Advising mothers on the use of medications during breastfeeding : a need for a positive attitude. Davanzo R et al. J Hum Lact 2016 ; 32(1) : 15-9.
De nombreuses mères auront besoin de suivre un traitement médical pendant l’allaitement, soit en raison d’une pathologie chronique, soit pour un problème aigu. Trop souvent, on recommandera à la mère de suspendre l’allaitement (ou de sevrer) alors que ce n’est pas réellement nécessaire. Peu de médicaments sont réellement contre-indiqués pendant l’allaitement. Certaines mères pourront décider d’allaiter et de ne pas prendre le traitement dont elles auraient besoin. Les professionnels de santé qui suivent des mères allaitantes devraient avoir des connaissances de base sur la prescription pendant l’allaitement et sur les moyens d’obtenir des informations leur permettant de conseiller adéquatement la mère. La Société Italienne de Médecine Périnatale (SIMP) a réuni divers experts à l’occasion d’un congrès sur les médicaments pendant l’allaitement. À la suite de ce congrès, des recommandations ont été écrites et publiées après approbation par la SIMP. Les auteurs en présentent les principaux points.
• Les conseils donnés aux mères ne devraient pas reposer uniquement sur un principe de précaution poussé à l’extrême, qui amènerait à déconseiller l’allaitement même lorsque le risque pour le bébé est infime. Les professionnels de santé ne doivent pas non plus se fier aux notices des médicaments, qui déconseillent l’allaitement pour environ 80 % des produits. Bien souvent, un produit déconseillé pendant la grossesse est également déconseillé pendant l’allaitement sur ces notices, alors que l’exposition de l’enfant via le lait maternel est généralement bien plus faible et sans danger.
• Le professionnel de santé qui doit conseiller la mère devrait prendre le temps de rechercher des données scientifiquement fondées. L’allaitement est clairement immédiatement contre-indiqué uniquement pour certains produits tels que les anticancéreux, certaines drogues, ou en cas d’absorption massive d’un toxique (tentative de suicide). Pour la grande majorité des prescriptions, le professionnel de santé peut parfaitement prendre 24 heures pour rechercher des informations pendant que la mère commence le traitement : peu de produits sont excrétés dans le lait à un taux dangereux pour le bébé, et un éventuel effet secondaire est plus souvent rencontré en cas de traitement maternel au long cours induisant une accumulation du produit. Pendant les premiers jours post-partum, la quantité de colostrum absorbée par le bébé est faible, et il recevra donc une faible quantité de produit actif si sa mère est traitée.
• Les risques éventuels du traitement maternel doivent être comparés aux bénéfices de l’allaitement et aux risques liés à la suspension de l’allaitement et au don d’une formule lactée commerciale, risques qui ne sont pas négligeables.
• L’excrétion lactée d’un médicament dépend de ses caractéristiques pharmacocinétiques. Le risque potentiel pour l’enfant dépend également de sa capacité à métaboliser le produit. Il faut également prendre en compte l’âge de l’enfant et les pratiques d’allaitement (exclusif ou partiel). Globalement, ce risque potentiel baisse fortement après 2 mois post-partum, tout particulièrement si le bébé est partiellement allaité.
• Pour les produits à courte demi-vie, la mère peut prendre le médicament immédiatement après une tétée ; il sera déjà partiellement éliminé au moment de la tétée suivante.
• Si un médicament réellement contre-indiqué est indispensable pendant une durée limitée, la mère peut tirer et jeter son lait pendant le traitement, et reprendre ensuite l’allaitement. Si la prise du produit est planifiée (cas d’un radioisotope par exemple), la mère peut tirer son lait en prévision de l’examen afin que son bébé le reçoive pendant la suspension de l’allaitement.
• Il existe peu de données sur un éventuel impact des médicaments pris au long cours sur le développement cognitif, mais cela ne doit pas amener à déconseiller l’allaitement. Des études ont constaté que des enfants allaités par des mères sous monothérapie anticonvulsivante avaient à 6 ans un développement cognitif similaire à celui des enfants nourris avec une formule lactée commerciale. Même si les données sont limitées, cela semble être également le cas pour les enfants des mères traitées par antidépresseurs ou autres psychotropes. L’enfant sera toutefois régulièrement suivi.
• Le risque potentiel est plus élevé lorsque la mère prend plusieurs médicaments. Toutefois, lorsque les produits sont prescrits aux doses normales en prenant en compte les éventuelles interactions, il existe peu de raisons de penser que des produits qui, séparément, ne présentent pas de risque pour l’enfant allaité, en présenteront s’ils sont pris conjointement, et il n’existe actuellement aucune donnée démontrant que cela augmente le risque. Toutefois, des études sur le sujet seraient utiles.
• Les professionnels de santé qui doivent conseiller les mères devraient consulter les sources d’informations les plus fiables. Actuellement, LactMed représente l’une des sources les plus fiables d’informations référencées sur les médicaments pendant l’allaitement disponibles sur Internet ; les données sont régulièrement réactualisées, et de plus l’accès est gratuit. Le livre Medications and Mother’s Milk de Thomas Hale est également une source fiable et régulièrement réactualisée. Il existe dans de nombreux pays des sites Internet sur les médicaments tératogènes pendant la grossesse, qui peuvent également donner des informations sur la compatibilité avec l’allaitement (Le CRAT en France, e-lactantia.org en Espagne).
Les professionnels de santé doivent pouvoir conseiller correctement les mères qui ont besoin d’un traitement médical, dans l’intérêt de la mère et du bébé. Dans la grande majorité des cas, il n’existe aucun conflit entre le droit de la mère de recevoir le traitement dont elle a besoin et son droit de poursuivre l’allaitement de son enfant. Le risque potentiel du traitement maternel pour l’enfant n’est que l’un des facteurs à prendre en compte. Les autres facteurs importants sont les bénéfices nutritionnels, immunologiques, cognitifs, économiques et écologiques de l’allaitement.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci