Article paru dans le n° 129 des Dossiers de l'allaitement, décembre 2017.
D'après : Lactation induction in a commissioned mother by surrogacy : effects on prolactin levels, milk secretion and mother satisfaction. Zingler E et al. Rev Bras Ginecol Obstet 2017 ; 39 : 86-9.
La grossesse par mère porteuse est une stratégie de reproduction permettant à une femme d’avoir un enfant lorsqu’une grossesse est contre-indiquée ou impossible. Dans la mesure où la femme qui deviendra la mère de l’enfant n’a pas été enceinte et n’a pas accouché, elle n’a pas été exposée aux variations hormonales qui préparent les seins à la lactation et déclenchent la production lactée. Toutefois, l’allaitement semble possible chez ces femmes. Des auteurs ont publié des protocoles hormonaux destinés à simuler la grossesse, suivis d’une stimulation régulière des seins pour déclencher la production lactée. Les auteurs présentent un cas d’induction d’une lactation par la mère adoptive dans le contexte d’une grossesse par mère porteuse.
Cette Brésilienne de 39 ans, qui avait eu un enfant, avait subi une hystérectomie en raison d’une atonie utérine. Elle s’est présentée à la consultation des auteurs car elle attendait un enfant suite à une grossesse par mère porteuse enceinte de 28 semaines. Elle avait allaité son premier enfant, et elle souhaitait vivement allaiter l’enfant qu’elle allait adopter. Après discussion avec la mère, un protocole d’induction de la lactation a été mis en place, ainsi qu’un suivi biologique de son impact. Un échantillon de sang a été prélevé pour mesure du taux basal de prolactine, et des diverses hormones hypophysaires. La mère a ensuite commencé à prendre du métoclopramide à la dose de 10 mg 3 fois par jour, pendant 10 jours. En raison des effets secondaires, le métoclopramide a été remplacé par de la dompéridone à la même posologie, prise également pendant 10 jours (Ndlr : la dompéridone a un effet galactogène rapporté mais n'a pas d'AMM en France pour cette indication). Après au total 20 jours de prise d’un galactogène, ce traitement a été arrêté, et la mère a commencé à stimuler ses seins pendant 15 minutes pour chaque sein toutes les 4 heures sauf lorsqu’elle dormait. Elle a poursuivi les séances d’expression jusqu’à la naissance du bébé, soit pendant 39 jours. Dès la naissance, elle a mis le bébé au sein à la demande, celui-ci recevant également une formule lactée commerciale en supplément. D’autres échantillons de sang ont été collectés 10, 22, 39, 57 et 78 jours après le premier jour de prise du métoclopramide pour recherche du taux de prolactine. Ce dernier est resté stable pendant toute la durée du suivi, et la production lactée maternelle est restée très basse. Toutefois, cette femme a continué à mettre son bébé au sein pendant 4 semaines et a dit être très reconnaissante et satisfaite d’avoir pu allaiter.
Dans cette étude, ni la prise de 2 médicaments galactogènes, ni la stimulation régulière des seins avec un tire-lait, ni les mises au sein à la demande n’ont induit d’augmentation de la prolactinémie. La satisfaction évidente de la mère amène à réfléchir sur la perception que peut avoir une femme de la réussite de l’allaitement, en particulier si le bébé a été porté par une autre femme. Si le critère de réussite est l’obtention d’une production lactée abondante, l’induction de la lactation est un échec dans le cas décrit ici. Mais, si la production lactée est secondaire et que la mère privilégie le lien émotionnel créé par les mises au sein, l’allaitement pourra être gratifiant même si la mère n’a pas ou peu de lait. Lorsqu’une mère souhaite allaiter un enfant adopté, il sera donc capital de discuter avec la mère de ses attentes.
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