Syndrôme des ovaires polykystiques et sécrétion lactée insuffisante
Polycystic ovary syndrome : a connection to insuffisant milk supply ? L Marasco, C Marmet, E Shell. JHL 2000 ; 16(2) : 143-48.
Dossiers de l'allaitement n° 48.
Les connaissances en matière de physiologie de la lactation (facteurs impliqués dans la lactogénèse et la galactopoïèse entre autres) ont rapidement progressé depuis 20 ans. Les principales causes d’insuffisance primaire de la sécrétion lactée actuellement connues sont l’agénésie ou l’hypogénésie mammaire, une chirurgie mammaire importante, une hypothyroïdie, une insuffisance hypothalamique/hypophysaire, une hémorragie importante lors de la délivrance, un diabète non contrôlé.
Cependant, il existe toujours des cas où l’allaitement échoue sans qu’il soit possible d’en déterminer la cause et d’y remédier efficacement. Le syndrôme des ovaires polykystiques est une dystrophie ovarienne polykystique atteignant 3 à 20 % des femmes. Il se caractérise classiquement par la présence d’une aménorrhée, d’un hirsutisme et d’une obésité, apparaissant à l’adolescence ; les ovaires sont augmentés de volume et polykystiques. Il est actuellement diagnostiqué essentiellement à partir des résultats du bilan hormonal (augmentation du rapport LH/FSH, et des taux de testostérone, d’œstrogènes, de déhydroéphiandrostérone, et éventuellement du taux de prolactine, et taux de progestérone effondré). Ces caractéristiques hormonales font que ce syndrome est aussi appelé syndrome d’anovulation hyperandrogénique chronique. Les auteurs rapportent des cas de femmes chez qui il pourrait être à l’origine d’une sécrétion lactée insuffisante.
Premier cas.
Cette femme de 26 ans a été référée à une consultante en lactation à J6 pour son second enfant, qui avait perdu 12,6 % de son poids de naissance. Cette mère n’avait pas réussi à allaiter son premier enfant. L’accouchement avait duré 24 heures ; la mère avait reçu de l’ocytocine et une analgésie intrathécale. La mère avait présenté une augmentation du volume mammaire pendant la grossesse. À l’examen, les seins étaient souples. L’évaluation au doigt de la succion de l’enfant était normale. La position de l’enfant au sein n’était pas optimale, ce qui a été facilement rectifié. L’enfant tétait correctement ; il était mis au sein toutes les 3 à 4 heures. La pesée a montré qu’il avait pris environ 22 g de lait après 30 min au sein. Un syndrôme des ovaires polykystiques avait été diagnostiqué chez la mère dès l’adolescence. Elle avait eu beaucoup de mal à être enceinte. À l’âge de 20 ans, elle a débuté un traitement par progestérone pour réguler les cycles ; sa première grossesse est survenue pendant ce traitement. Sa seconde grossesse est survenue au décours d’un traitement par clomifène pour infertilité. La consultante en lactation a posé le diagnostic de sécrétion lactée insuffisante de cause inconnue, éventuellement en relation avec des tétées trop espacées. Elle a suggéré à la mère de mettre son bébé au sein plus souvent (8 à 12 fois par jour). À la visite suivante, à J10, le poids de l’enfant était resté le même, et la pesée a montré qu’il avait pris environ 28 g de lait au bout de 30 min au sein. La consultante en lactation a recommandé à la mère de donner à l’enfant des compléments de lait maternel exprimé et de lait industriel, de comprimer ses seins pendant les tétées pour aider son enfant à recevoir davantage de lait, et de surveiller étroitement les urines et les selles de son bébé. Elle lui a aussi recommandé de consulter son obstétricien pour rechercher une éventuelle rétention placentaire. 3 jours plus tard, la mère a été hospitalisée pour une crise d’appendicite aiguë, traitée par appendicectomie. L’enfant n’a pas été mis au sein pendant les 5 jours d’hospitalisation de sa mère, mais cette dernière a tiré son lait régulièrement, et mis son enfant au sein très souvent dès son retour au domicile. La visite à J19 n’a retrouvé aucune augmentation de la sécrétion lactée. La mère a commencé à prendre du métoclopramide (10 mg, 3 fois par jour) ; cela a permis une augmentation de la sécrétion lactée, et la stabilisation des compléments de lait industriel à environ 225 ml/jour. L’enfant a commencé à prendre 25 à 30 g/jour. La mère a continué à l’allaiter partiellement. À 4 semaines post-partum, elle a présenté un pseudo-retour de couches, puis a eu des « mini-règles » tous les mois par la suite. Elle a constaté que pendant les 2 jours que duraient ces « règles », sa sécrétion lactée était beaucoup plus abondante, et revenait à son niveau de base dès la fin des saignements.
Second cas.
