Article publié dans le n° 121 des Dossiers de l'allaitement, avril 2017
D'après : Prolactinoma and pregnancy : from the wish of conception to lactation. Maiter D. Ann Endocrinol 2016 ; 77(2) : 128-34.
Le prolactinome est une cause fréquente de stérilité féminine (il concerne environ 1 femme en âge de procréer sur 500). Il induit une prolactinémie, qui est responsable de problèmes d’ovulation, et qui altère les conditions hormonales nécessaires à l’implantation de l’embryon si une fécondation a eu lieu. L’auteur de cet article présente les diverses options que l’on peut proposer aux femmes souffrant de prolactinome lorsqu’elles souhaitent devenir mères à partir de la présentation d’un cas.
Cette femme de 24 ans en bonne santé générale consulte pour une aménorrhée après arrêt de sa pilule contraceptive dans l’objectif d’une grossesse. Elle signale également une galactorrhée modérée et bilatérale. Le bilan hormonal retrouve une hyperprolactinémie (655 µg/l – normale : 5-25 µg/l). Le taux des autres hormones est normal. Une IRM hypophysaire montre la présence d’un adénome de 18 x 17 x 16 mm sans signes de compression ni autre complication. Les options de traitement sont discutées avec la patiente, qui souhaite devenir enceinte aussi vite que possible. Les agonistes dopaminergiques sont efficaces pour restaurer la fertilité chez les femmes souffrant de prolactinome, et ils représentent le traitement de première intention. La cabergoline est plus efficace et mieux tolérée que la bromocriptine. L’adénomectomie sélective trans-sphénoïdale est une autre option. Cette chirurgie est efficace dans 70 à 80 % des cas de micro-adénomes, mais dans seulement 30 à 40 % des cas de macro-adénomes. De plus, elle présente un risque significatif de séquelles, en particulier de déficit des hormones hypophysaires. Le traitement chirurgical sera proposé aux femmes jeunes, qui ne répondent pas aux doses maximales utilisables d’agonistes dopaminergiques ou qui ne tolèrent pas ces produits, ou aux femmes présentant un macro-adénome volumineux chez qui la chirurgie facilitera le traitement médical. Si le traitement médical ou chirurgical ne suffit pas à permettre un cycle hormonal normal, un protocole de procréation médicalement assistée pourra être tenté.
Après discussion avec la patiente, un traitement par cabergoline est débuté (2 fois 0,5 mg par semaine). Ce traitement est efficace et bien toléré : le cycle menstruel reprend au bout d’un mois, la galactorrhée disparaît, et le taux de prolactine après deux mois de traitement est de 3 µg/l. Une IRM effectuée après quatre mois de traitement montre une réduction de 30 % du volume du prolactinome. Trois mois plus tard, la patiente est enceinte, et il devient alors nécessaire de discuter des options pendant la grossesse. Un prolactinome peut augmenter de volume pendant la grossesse si la femme arrête son traitement, en raison de la stimulation liée au taux élevé d’œstrogène. Ce risque est faible en cas de microprolactinome et, en pareil cas, l’arrêt du traitement est recommandé. En cas de macroprolactinome récemment diagnostiqué et donc traité depuis peu, le risque d’augmentation de volume est de 25 à 30 % et, en pareil cas, la poursuite du traitement pendant la grossesse sera discutée.
La bromocriptine a un profil de sécurité satisfaisant, et aucun problème significatif n’a été rapporté suite à son utilisation pendant le début de la grossesse. Il existe moins de données sur la cabergoline, mais celles concernant plus de 950 cas permettent de penser que son utilisation en début de grossesse ne présente pas de risque significatif. De plus, le suivi d’environ 230 enfants exposés à la cabergoline en début de grossesse n’a retrouvé aucun impact. Le traitement par cabergoline ou bromocriptine peut donc être poursuivi chez une femme qui veut devenir enceinte, en utilisant toutefois des doses aussi basses que possible. Il existe des données sur environ 100 grossesses menées jusqu’au bout sous bromocriptine et seulement 15 grossesses menées sous cabergoline, et le traitement ne semble pas augmenter le risque pour le fœtus. Dans la majorité des cas, le traitement médical sera arrêté lorsque la grossesse sera confirmée, et la femme sera régulièrement suivie sur le plan clinique, avec bilan visuel. On conseille habituellement de pratiquer une IRM uniquement si la patiente devient symptomatique. Dans le service de l’auteur, on propose à la femme une IRM de contrôle sans produit de contraste entre 28 et 32 semaines de grossesse en cas de macroprolactinome. Si la tumeur a augmenté significativement de volume, le traitement sera repris, en privilégiant la cabergoline.
Le traitement par cabergoline a été arrêté chez la patiente. La grossesse a été normale. L’IRM à 7 mois a montré une augmentation de volume du prolactinome (18 x 19 x 15 mm), qui touchait le chiasma optique, avec transformation hémorragique. L’apoplexie d’un prolactinome peut exceptionnellement survenir pendant la grossesse, et elle peut alors induire des complications majeures nécessitant un traitement immédiat. La patiente restant asymptomatique, un suivi étroit sans traitement a été poursuivi. Elle a accouché à 39 semaines d’un bébé en bonne santé, et elle a dit souhaiter allaiter.
La plupart des mères souffrant de prolactinome peuvent allaiter, mais cela pourra être moins souvent le cas chez les femmes traitées chirurgicalement. Même si l’allaitement induit une augmentation du taux de prolactine, rien ne permet de penser qu’il a un impact défavorable sur l’évolution de la tumeur, et les femmes peuvent donc allaiter aussi longtemps qu’elles le souhaitent.
Cette patiente a donc allaité jusqu’à 5 mois, moment où elle a repris son activité professionnelle. Son taux de prolactine à ce moment était de 66 µg/l, et l’IRM a montré une tumeur de 11 x 14 x 12 mm, nécrotique et hémorragique. Le traitement par cabergoline a été repris (0,5 mg/semaine). Par la suite, cette patiente a eu deux autres enfants, qu’elle a allaités tous les deux. Ces nouvelles grossesses ont été normales. Après le troisième allaitement, la prolactinémie est restée à un taux normal de 5,1 µg/l, et l’IRM montrait un petit nodule résiduel de 4 x 4 mm. Le traitement médical n’a donc pas été repris.
Il est intéressant de savoir qu’environ 40 % des femmes souffrant de prolactinome présenteront une rémission prolongée après une ou plusieurs grossesses (taux allant de 17 à 68 % suivant les études pour des raisons inconnues), le taux de rémission étant deux fois plus élevé en cas de microprolactinome, indépendamment de l’allaitement. La patiente suivie par cette étude est restée en rémission pendant deux ans et demi, puis une modeste augmentation de la prolactinémie a été constatée (32 µg/l) sans augmentation de la tumeur. Comme la patiente présentait des cycles menstruels irréguliers, elle a recommencé à prendre de la cabergoline (0,25 mg/semaine). Il est nécessaire de savoir que les personnes présentant une rémission de longue durée doivent toujours être suivies sur le long terme, dans la mesure où une méta-analyse récente a retrouvé un taux de récidive à long terme de 65 %. L’une des études prises en compte faisait état d’un risque de récidive de 18 % par mm de masse tumorale résiduelle (soit un risque théorique de 72 % pour la patiente de cette étude).
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