante, mais j’ai gardé à l’esprit que de la materner de cette façon finirait par payer, et je pense vraiment que c’est ce qui est arrivé sur le plan de son respect d’elle-même et de son indépendance (elle a 6 ans maintenant et elle est en maternelle). Et aussi sur le plan de la proximité et de la confiance entre nous.
Le sevrage a été un processus très intéressant, que nous avons négocié ensemble. Nous en avons discuté pendant un an avant que cela n’arrive (pendant la dernière année ou peu s’en faut, elle tétait assez régulièrement le matin et le soir, et occasionnellement par-ci par-là). Heureusement, Jennifer avait une amie avant d’entrer à l’école, qui a tété aussi longtemps qu’elle. Alors, quand Carmela s’est sevrée et que je l’ai souligné auprès de Jennifer, ça lui a donné la motivation pour se sevrer elle aussi. Elle a rapidement décidé du jour où elle cesserait de téter, et elle n’a plus jamais tété par la suite.
Elle parle encore de l’allaitement de temps en temps et dit que ça lui manque ; de temps en temps, elle câline mes seins en souvenir, mais nous nous sentons parfaitement bien toutes les deux au sujet de la façon dont elle a franchi naturellement cette étape. »
Ilana
« J’ai quatre enfants. Les trois premiers ont été allaités pendant environ 18 mois et se sont sevrés d’eux-mêmes (tout au moins c’est que qu’il m’a semblé). Ma quatrième fille a juste continué à téter, un jour après l’autre, et il y a eu des jours où j’avais l’impression qu’elle tèterait toujours. Elle est allée en crèche à partir de 3 mois, de 7 à 16 heures. Au début, j’y allais plusieurs fois par jour pour l’allaiter, puis seulement une fois par jour, et vers son second anniversaire j’ai cessé d’aller la voir à la crèche. Elle tétait quand elle rentrait à la maison l’après-midi, parfois toutes les heures jusqu’au moment de se coucher le soir. Elle a cessé de téter la nuit vers environ 2 ans, même si elle dormait toujours avec nous la plupart du temps. Elle a continué à téter jusqu’à 4 ans et demi.
Au fur et à mesure qu’elle grandissait, elle a tété de moins en moins – le matin nous étions pressés, et parfois elle sautait la tétée du matin. L’après-midi, elle a commencé à être de plus en plus occupée – amis, jeux, etc. Nous avons eu des conversations intéressantes au sujet de l’allaitement. « Maman, ton lait a meilleur goût que n’importe quoi d'autre ». « Quand j’irai à l’école, j’arrêterai de téter », et beaucoup d’autres choses qui font que l’allaitement d’un enfant plus grand est une expérience unique. Une fois, alors qu’elle avait environ 4 ans, je lui ai demandé s’il y avait encore du lait quand elle tétait, et elle m’a répondu : « Qu’est-ce que tu crois qu’il y a ? Du Coca cola ? »
Au fur et à mesure qu’elle grandissait, elle a appris qu’elle ne pouvait pas téter n’importe où, n’importe quand, que quand il y avait des visiteurs ça n’était pas toujours OK de téter. Il a commencé à y avoir des jours où elle ne tétait pas du tout, et d’autres jours où elle tétait souvent. Et puis il y a eu des périodes de plusieurs jours sans tétées, et je pensais qu’elle ne tèterait plus jamais, mais elle recommençait. A la fin, elle ne tétait plus qu’une fois tous les quelques jours, et une fois, au bout de deux ou trois semaines comme ça, quand elle a commencé à téter, elle m’a dit : « Il n’y a plus de lait ! Où est-ce qu’il est parti ? ». Je lui ai expliqué que comme elle tétait de moins en moins, il y avait de moins en moins de lait. Elle a décidé de téter davantage et m’a demandé de lui rappeler de téter tous les jours quand elle rentrait à la maison l’après-midi, tous les soirs et matins, mais elle n’a jamais rien fait pour respecter ce planning... elle était sevrée. La nature avait suivi son cours. Les bébés ne tètent pas pour toujours.
