Publié dans le n° 118 des Dossiers de l'allaitement, janvier 2017.
D'après : Tandem nursing. Holgate E. Breastfeed Today, Apr 11, 2016. Breastfeeding during pregnancy and tandem nursing : is it safe ? Recent research. Flower H. Breastfeed Today, Apr 11, 2016.
Cette mère allaitait son premier enfant qui avait près de 2 ans lorsqu’elle a débuté une nouvelle grossesse. La première grossesse s’était très bien passée, la mère savait que la poursuite de l’allaitement pendant la grossesse ne présentait aucun risque (elle allait régulièrement aux réunions d’un groupe local de La Leche League aux États-Unis), et elle a donc continué à allaiter.
Elle pensait que son enfant allait se sevrer de lui-même pendant la grossesse, car sa production lactée a fortement baissé pendant le deuxième trimestre de la grossesse, mais il continuait à téter même s’il semblait ne pas recevoir de lait. Les tétées étaient cependant désagréables pour la mère, qui a donc décidé de limiter leur fréquence et leur durée. Et c’est le père qui a commencé à prendre en charge le coucher de l’enfant, pour remplacer la tétée du soir. Au moment de la naissance du bébé, l’aîné ne tétait plus que 3 à 4 fois par jour.
La mère a commencé à co-allaiter. Elle allaitait rarement les deux enfants en même temps, mais lorsqu’elle le faisait, elle avait l’impression d’un moment de partage à trois très particulier, qui renforçait le lien entre les deux enfants. Cela ne veut pas dire que le co-allaitement a toujours été facile, mais l’arrivée d’un second enfant dans une famille induit diverses difficultés, co-allaitement ou pas. L’aîné s’est sevré à environ 4 ans. Le second enfant est toujours allaité à presque 3 ans. Dans une société où l’allaitement long n’est pas la norme, le co-allaitement est bien souvent stigmatisé. La mère est heureuse d’avoir pu bénéficier du soutien de sa famille proche et des mères du groupe local de LLL.
Au fil des siècles, de nombreuses femmes ont eu l’occasion d’allaiter pendant une grossesse. Pourtant, les professionnels de santé recommandent souvent à une mère qui allaite encore de sevrer si elle est à nouveau enceinte. L’ocytocine, responsable du réflexe d’éjection pendant les tétées, est en effet une hormone qui peut induire des contractions utérines. Toutefois, les études menées sur le sujet montrent que l’utérus est à peu près insensible à l’ocytocine pendant la grossesse, et même des doses élevées d’ocytocine ne permettent pas de déclencher l’accouchement lorsque la femme n’est pas à terme (Fuchs ; Kimura). De même, on a constaté que les relations sexuelles (pendant lesquelles de l’ocytocine est également sécrétée) ne provoquaient pas l’accouchement (Tan). Actuellement, rien ne permet de penser que la poursuite de l’allaitement pendant la grossesse augmente le risque de fausse couche, y compris chez les femmes qui ont des antécédents de fausse couche ; si une fausse couche survient chez une mère allaitante, il est plus que probable qu’elle serait également survenue même si la femme n’avait pas poursuivi l’allaitement.
Une étude iranienne a suivi 80 femmes qui ont poursuivi l’allaitement pendant leur grossesse et 240 femmes qui avaient sevré (Madarshahian). Le déroulement de la grossesse a été similaire dans les deux groupes, et les mères qui ont poursuivi l’allaitement n’ont pas eu un taux plus élevé d’accouchement prématuré. Les auteurs concluaient que la décision de poursuivre l’allaitement devait rester un choix personnel. C’était également la conclusion d’une étude japonaise menée suivant une méthodologie similaire (Ishii). Une étude cas-témoin irakienne (Aldabran) a même constaté un taux plus bas de fausses couches (5,12 % contre 10,35 %) chez les femmes qui allaitaient (n = 215) pendant leur grossesse par rapport à celles qui n’allaitaient pas (n = 280). Une étude cas-témoin turque (Ayrim) constatait que les mères qui continuaient à allaiter prenaient moins de poids pendant la grossesse et avaient un taux plus bas d’hémoglobine, mais qu’il n’y avait par ailleurs aucune différence entre les deux groupes sur le plan du déroulement de la grossesse, du poids de l’enfant ou de son Agpar.
