Paru dans le n° 138 des Dossiers de l'allaitement, septembre 2018.
D'après : Do breastfed infants need extra iron ? Milligan Newmark L. Splash Milk Science Update, January 2018 : 6-9.
Le bébé humain dispose normalement, à la naissance, d’un important stock de fer acquis pendant le dernier trimestre de la grossesse.
Le lait humain contient peu de fer, mais il est présent sous une forme hautement assimilable. Toutefois, la nécessité de donner des suppléments de fer aux bébés exclusivement allaités fait l’objet de débats chez les spécialistes depuis des décennies, ainsi que l’âge auquel débuter cette supplémentation, par exemple sous forme d’aliments de sevrage enrichis en fer.
Cependant, un taux trop élevé de fer n’est pas exempt de risques, et il est donc nécessaire de déterminer le rapport risques/bénéfices d’une supplémentation en fer, en particulier dans les populations dont les apports en fer sont habituellement suffisants.
Le lait humain est l’étalon-or pour la nutrition du bébé humain, mais, à partir d’un certain âge, il ne sera plus suffisant pour couvrir tous les besoins du bébé, et ce dernier devra commencer à recevoir d’autres aliments. L’âge à partir duquel l’allaitement exclusif devient insuffisant est largement déterminé à partir d’un micronutriment spécifique : le fer. Le lait humain contient 0,3 à 0,4 mg/l de fer, ce qui est très peu. Toutefois, les réserves hépatiques en fer du nourrisson, alliées à la biodisponibilité élevée du fer présent dans le lait humain, couvrent les besoins du bébé exclusivement allaité pendant environ les 6 premiers mois. Certains spécialistes estiment que des aliments enrichis en fer devraient cependant être introduits dès 4 mois. Certes, enrichir l’alimentation en fer semble une solution très simple pour éviter les carences, mais davantage n’est pas obligatoirement synonyme de mieux.
La carence en fer est la carence la plus fréquente à l’échelle mondiale, et sa prévalence est plus élevée chez les femmes en âge de procréer (en raison des pertes liées aux menstruations et aux grossesses) et chez les jeunes enfants (en raison de leur croissance rapide). Le fer est un minéral très courant sur notre planète, et on peut donc se demander pourquoi la carence en fer est aussi courante. En fait ce minéral est très difficile à absorber par notre organisme, et on estime que nous pouvons assimiler seulement 5 à 35 % du fer présent dans notre alimentation en fonction de sa présentation. Le fer héminique présent dans les tissus animaux est significativement mieux absorbé que le fer non héminique présent dans les plantes. De plus, certains aliments inhibent l’absorption du fer, tels le calcium.
Le fer du lait humain est fixé sur des protéines qui en facilitent l’assimilation, et jusqu’à 50 % de ce fer est absorbé par le bébé allaité.
Le fer joue divers rôles dans notre organisme, mais le plus important et le plus connu est le transport de l’oxygène, qui se fixe au niveau du fer présent dans l’hémoglobine de nos globules rouges. L’hémoglobine est une grosse protéine composée de 4 chaînes polypeptidiques, chacune comportant une molécule d’hème qui contient un atome de fer sur laquelle l’oxygène viendra se fixer. En conséquence, l’oxygénation de toutes nos cellules dépend de la présence de fer dans notre hémoglobine. L’essentiel du fer présent dans notre organisme se trouve dans nos globules rouges, et ce fer héminique sera préservé aussi longtemps que possible, si nécessaire au détriment des autres rôles du fer. Il est donc possible de souffrir de carence en fer sans avoir d’anémie, cette dernière débutant lorsque la carence en fer devient importante. Chez l’enfant en plein développement, l’anémie s’accompagnera d’un mauvais développement neurocognitif, d’un déficit au niveau des capacités motrices, et même d’un mauvais développement émotionnel et social.
Mais si la carence en fer a un impact négatif, c’est également le cas de l’excès de fer. S’il est très peu absorbé par notre organisme, il est également très peu éliminé en raison de stratégies très efficaces de récupération du fer lors de la destruction des globules rouges, et même un excès modeste peut interférer avec divers processus physiologiques, par exemple en inhibant l’assimilation d’autres minéraux (cuivre, zinc), en augmentant le niveau de stress oxydatif, et en abaissant la croissance infantile. L’excès de fer augmente également la fréquence et la sévérité des infections, intestinales en particulier. Chez les adultes, l’absorption de fer est régulée au niveau intestinal. Chez les adultes qui ont suffisamment de fer, l’absorption de ce dernier sera abaissée en conséquence. Toutefois, le mécanisme de régulation de cette absorption n’est pas totalement fonctionnel chez les bébés ; il est plus efficace pour augmenter l’absorption en cas de carence que pour l’abaisser en cas d’excès. Globalement, les données dont nous disposons actuellement ne permettent pas de savoir dans quelle mesure le don de suppléments de fer avant 6 mois chez les enfants exclusivement allaités est bénéfique, nuisible, ou n’a aucun impact, les études sur le sujet donnant des résultats contradictoires. Une explication possible est que les enfants exclusivement allaités ne constituent pas un groupe homogène. En particulier, les prématurés, les multiples, les enfants dont la mère souffrait d’anémie pendant la grossesse, ont un risque significativement plus élevé de carence en fer et tireront avantage d’une supplémentation en fer avant 6 mois. Mais recommander en routine une telle supplémentation chez tous les enfants induira chez certains d’entre eux des apports excessifs en fer.