Allaiter un grand bébé, un bambin ou un enfant est une expérience très spéciale, et je le recommanderais à tout le monde. Ces derniers temps, davantage de mères de mon entourage ont allaité des bébés plus grands. Je pense que me voir allaiter a fait beaucoup pour ça. »
Ilana a indiscutablement raison. Beaucoup de femmes veulent allaiter, et beaucoup de femmes allaiteraient pendant des années si seulement les gens ne leur disaient pas que c’est étrange, bizarre, pervers. Elles ont juste besoin d’un modèle, et elles allaiteront alors pendant longtemps elles aussi.
Certaines mères s’entendent dire qu’elles allaitent « juste pour leur propre plaisir ». Je dois dire que cet argument « juste par égoïsme » me met très en colère. Il y a très peu de femmes, voire aucune, qui allaitent juste pour leur propre plaisir. C’est encore une fois voir l’allaitement comme une sorte d’activité sexuelle, dans une société qui ne comprend pas que la raison d'être des seins est de nourrir les enfants. Il est déjà difficile, dans notre société, d’allaiter un bébé de 6 mois, à plus forte raison un bambin. Une mère qui le fait doit se battre contre l’opinion générale, et ce n’est pas quelque chose de facile à vivre.
Les mères allaitent pendant plus d’un an ou deux pour diverses raisons, mais la principale raison est que c’est plus facile de juste continuer que d’essayer de forcer un enfant à se sevrer quand il n’y est pas prêt. Certaines continuent parce que l’enfant ne fait pas ses nuits, et qu’il est plus facile de le mettre au sein pour le rendormir que de faire quoi que ce soit d’autre. Mais très peu de mères qui continuent à allaiter pendant la seconde ou troisième année regrettent réellement de l’avoir fait. Particulièrement par la suite, lorsqu’elles voient leur enfant heureux, confiant et indépendant. Indépendant ? Vraiment ? Oui, vraiment.
Allaitement long et indépendance
Un des arguments souvent utilisé contre l’allaitement « long » (qui devrait en fait être appelé « allaitement de durée normale ») est que l’enfant sera trop dépendant et crampon s’il est allaité pendant plus de quelques mois. Un autre exemple de logique à l’envers.
Est-ce que les enfants sont moins indépendants parce qu’ils ont reçu sécurité, réconfort et amour pendant leurs premières années ? Au contraire, s’ils se sont sentis aimés et en sécurité, ils seront indépendants et pas dépendants, parce qu’ils se sentiront en sécurité dans cette indépendance, et sauront qu’ils sont aimés inconditionnellement. Je dois admettre qu’il n’est pas nécessaire d’allaiter pendant 2 ans et plus pour obtenir ce résultat, mais dire que la poursuite de l’allaitement jusqu’à cet âge rend l’enfant dépendant est une absurdité. Cela provient de la notion fausse que l’allaitement passé 6 mois ou un an n’est pas adapté à notre développement ; mais en fait, ce qui n’est pas adapté à notre développement, c’est de cesser l’allaitement à 6 mois ou un an. Bien sûr, c’est possible d’utiliser l’allaitement pour maintenir l’enfant dans une dépendance anormale, mais il est possible d’utiliser n’importe quoi pour maintenir une dépendance anormale. Une mère qui utilise l’allaitement pour contrôler son enfant utilisera l’apprentissage de la propreté, ou l’alimentation, ou l’inscription à l’école pour obtenir le même résultat.
Il est possible de « forcer » un enfant à « être indépendant », de « faire en sorte » qu’un bébé dorme tout seul dans une pièce obscure à l’âge tout à fait inapproprié de 4 mois. Il est possible « d’obliger » un enfant à accepter d’être laissé seul avec des étrangers pendant des jours. Est-ce que cela rend l’enfant plus indépendant ? Pas du tout. Ça en donne l’apparence mais, si on regarde de plus près, l’enfant n’est pas indépendant, bien au contraire.
