Cas clinique présenté par Marie Courdent (animatrice LLL, puéricultrice, consultante en lactation IBCLC, formatrice)
Après une grossesse un peu trop active qui a amené Madame X à rester alitée pendant les derniers mois, Louis est né en septembre 2003, en parfaite santé malgré ses trois semaines d’avance : 3,3 kg et 50 cm. Mme X. a souhaité allaiter. Elle-même n’a été allaitée que trois semaines.
Mme X vient d'une famille d'allergiques (pollens, acariens, insectes… avec de l'eczéma), elle a elle-même fait des conjonctivites à répétition et de l’urticaire à cause des acariens. Son conjoint n’a apparemment aucune allergie. Tous deux ont décidé que Mme X prendrait, à la suite de son congé maternité, des mois de congé sans solde de façon à ce que Louis bénéficie de six mois d'allaitement exclusif. L'allaitement en lui-même s'est mis en route sans difficultés particulières, si ce n’est de petites crevasses vite guéries. Par contre, Louis a commencé à pleurer énormément dès la maternité (surtout la journée), à régurgiter, à présenter par moments des selles vertes. Il dormait très peu, environ 8 heures sur 24 heures.
Quand son enfant a eu 2 semaines, Mme X a téléphoné à une animatrice LLL pour lui demander conseil. Cette dernière lui ayant indiqué l’article du Dr Jack Newman sur les coliques du bébé allaité, Mme X a décidé de supprimer tous les aliments contenant des protéines de lait de vache, mais sans voir pour autant d'amélioration très nette dans l'état de son bébé. Très peu de temps après, elle a participé à une réunion LLL. Grâce au partage d’expériences entre les mamans, elle s’est rendu compte qu'elle avait par ailleurs une candidose mammaire. Cette candidose s’est estompée grâce au traitement prescrit par un généraliste en lien avec LLL (amphotéricine B puis miconazole).
Louis pleurait toujours beaucoup. À 1 mois, un reflux gastro-œsophagien a été diagnostiqué par le pédiatre, qui lui a donné un traitement (dompéridone, alginate de sodium et diméticone). Les régurgitations ont peu diminué, et Louis pleurait encore de longues heures pendant la journée. Divers examens ont alors été réalisés pour éliminer une sténose du pylore (échographie) ou une œsophagite (fibroscopie), sans aucun résultat. Le pédiatre a alors suggéré à la maman de se détendre et de consulter un psychiatre si aucune amélioration ne survenait. Il parlait alors d’une inadéquation dans la relation mère-enfant.
Quand Louis a eu 2 mois, Mme X a présenté des douleurs dans le bas-ventre qui l'ont amenée à consulter un chirurgien. L’échographie a montré une appendicite qu'il a été décidé d'opérer le lendemain. Mme X avait en fait une péritonite qui a nécessité un traitement antibiotique et antalgique avec des morphiniques. Elle a tiré son lait pendant son hospitalisation pour entretenir sa lactation.
Durant la séparation de Louis d'avec sa mère hospitalisée, l'enfant a reçu des mains de son père des biberons de lait hypoallergénique que sa mère avait eu le temps d'aller acheter juste avant d'être hospitalisée, et le comportement de l'enfant a été radicalement amélioré : il s'est endormi immédiatement sans pleurer, et n'a pas présenté de coliques douloureuses comme c'était le cas tous les après-midi. Un biberon de lait maternel que sa mère a tiré durant son séjour à la clinique a induit une réapparition immédiate de la symptomatologie douloureuse.
Mme X, très motivée pour poursuivre la relation d'allaitement malgré les avis opposés de son entourage médical et familial, était décidée à trouver ce à quoi son enfant pouvait réagir dans sa propre alimentation. Elle a choisi de remettre son bébé au sein en rentrant chez elle, en se disant que si vraiment l'enfant avait trop mal, elle l'allaiterait le matin, car cela se passait à peu près bien, mais aviserait pour les après-midi. Louis est à nouveau devenu grognon, et 48 heures après son retour, il a présenté un eczéma sur le visage et les bras. Une dermatologue consultée a nié qu'un eczéma chez un bébé puisse être lié à une allergie alimentaire, disant que l’eczéma était un trouble « normal » qui passerait tout seul en quelques mois ou années.
Mme X a alors décidé de supprimer les principaux allergè¬nes de son alimentation : lait de vache, soja, arachide, œufs, poisson, fruits à coque, blé. Au bout d’une dizaine de jours, comme Louis allait mieux, elle a commencé à réintroduire progressivement les aliments (sauf le lait de vache). Elle a ainsi découvert que son fils réagissait au blé. En supprimant de ses repas pain, pâtes, etc., les pleurs et les selles vertes se sont beaucoup atténués. Quant aux régurgitations et à l'eczéma, ils ont diminué sans disparaître totalement. La pédiatre allergologue rencontrée a été très perplexe quand Mme X lui a fait part de ses observations, mais elle a quand même demandé un dosage des IgE pour différents allergènes : blé, blanc d’œuf, poisson, lait de vache, arachide. Curieusement, les résultats sont revenus négatifs pour tout, sauf pour le blanc d’œuf… Ce qui a laissé la maman perplexe.
Sur les conseils de cette pédiatre allergologue, Mme X a tenté une dernière fois de réintroduire le blé dans son alime-tation. Ce fut une catastrophe. Louis passa des journées entières à pleurer en se tortillant, à se réveiller en hurlant au bout d’une demi-heure ou trois quarts d’heure de sieste. Une allergologue spécialisée dans les allergies alimentaires confirma l’allergie à l’œuf par des tests cutanés. Elle eut du mal à interpréter le test du blé, et demanda donc à Mme X de continuer son éviction en se fiant aux signes cliniques. Quant au lait de vache, il semblait directement en lien avec l’eczéma sur la foi des signes cliniques.
Louis fut donc exclusivement allaité jusqu’à 5 mois ½, sa maman ne consommant ni lait, ni blé, ni œuf (ni volaille, car l’allergie à la volaille est croisée avec celle de l'œuf). Mme X a ensuite totalement sevré Louis sur les 15 jours qui suivirent, le régime d’éviction alimentaire suivi depuis de longues semaines lui pesant trop. L’allergologue décida alors d’introduire un par un les aliments dans un ordre précis et en respectant 10 jours d’écart entre chaque introduction pour vérifier que Louis n’avait pas de réactions négatives. Les aliments ont été introduits dans l’ordre suivant : lait de châtaigne (à la place des hydrolysats de protéines qui donnaient des diarrhées à Louis), carotte, pomme de terre, pomme, poire, haricot, courgette, poireau, aubergine, chou… À 11 mois, Louis a pu commencer à manger du jambon. Il a 13 mois au moment de la rédaction de cet article, et les parents continuent une introduction progressive. Le programme des mois qui viennent est le suivant : petits-suisses pour enfant de plus de 4 mois, bœuf, pain et veau. Il aura alors 15 mois et si tout va bien, il pourra commencer la banane. Ce programme peut paraître fastidieux et contraignant, mais la maman nous dit : « Il permet à Louis de grandir normalement, d’avoir un eczéma minime et d’être aujourd’hui en pleine forme. »
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