Publié dans le n° 134 des Dossiers de l'allaitement, mai 2018.
D'après : Induction of lactation in the biological mother after gestational surrogacy of twins : a novel approach and review of literature. Farhadi R, Philip RK. Breastfeed Med 2017 ; 12(6) : 373-6.
La gestation pour autrui est le fait, pour une femme dite porteuse, de porter l’enfant d’une autre femme qui en sera la mère biologique. Dans la mesure où cette dernière n’a pas porté l’enfant, une production lactée n’est pas attendue chez elle. La préparation de la lactation débute pendant la grossesse. Or, on a constaté depuis longtemps que, dans certaines sociétés, des femmes allaitaient des enfants adoptés. De plus en plus de mères qui adoptent souhaitent allaiter, et un protocole utilisant une stimulation hormonale a même été mis au point. Des cas d’induction d’une lactation ont été décrits dans la littérature scientifique. L’induction d’une lactation demande des efforts, mais cela permettra à la mère et à son enfant d’avoir une relation spécifique qui renforcera le lien mère-enfant. Les auteurs présentent un cas de lactation induite chez la mère biologique de jumeaux prématurés mis au monde par une mère porteuse.
Des jumeaux nés à 32 semaines de gestation et pesant 1 740 et 1 850 g ont été admis dans le service de néonatalogie du CHU de Mazandaran (Iran). Ils avaient été conçus par FIV avec les ovules de la mère biologique, qui avait dû subir une hystérectomie suite à une rupture utérine pendant sa première grossesse trois ans plus tôt. Les embryons ont été implantés chez une mère porteuse qui n’avait aucun lien familial avec la mère biologique, et qui a débuté une grossesse gémellaire. À environ 12 semaines de cette grossesse, la mère biologique a commencé à envisager d’allaiter ses enfants, et aux alentours de 25 semaines, elle a commencé à stimuler ses seins. À 29 semaines, elle a commencé à prendre du métoclopramide (10 mg 3 fois par jour). À 32 semaines de gestation, une césarienne en urgence a été effectuée en raison d’une détresse fœtale et d’un début de travail. Les nourrissons ont été transférés en néonatalogie et placés pendant 3 jours sous ventilation en pression positive continue suite à une détresse respiratoire. Ils ont commencé à être alimentés avec un lait industriel spécial pour prématurés.
Au moment de la naissance, la mère biologique sécrétait un peu de colostrum. Elle a commencé à tirer son lait à l’aide d’un tire-lait électrique hospitalier à double pompage, toutes les 4 à 6 heures pendant 15 minutes, puis elle a augmenté cette fréquence jusqu’à 15 minutes toutes les 3 heures. 10 jours après la naissance, elle produisait environ la moitié du lait nécessaire à l’alimentation des jumeaux, soit environ 150 ml/kg/jour par enfant (300 ml environ par jour). Les bébés ont alors reçu en alternance du lait maternel exprimé et du lait industriel, ce dernier étant donné pendant que les enfants étaient mis au sein, à l’aide d’une sonde placée sur le sein, afin de maximiser la stimulation mammaire et augmenter la production lactée. À J3, le portage kangourou a été débuté, pendant 4 heures par jour pour chaque enfant au départ, avec augmentation jusqu’à 8 heures par jour et par enfant. La mère était activement soutenue par son mari, sa famille et une consultante en lactation. Les enfants sont sortis de néonatalogie à J20 en étant allaités. À 2 mois, la mère poursuivait l’allaitement en complétant avec un lait industriel en raison d’une production lactée insuffisante pour couvrir les besoins des deux bébés.
L’essentiel de nos connaissances sur l’induction d’une lactation chez une femme qui n’a pas accouché sont anecdotiques et proviennent de rapport de cas ou de témoignages. Par rapport à l’adoption, la gestation pour autrui permet à la mère biologique d’avoir davantage de temps pour se préparer à allaiter, et elle pourra alors débuter les mises au sein rapidement après la naissance. Un point intéressant dans le cas présenté ici est que cette femme avait déjà été enceinte et que son enfant était mort-né en raison de la rupture utérine. On sait qu’une femme peut avoir une montée de lait après une fausse couche, et des études ont constaté l’existence d’une sorte de mémoire cellulaire, qui induit une réponse plus rapide et plus importante de la glande mammaire après une première grossesse. Il est possible que cela ait favorisé l’induction de la lactation chez cette femme. La prise de médicaments à visée galactogène constitue une aide, mais il semble que la stimulation mammaire régulière soit le facteur physiologique le plus important pour induire la lactation. Penser régulièrement au bébé à venir, se visualiser en train de l’allaiter pendant la stimulation mammaire, pourra également être utile
Les mères qui souhaitent induire une lactation auront besoin de soutien de la part de leur famille et des professionnels de santé, dans la mesure où ce n’est pas facile. Ce cas confirme que c’est toutefois possible, même si on ne peut actuellement recommander de le suggérer en routine à toutes les femmes qui deviennent mère suite à une gestation pour autrui.
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