Les adultes projettent souvent sur les enfants leur point de vue de ce qui est approprié. Dans les années 1960, il était courant que les enfants qui étaient hospitalisés, même les plus petits, ne reçoivent pas de visites de leurs parents. Les horaires de visites étaient couramment de 13 à 16 heures une fois par semaine, le dimanche. L’équipe soignante n’aimait même pas ces rares visites, parce que l’enfant pleurait lorsque les parents partaient. On pensait généralement que c’était mieux que l’enfant ne reçoive pas du tout de visites. C’était inhumain. Est-ce que cela servait l’intérêt des parents ou de l’enfant ? Pas du tout, bien entendu. Le fait que l’enfant ne pleurait pas ne voulait pas dire que tout allait bien. Simplement, l’enfant se taisait, sombrait dans la dépression, et les médecins et les infirmières en déduisaient que l’enfant prenait mieux les choses parce qu’il ne pleurait pas. Quelles pratiques désastreuses ! Bien sûr, personne n’aurait jamais imaginé d’interdire les visites aux adultes hospitalisés, tout particulièrement les visites de leur famille proche.
Vous voulez un enfant indépendant ? Donnez-lui en abondance de l’amour et de la sécurité. Si l’une des façons de le faire est de l’allaiter jusqu’à ce qu’il soit prêt à se sevrer, alors soyez assuré que vous faites ce qui est bien. Avant de me faire huer, je précise que cela ne veut pas dire qu’il faut laisser un enfant faire tout ce qu’il veut. Pour se sentir en sécurité, les enfants ont aussi besoin de savoir où sont les limites. Les limites, qu’elles soient étroites ou larges, doivent être clairement définies, et leurs transgressions doivent être suivies des conséquences appropriées à l’âge l’enfant. Mais « forcer » l’indépendance ne marche pas. D’ailleurs, jusqu’à quel point souhaitez-vous que votre enfant soit indépendant ? Voulez-vous qu’il quitte la maison à 14 ans ? Laissez-le franchir les étapes lorsqu’il y est prêt. Vous aurez alors un enfant indépendant.
L’allaitement long (de durée normale) et les dents
Actuellement, les dentistes s’agitent beaucoup au sujet de l’allaitement pendant plus d’un an, tout particulièrement au sujet des tétées nocturnes. L’Académie Américaine de Dentisterie et l’Association Canadienne de Dentisterie ont toutes les deux des recommandations qui déconseillent l’allaitement passé un an. La raison en est que les enfants qu’on met au lit avec un biberon ont souvent les dents gâtées par le sucre du lait ou du jus de fruit qui les baigne.
Il y a de bonnes raisons de se faire du souci pour les bébés qui sont mis au lit avec un biberon, pas seulement à cause de leurs dents, mais aussi à cause du risque d’otites ou de fausse route, et aussi parce que nous devrions nous poser la question : « Si un enfant a besoin de quelque chose pour l’aider à dormir la nuit, est-ce que le biberon est le meilleur moyen de le faire dormir ? » Je pense que la réponse est évidente, mais il est tout aussi évident que ça n’est pas le cas de tout le monde. Bien sûr, de nombreux parents pensent qu’il vaut mieux qu’un bébé dorme seul toute la nuit plutôt que de dépendre de leur aide pour dormir, que ce soit de leur présence ou de tétées.
Malheureusement, utiliser un biberon pour que le bébé reste tranquille dans son berceau a bien souvent pour résultat d’abîmer ses dents. Les tétés nocturnes ont rarement le même résultat que les biberons nocturnes et, si cela peut abîmer les dents, ce n’est pas de façon importante. Ce que les dentistes ne voient pas, c’est que la grande majorité des enfants qui tètent la nuit n’ont PAS de caries du tout. A cause des enfants qui se retrouvent chez le dentiste, on conclut souvent que c’est un problème fréquent chez les enfants qui tètent encore après un an. Ce n’est pas le cas. Même si l’enfant va chez le dentiste pour une visite de routine, le dentiste ne posera habituellement pas de questions sur d’éventuelles tétées nocturnes, à moins que l’enfant ait des caries. La plupart des dentistes n’ont probablement aucune idée du fait que quelques-uns, ou même de nombreux enfants de 18 mois qu’ils voient, tètent encore la nuit (horreur !).
Mais même si les tétées nocturnes étaient une cause de caries, est-ce que c’est une raison pour forcer un enfant de 18 mois ou 2 ans à se sevrer ? C’est un sujet où les professionnels de santé n’ont aucun complexe à culpabiliser les mères. « En allaitant votre enfant la nuit, vous avez causé ses caries ». D’accord, les dents c’est important, mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus important. Le stade d’évolution psychologique de l’enfant est important. Forcer un enfant de 18 mois à se sevrer quand il n’y est pas prêt est susceptible de provoquer bien plus de dégâts que de continuer à l’allaiter la nuit.
