Article paru dans le n° 135 des Dossiers de l'allaitement, mai 2018.
D'après : Using 24-hour weight as reference for weight loss calculation reduces supplementation and promotes exclusive breastfeeding in infants born by cesarean section. Deng X, McLaren M. Breastfeed Med 2018 ; 13(2) : 128-34.
Les services de maternité souhaitant obtenir le label Hôpital Ami des Bébés doivent veiller à limiter le pourcentage d’enfants recevant des suppléments de lait industriel ; dans l’idéal, ces suppléments devraient être donnés uniquement sur indication médicale, dans la mesure où ils peuvent avoir un impact négatif sur le démarrage de l’allaitement. Une raison médicale possible est une perte de poids importante, faisant courir à l’enfant un risque de déshydratation. Toutefois, des études ont constaté que la transfusion d’un volume important de liquide à la mère pendant l’accouchement augmentait artificiellement le poids du nourrisson, qui éliminera nettement plus de liquide pendant les premières 24 heures post-partum. Le service de maternité américain où travaillent les auteurs a le label Hôpital Ami des Bébés depuis 2000 et, depuis 2014, il a été décidé de prendre le poids à 24 heures comme point de départ pour calculer la perte de poids néonatale lorsque la mère a été perfusée pendant le travail. Ils présentent les résultats de ce protocole dans cet article.
Ils ont analysé rétrospectivement les dossiers des enfants nés par césarienne que la mère souhaitait allaiter, un an avant et un an après la mise en œuvre de ce nouveau protocole, les enfants nés sur une période de 2 mois après la mise en œuvre du nouveau protocole n’ayant pas été retenus. Ils ont retenu les singletons nés à terme, avec un poids normal pour leur âge gestationnel, qui avaient un Apgar ≥ 8 à 5 minutes, qui n’avaient pas été transférés, n’avaient pas reçu de suppléments pendant les premières 24 heures, et pour qui les données nécessaires ont pu être réunies. Les enfants retenus ont été répartis en un groupe pré-intervention (n = 404, groupe témoin), et un groupe intervention (n = 263). Les auteurs ont pris en compte la perte de poids néonatale, la durée du séjour, et la survenue d’une hyperbilirubinémie. Ils ont également extrait les données démographiques, socioéconomiques, les diverses modalités de la césarienne, l’alimentation reçue par l’enfant et son suivi clinique. Les données ont été analysées suivant le test du khi carré, le test de Fisher et le test de Student.
Les deux groupes étaient similaires pour l’âge de la mère, son origine ethnique, son assurance maladie, son indice de masse corporelle, le sexe de l’enfant, son âge gestationnel, son Apgar, son poids de naissance, la fréquence des tétées et la fréquence des selles et des urines. 27,4 % des enfants du groupe intervention ont reçu des suppléments de lait industriel contre 43,6 % dans le groupe témoin. Chez les mères primipares, ces taux étaient respectivement de 31 et 51,9 %, tandis qu’ils étaient de 24,5 et 36,8 % chez les multipares. Le pourcentage d’enfants qui avaient perdu ≥ 8 % de leur poids de naissance est passé de 49,6 à 26,2 % après la mise en œuvre du nouveau protocole. La perte totale de poids était similaire dans les deux groupes. Aucun enfant n’a présenté de déshydratation. Le niveau du pic de bilirubine était similaire dans les deux groupes, ainsi que le pourcentage d’enfants ayant présenté une hyperbilirubinémie ≥ 15 mg/dl. Dans le groupe intervention, les enfants ont perdu en moyenne 5,3 % de leur poids de naissance pendant les premières 24 heures (1,2 à 11,5 %) ; la perte de poids était plus basse lorsque la mère avait reçu un volume plus faible de liquide en perfusion, et lorsque le bébé tétait et urinait moins souvent, mais également lorsque la césarienne avait été effectuée après le début du travail par rapport à une césarienne programmée (probablement en raison d’un volume plus bas de perfusion dans le premier cas).
Le principal point fort de cette étude est le nombre important d’enfants inclus, nés dans un service qui applique un protocole de prise en compte systématique du poids à 24 heures pour le suivi de la perte de poids néonatale après un accouchement par césarienne. Elle présente toutefois des limitations. Les enfants ont été suivis uniquement jusqu’à la sortie de maternité. Toutefois, la perte globale de poids et le taux d’hyperbilirubinémie n’étaient pas modifiés par l’intervention. D’autres facteurs que l’intervention ont pu être à l’origine de la baisse du taux de supplémentation dans ce service qui a le label Hôpital Ami des Bébés (meilleure information des soignants et /ou des mères…). Elle a porté uniquement sur les mères ayant accouché par césarienne, alors que les mères qui accouchent par voie basse sous péridurale reçoivent également des perfusions ; l’application du même protocole chez ces mères mériterait d’être étudiée. Elle a été menée uniquement sur des enfants nés à terme, et il pourrait être dangereux d’appliquer ce protocole chez des prématurés légers. Elle confirme toutefois l’intérêt de partir du poids à 24 heures pour évaluer la perte de poids néonatale après un accouchement par césarienne, ce qui limite la prévalence du don de suppléments à ces enfants sans avoir d’impact négatif mesurable. D’autres études sont nécessaires pour mieux comprendre les relations entre les pratiques pendant l’accouchement et la perte de poids néonatale.
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