Cette mère s’est présentée en consultation de lactation avec son bébé de 13 jours ; il n’avait pas eu de selles pendant les 10 premiers jours de vie, il était très somnolent et voulait téter en permanence. Il était à 450 g en dessous de son poids de naissance (3 722 g). Son état clinique était par ailleurs normal. La mère le mettait au sein fréquemment, il était bien positionné et il tétait correctement. Les seins de la mère avaient augmenté de volume pendant la grossesse. À l’examen, ils étaient mous. La mère avait accouché par voie basse, avec une analgésie intrathécale ; les lochies étaient peu abondantes. Cette femme n’avait pas réussi à allaiter exclusivement ses 2 premiers enfants, et avait donné des compléments de lait industriel dès les premiers jours. Entre son premier et son second enfant, elle avait présenté une aménorrhée ayant duré 18 mois, et un syndrôme des ovaires polykystiques a été diagnostiqué. Après 2 semaines de tétées fréquentes, de séances d’expression du lait et de traitement par métoclopramide (10 mg 3 fois par jour), la mère n’a enregistré qu’une légère augmentation de la sécrétion lactée. La consultante en lactation a posé le diagnostic d’insuffisance de la sécrétion lactée probablement en rapport avec un déséquilibre hormonal.
Troisième cas.
Le bébé de cette mère primipare avait un poids de naissance de 3 210 g. Il a perdu 455 g dans les 10 premiers jours post-partum. La mère a alors commencé à tirer son lait 8 à 10 fois par jour, et à donner le lait tiré ainsi que du lait industriel à l’aide d’un DAL pendant les mises au sein. L’enfant a pris 455 g dans la semaine qui a suivi la mise en place de ces mesures. Au bout de 2 semaines, la mère a essayé de supprimer les compléments de lait industriel, et le poids de l’enfant a recommencé à stagner. À 2 mois, le problème perdurait, et la mère est revenue en consultation de lactation. Le bébé pesait alors 3 880 g, et recevait quotidiennement environ 425 ml de lait industriel à l’aide du DAL. La mère tirait son lait 2 fois par jour en plus des tétées, et obtenait difficilement 15 ml à chaque fois. Cette femme avait des problèmes de santé depuis la puberté ; vers 18 ans, elle a commencé à souffrir de troubles ovariens, avec hyperpilosité et prise de 22,7 kg en 3 mois. Le diagnostic de syndrôme des ovaires polykystiques a été posé. Elle avait des cycles très irréguliers, et sa grossesse a été totalement inattendue. Les seins avaient augmenté légèrement de volume pendant la grossesse. Leur examen ne révélait rien de particulier. L’examen au doigt de la succion du bébé a retrouvé un palais en bulle et une succion faible ; il prenait bien le sein, mais tétait peu de temps efficacement. La consultante en lactation a référé la mère à son médecin pour un bilan hormonal et général. Elle a suggéré à la mère de tirer son lait 10 à 12 fois par jour, et de donner au doigt le lait exprimé et un complément de lait industriel (au total 570 ml environ) en plus des tétées. La croissance de l’enfant était normale avec ce volume de compléments, mais baissait dès que la mère essayait de diminuer la quantité de lait industriel. La mère a aussi essayé un traitement par phytothérapie pour tenter d’augmenter sa sécrétion lactée, sans résultat mesurable. Elle a alors pris de la dompéridone, qui a induit une augmentation sensible de la sécrétion lactée (Ndlr : la dompéridone a un effet galactogène rapporté mais n'a pas d'AMM en France pour cette indication) ; la quantité de lait industriel donnée quotidiennement a pu être ramenée à 400 ml. Mais malgré tous ses efforts, cette mère n’a jamais réussi à réduire davantage les compléments.
En conclusion.
Les causes et les conséquences de ce syndrome ovarien restent mal cernées. L’existence de taux élevés d’androgènes et d’œstrogènes, alliée à la baisse importante du taux de progestérone, peut indiscutablement affecter la lactation. Les œstrogènes jouent un rôle important dans le développement des canaux de la glande mammaire pendant la puberté et la grossesse, tandis que la progestérone est nécessaire pour le développement des ascini. Cette pathologie s’accompagne fréquemment d’une résistance à l’insuline, qui joue aussi un rôle dans la lactogenèse. Les spécialistes ont constaté depuis un certain temps que les mères qui ont des problèmes d’infertilité ont aussi beaucoup plus souvent que la moyenne des problèmes d’allaitement. Par ailleurs, de nombreuses femmes présentant un syndrôme des ovaires polykystiques arrivent à allaiter sans problème particulier. L’existence d’un tel syndrome peut donc éventuellement être une explication en cas d’insuffisance de la lactation, mais il n’y a pas obligatoirement relation de cause à effet. Lorsqu’une mère se présente avec un problème de sécrétion lactée insuffisante, il sera utile de l’interroger sur ses antécédents personnels et familiaux, à la recherche de symptômes pouvant être en relation avec un trouble hormonal. Un bilan hormonal sera pratiqué en présence de signes évocateurs. Ces mères et leurs enfants devront être étroitement suivis, afin de s’assurer que l’enfant est correctement nourri ; il ne faudra pas hésiter à recommander le don de compléments, parallèlement à la mise en œuvre d'autres mesures destinées à augmenter la sécrétion lactée. Lorsque toutes ces mesures ont échoué, on pourra en déduire que le problème a une origine physiologique, à laquelle il est, malheureusement, plus ou moins impossible de remédier efficacement, tout au moins d’après les connaissances actuelles. Des recherches seraient nécessaires pour mieux établir l’impact des troubles hormonaux sur la lactation, ainsi que sur les thérapies éventuellement envisageables.