Si l’enfant a des caries, il pourra être raisonnable d’essayer de supprimer les tétées nocturnes mais, si cela induit une détresse visible chez l’enfant, la mère devrait laisser tomber et ne pas persister dans une démarche qui n’en vaut pas la peine. Mais sevrer complètement l’enfant à cause des dents ? Pour l’amour du ciel, à quoi pensent les dentistes ? C’est un autre exemple de la façon dont nous causons des problèmes alors que nous croyons aveuglement agir à bon escient, comme les visites une fois par semaine aux enfants hospitalisés.
Allaitement, séparation des parents et droit de garde
L’un des problèmes que l’allaitement ne peut empêcher est la séparation des parents. Dans la mesure où de plus en plus de mères allaitent plus longtemps, de plus en plus de séparations surviennent alors que l’enfant est encore allaité, et le problème du droit de garde par le père se pose de plus en plus. Il arrive que le père demande, et malheureusement obtienne, un droit de garde qui nécessitera l’arrêt de l’allaitement. C’est voir l’intérêt à court terme, et pas les problèmes à long terme.
De nombreux bambins tètent encore la nuit et ont besoin d’une tétée pour s’endormir. Tout le monde ne sera pas d’accord pour dire que c’est une bonne chose, mais je ne pense certainement pas que c’en est une mauvaise. Même si vous n’êtes pas d’accord avec cette pratique de parentage, il n’y a bien souvent rien qu’on puisse faire au sujet d’un enfant de 18 mois qui tète la nuit. Certains bambins tètent souvent pendant la nuit. C’est un fait. Pourquoi un père devrait-il insister pour que l’enfant passe la nuit avec lui lorsque c’est le cas ? Qu’est-ce qu’il y a de particulièrement important dans le fait que l’enfant passe la nuit chez son père ? Et si l’enfant pleure pendant toute la nuit parce qu’il ne peut pas téter ? J’ai plus d’une fois entendu parler d’un père qui était venu ramener l’enfant chez la mère au milieu de la nuit parce qu’il était totalement incapable de gérer les pleurs de l’enfant. Mais, même si l’enfant ne pleure pas, il retournera ensuite chez sa mère et sera encore plus crampon et encore plus déterminé à téter qu’auparavant.
Comme Wendy le disait lorsqu’elle racontait son histoire, c’est la poursuite de l’allaitement de sa fille de 3 ans qui a permis à la petite Jennifer de surmonter les difficultés liées à la rupture entre ses parents. L’allaitement était le roc sur lequel elle pouvait se reposer lorsque le stress était trop difficile à vivre pour elle. Pourquoi un père ayant à cœur le bien-être de son enfant insiste-t-il pour lui infliger un stress encore plus important ?
Un père pourra parfaitement passer la moitié du temps avec son enfant sans que cela interfère avec l’allaitement. Il n’est pas nécessaire qu’il passe des semaines entières avec l’enfant. Un bambin n’a pas le niveau de développement indispensable pour une telle séparation d’avec sa mère, ou d’avec son père. Quelques heures à la fois, une bonne partie de la journée. Mais la nuit ? Pas encore. Il vaut mieux attendre. Pour le bien de l’enfant.
Malheureusement, la plupart des juges ne connaissent ni l’importance de l’allaitement, ni l’impact de la garde sur le développement de l’enfant. Les mères se voient souvent ordonner par les juges de donner des biberons à un enfant de 18 mois qui n’en avait jamais reçu auparavant. Comme si l’enfant allait obéir au juge !
Pendant les premières années, la mère est plus importante pour l’enfant que le père. C’est simple, c’est comme ça, c’est un fait de la vie. Vous pouvez dire que ça ne devrait pas être comme ça, vous pouvez dire que ça n’est pas juste, mais c’est comme ça quand même. Si ces principes sont respectés quand on décide de la garde de l’enfant par le père, la relation entre le père et son enfant sera meilleure à long terme, pas pire. La plupart des parents peuvent faire preuve d’imagination pour trouver une solution sans interrompre l’allaitement. S’ils le veulent. Malheureusement, beaucoup ne le veulent pas. La séparation est une bataille que chaque parent veut gagner. La mère ou le père peut gagner la bataille. L’enfant perd toujours.