Une autre question fréquemment soulevée concernant la poursuite de l’allaitement est le risque lié à la satisfaction des demandes physiologiques cumulées de la nouvelle grossesse et de la poursuite de l’allaitement pour la mère, et celui de la compétition pour les nutriments entre le fœtus et l’enfant toujours allaité. Dans les pays industrialisés où les femmes peuvent bénéficier d’une alimentation de bonne qualité en quantité suffisante, la poursuite de l’allaitement pendant la grossesse ne pose aucun problème. Le cas échéant, on prescrira à la future mère des suppléments vitaminiques et/ou minéraux. En revanche, cela pourra poser un problème chez les femmes des pays en voie de développement, qui sont chroniquement malnutries. On sait qu’un intervalle court entre deux grossesses a un impact négatif sur la santé maternelle et infantile. Il serait nécessaire de mener des études sur l’impact d’une supplémentation nutritionnelle chez ces mères. Dans ces pays, les risques liés à la poursuite de l’allaitement pendant la grossesse sont en rapport avec la pauvreté et la sous-alimentation, mais le sevrage brutal de l’enfant encore allaité représente également un risque pour sa santé.
Au moins dans les pays industrialisés et chez les femmes bien nourries, il n’existe aucune raison de recommander à une femme enceinte de sevrer l’enfant qu’elle allaite encore. La poursuite de l’allaitement ne fait courir aucun risque à la mère ni au fœtus. C’est à la mère de prendre la décision de sevrer ou de poursuivre l’allaitement en fonction de sa perception de la situation et de ses souhaits.
Références
- Albadran M. Effect of breastfeeding during pregnancy on the occurrence of miscarriage and preterm labour. Iraqi J Med Sci 2013 ; 11(3) : 285-9.
- Ayrim A et al. Breastfeeding throughout pregnancy in Turkish women. Breastfeed Med 2014 ; 9(3) : 157-60.
- Fuchs AR et al. Oxytocin receptors in the human uterus during pregnancy and parturition. Am J Obstet Gynecol 1984 ; 150(6) : 734-41.
- Ishii H. Does breastfeeding induce spontaneous abortion ? J Obset Gynaecol Res 2009; 35(5): 864-8.
- Kimura T et al. Expression of oxytocin receptor in human pregnant myometrium. Endocrinol 1996 ; 137 : 780-5.
- Madarshahian F, Hassanabadi M. A comparative study of breastfeeding during pregnancy : impact on maternal and newborn outcomes. J Nurs Res 2012 ; 20(1) : 74-80.
- Tan P et al. Effect of coitus at term on length of gestation, induction of labor, and mode of delivery. J Obstet and Gynaecol 2006 ; 108(1) : 134-40.
Bonjour
Je suis enceinte de 1 semaine environ et j'allaite ma fille d'un an qui semble ne pas vouloir s'arrêter. La sevrer est très dur. Je cherche des techniques notamment pour la nuit et à l'heure de la sieste et du coucher pour la sevrer en douceur. Même le lait de jument elle ne veut pas le prendre à ces heures citées ci-dessus. C'est devenu un rituel pour rassurer le sein je pense.
J'ai 41 ans et cela va être mon dernier bébé alors je préfère sevrer rapidement.
Il y a de mon compagnon 3 grandes filles et autonomes 10, 14 et 17 ans, seulement j'ai accouché prématurément pour ma dernière en juin 2018, 1 mois avant la date prévue donc je préfère être raisonnable et ne plus allaiter car trop fatiguée avec une grande fraterie.
Pouvez-vous me conseiller svp
Merci d'avance
Reine-Marie
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