On peut également se demander pourquoi le lait humain contient aussi peu de fer, et dans quelle mesure ce faible taux de fer est réellement un problème nécessitant une intervention. Quinn estime que cela pourrait présenter un avantage pour les enfants au moment du début du sevrage. Leur système immun-taire est encore immature, et le sevrage va les exposer à divers allergènes alimentaires, ainsi qu’à des germes et parasites potentiellement pathogènes. Or, le fer est important pour la croissance bactérienne. Si le bébé présente une carence modérée en fer au moment de l’introduction des solides, peu de fer sera disponible pour la croissance des bactéries pathogènes, et cela abaissera le risque d’infections chez les enfants. La stimulation de la croissance de bactéries pathogènes au niveau intestinal en raison de la prise de suppléments de fer pourra modifier le microbiome infantile avec un impact à long terme sur son équilibre, et sur l’action de ce microbiome sur la fonction immunitaire et la régulation du métabolisme. De ce point de vue, il est possible de supposer que certaines des pathologies attribuées à l’alimentation avec un lait industriel pourraient en fait être en partie liées au taux de fer significativement plus élevé auquel sont exposés les bébés recevant ces laits. Les recommandations concernant la supplémentation en fer des enfants allaités devraient donc prendre en compte tous ces facteurs. Les bénéfices et les risques d’une telle supplémentation devraient être envisagés au cas par cas en fonction des caractéristiques de chaque enfant.
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Bonjour Amandine,
Ces quelques lignes apportent très peu d'informations sur votre enfant. Vous écrivez qu’elle est anémiée, est-ce que cela a été confirmé par une prise de sang ? Vous dites qu'elle est allaitée la nuit, et le jour tète-t-elle ? Que mange-t-elle en plus du lait maternel ? Ne consomme-t-elle réellement que des yaourts comme alimentation solide ?
Ce ne sont pas des yaourts à base de lait de vache qui vont aider à régler son anémie. En effet, elle a besoin de viande, d'œufs, de poisson, de protéines animales pour avoir du fer hémique c’est-à-dire du fer qui vient du sang. Ce fer est mieux assimilé quand dans le même repas on donne un petit peu de vitamine C donc vous pourriez donner un petit peu de jus d’orange, un petit quartier de clémentine dont vous auriez enlevé la peau.
Logiquement quand un enfant est anémié, son instinct le pousse vers ce dont il a besoin, aussi pourriez-vous lui mettre à disposition sur sa petite tablette de sa chaise haute des petits morceaux de ce qui contient le plus de fer hémique c'est à dire du boudin rouge ou du foie et voir si elle accepterait de les manger toute seule. C'est ce qu'on appelle la DME pour diversification menée par l'enfant cf notre site. Elle pourrait manger autant de viande que son instinct le demande et par la suite, quand elle aura refait ses réserves, elle ralentira sa consommation.
Vous pouvez aussi faire la pré mastication c'est à dire vous-même mastiquer du foie, peut être de préférence du foie de veau ou du foie bio, ou du boudin noir ou de la viande et une fois que vous avez une espèce de bouillie dans la bouche, la mettre dans une cuillère et la lui donner. De très nombreuses mères, dans de très nombreuses cultures pratiquent ainsi ce qui permet à l'enfant de manger une alimentation très variée, qui est déjà presque prédigérées par les enzymes de la salive maternelle. La seule limite a cette pratique concerne peut être les mamans qui ont énormément de caries dentaires. Sinon c’est très pratique car l’enfant peut recevoir de tout sans moulinette et autre robot à nettoyer.
Si vraiment il n'y a que les yaourts qui l'intéressent et que vous n'arrivez pas à lui proposer autre chose comme aliment solide, peut être voir avec votre médecin pour rencontrer une orthophoniste spécialisée dans ce qu'on appelle les troubles de l'oralité parce qu’à 11 mois la plupart des petits enfants à qui on a donné autre chose que de la nourriture industrielle pour bébé mangent quasiment comme leurs parents
Bébé de 11 mois allaité la nuit. A la demande.est anemié. Elle ne veut manger que des yaourt. Comment faire pour qu'elle accepte de manger de la viande. Car le lait ne lui suffit plus. Elle grandit et a besoin de plus d'apport. Merci
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