Si l’enfant est petit (moins de 6 mois), accorder au père un droit de garde qui implique le sevrage ou l’introduction non nécessaire de biberons de lait industriel ne devrait pas être envisagé, sauf dans des circonstances exceptionnelles. La prise en compte des risques liés à l’alimentation au lait industriel passe avant celle des « besoins » du père. Je le répète, des arrangements peuvent être faits pour que le père puisse voir son enfant, mais pas en faisant courir un risque à l’enfant.
Peut-être qu’un jour les services de justice s’occupant du droit des familles comprendront que l’alimentation au lait industriel n’est pas, de fait, le moyen normal de nourrir un enfant. On doit l’espérer, dans la mesure où bien des souffrances inutiles sont infligées à cause de l’interruption de la relation d’allaitement pour prendre en compte les droits du père. Nous devons les prendre en compte, mais soyons créatifs pour trouver des solutions qui n’induisent pas des sevrages inutiles.
En conclusion
Allaiter un bambin ? Bien sûr, pourquoi pas ? Ne vous inquiétez pas, il ne tètera pas jusqu’au jour de son mariage. Tant les parents que l’enfant bénéficieront de l’allaitement long. Alors allez-y, profitez-en.
Juste magnifique. Mon bébé vient de naître et le séjour à la maternité a été horrible. Les puéricultrices voulaient à tous prix que je fasse un allaitement mixte avec biberon mais j'ai résisté. Elles m'ont laissé entendre que mon bébé ne se nourrissait pas suffisamment et qu'il avait perdu du poids alors que mon lait n'était pas encore monté.
Bébé va bien et de retour à la maison c'est ma mère qui interfère pour imposer la sucette. Pour elle, je dois l'allaiter à la demande dans les limites de mon confort et surtout pas plusieurs fois la nuit !
Après quelques semaines, je vis l'allaitement comme un moment de partage immense avec mon enfant et en même temps c'est très difficile. Trop de pression et de culpabilité. Moi qui voulait allaiter longtemps, je commence déjà à me dire que je vais donner le biberon.
Votre article m'a redonné force et courage. Je continuerai à tenir bon d'autant plus que je sais maintenant que la manière dont je m'y prends est vraiment ce qu'il y a de mieux pour mon bébé.
Merci pour ce fabuleux article!
J'allaite mon fils de 12 mois jour et nuit ( beaucoup la nuit et aussi pour qu'il s'endorme pour les siestes) et je trouve enfin du réconfort du soutien ce que je ne trouve pas dans mon entourage qui ne comprend pas pourquoi j'allaite encore alors que les biberons existe!!!!! Mais tu vas pas allaiter jusqu'à ses 18 ans!?? Mais il dort avec toi??? Mais tu vas en faire un taré !! Tu allaite encore alors qu'il marche??
Pour moi je fait ce qu'il y a de mieux mais c'est surtout ce qui me vient spontanément c'est naturel et je vois en fait que je ne suis pas la seule et que je suis normale et ça fait du bien!!!!! Alors Merci!!!!!
J'en ai les larmes aux yeux, tellement vous avez si bien décrit ma relation avec ma fille de deux ans que j'allaite. La sécurité, l'assurance, l'amour, la confiance quelle me voue...
Je suis aussi rassurée de savoir qu'elle ne restera pas au sein jusqu'à son mariage!
Une chose est sûre : elle n'est pas prête à se sevrer et moi non plus.
Je continuerai jusqu'au jour ou elle me demandera où est passé le lait. J'ai aimé les témoignages !
Merci!!!
*MILLES MERCI !!!
maman française de 28ans sans soutien pour ce que je trouve de plus naturel et normal et logique -> l'allaitement! Quelle bouffée d'air que de vous lire Grand merci monsieur , si plus de papa et autres pouvaient être aussi intelligents que vous! Je pourrais écrire des heures sur les bienfaits de l'allaitement, et ce monde qui tourne à l'envers mais vous avez quasiment tout dit. Bravo à vous et à votre famille!
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