Syndrôme des ovaires polykystiques et allaitement
PCOS and breastfeeding. CG Kelley. Breastfeed Update 2003 ; 3(3) : 6-7.
Dossiers de l'allaitement n° 64.
À 4 semaines, ce bébé exclusivement allaité à la demande ne pesait pas plus que son poids de naissance. Le pédiatre consulté par la mère lui a dit qu’elle devait immédiatement commencer à lui donner des suppléments de lait industriel, sinon le bébé devrait être hospitalisé. La mère, après en avoir discuté avec une consultante en lactation, a commencé à donner ces suppléments avec une seringue, et à tirer son lait après chaque tétée. En 48 heures, le bébé a pris 225 g. Mais l’expression du lait n’a pas permis à la mère d’augmenter sa production lactée. Elle a continué à le tirer jusqu’à 7 mois post-partum avant de renoncer, et elle a allaité son bébé en utilisant un DAL sur le sein, rempli de lait industriel, jusqu’à environ 2 ans. Elle était heureuse d’avoir pu bénéficier d’une relation d’allaitement gratifiante, mais frustrée de ne pas avoir pu allaiter « normalement ». Pendant son allaitement, elle a eu l’occasion de lire un article sur l’impact négatif du syndrôme des ovaires polykystiques sur la sécrétion lactée. Or, ce syndrome avait été diagnostiqué chez elle. Elle a donc cherché à en savoir davantage. Ce problème touche 5 à 10 % des femmes, et peut induire des troubles de la pilosité, une obésité, des cycles irréguliers, une résistance à l’insuline, et des difficultés à débuter et maintenir une grossesse, ainsi que des problèmes d’allaitement. Il existe de nombreuses formes de dystrophie polykystique, ce qui rend difficile de prédire l’impact sur l’allaitement : certaines femmes allaiteront tout à fait normalement, d’autres n’auront pas assez de lait, d’autres auront une sécrétion lactée surabondante. Pendant sa grossesse, cette mère n’avait constaté à peu près aucune augmentation de volume de ses seins. Mais elle en a constaté une pendant sa seconde grossesse, après laquelle elle a pu allaiter normalement.
La première chose à faire pour aider ces mères est de veiller à une pratique optimale d’allaitement afin de maximiser la production lactée. On peut tenter la prise de médicaments ou de plantes galactogènes, mais le résultat est aléatoire et imprévisible. La prise de progestérone et de metformine pendant la grossesse est utilisée dans certains cas pour favoriser le maintien de la grossesse ; ce traitement peut aussi favoriser le développement de la glande mammaire, et donc permettre une sécrétion lactée suffisante en post-partum. La metformine semble être un bon traitement en post-partum pour les mères souffrant du syndrôme des ovaires polykystiques et présentant une sécrétion lactée insuffisante ; de nombreuses femmes traitées par metformine ont réussi à avoir une sécrétion lactée adéquate ; et le taux lacté de metformine est très bas. Toutefois, ce traitement sera inefficace chez certaines femmes. La prise de fenugrec et de galéga pourra être tentée ; la posologie sera discutée avec un professionnel compétent, et évaluée au cas par cas. La dompéridone est un meilleur choix que le métoclopramide (qui peut induire des dépressions). Enfin, il semble que la sécrétion lactée soit plus abondante chez les multipares, peut-être en raison d’un nombre plus élevé de récepteurs pour la prolactine dans la glande mammaire. On peut donc faire preuve d’un optimisme prudent pour les grossesses suivantes chez les femmes souffrant du syndrôme des ovaires polykystiques.
Une association sur le SOPK : Association Esp'OPK
Bonjour, je suis actuellement enceinte et j'espérais beaucoup allaiter. Mais ma mère n'a pu allaiter aucun de ces enfants, et elle m'a dit que c'était sûrement lié à la thyroïde. En me renseignant, je découvre que les femmes SPOK sont aussi concernées et que malheureusement, il y a peu de choses à faire. J'ai eu de la chance jusqu'à présent, pas de surpilosité, ni de prise de poids, simplement des règles 2 fois par an uniquement jusque 30 ans. Pratique. Jusqu'à ce que je découvre cet état de la recherche... Mais tout n'est pas perdu, je peux encore y croire!
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