Publié dans le n° 139 des Dossiers de l'allaitement, octobre 20148.
D'après : Case report : induced lactation in a transgender woman. Reisman T, Goldsein Z. Transgend Health 2018 ; 3(1) : 24-6.
Cette femme transgenre de 30 ans s’est présentée en consultation d’endocrinologie car elle souhaitait un soutien pour l’allaitement. Sa compagne était enceinte mais ne souhaitait pas allaiter, et elle espérait pouvoir le faire à sa place. Elle avait débuté un traitement hormonal féminisant en 2011, et au moment de la consultation, elle prenait par voie orale de la spironolactone (50 mg deux fois par jour), de l’œstradiol (2 mg 2 fois par jour) et de la progestérone micronisée (100 mg deux fois par jour). Elle prenait épisodiquement du clonazépam pour des crises de panique, et du zolpidem pour des troubles du sommeil. Elle avait des antécédents de cholécystectomie, mais n’avait subi ni augmentation mammaire, ni orchidectomie, ni vaginoplastie. Elle ne fumait pas et n’avait pas d’antécédents de thrombose ou d’embolie.
À l’examen, ses seins étaient au stade V de Tanner. Le bilan sanguin a retrouvé un taux d’œstradiol de 1,19 µg/ml, un taux de progestérone de 8,70 µg/l, un taux de prolactine de 9,4 µg/l et un taux de testostérone de 2,56 µg/l.
Un protocole hormonal d’induction de la lactation a été débuté : augmentation de la posologie d’œstradiol (8 mg deux fois par jour) et de progestérone (200 mg deux fois par jour) afin de simuler ces taux pendant la grossesse, introduction d’un galactogène pour augmenter le taux de prolactine (dompéridone 10 mg quatre fois par jour), stimulation des seins avec un tire-lait, puis baisse du taux sérique d’œstradiol et de progestérone pour simuler l’accouchement.
Un mois après le démarrage de ce protocole, la patiente obtenait quelques gouttes de lait. Pendant le deuxième mois, la posologie de dompéridone a été augmentée à 20 mg quatre fois par jour, la progestérone à 400 mg deux fois par jour, et l’œstradiol à 12 mg deux fois par jour. Elle tirait son lait six fois par jour.
Trois mois après le début du traitement, et 15 jours avant la date du terme chez sa compagne, la posologie d’œstradiol a été abaissée à 0,025 mg par jour sous forme de patch cutané, et le taux de progestérone a été abaissé à 100 mg/jour.
Le bébé est né à terme, et la patiente a immédiatement commencé à l’allaiter. Elle a allaité exclusivement pendant 6 semaines, puis a introduit un lait industriel (110 à 220 ml/jour), car elle craignait de ne pas avoir assez de lait. À presque 6 mois, le bébé se portait bien, sa croissance était normale, et il était toujours partiellement allaité. La mère prenait toujours le traitement décrit plus haut.
C’est le premier cas de lactation induite chez une femme transgenre publié dans la littérature médicale. L’allaitement présente de nombreux bénéfices pour l’enfant et la mère, et il favorise un lien mère-enfant étroit, raison pour laquelle de plus en plus de mères qui adoptent souhaitent allaiter. La principale caractéristique de l’induction d’une lactation chez une femme transgenre par rapport à une femme biologique est la nécessité de la prise d’un anti-androgène. Cette patiente prenait de la spironolactone, et a poursuivi ce traitement pendant l’allaitement (son excrétion lactée représente environ 0,2 % de la posologie maternelle, ce qui est infime, et elle est considérée comme compatible avec l’allaitement). Elle a suivi un protocole hormonal destiné à imiter le climat hormonal de la grossesse, puis l’accouchement, et a pris de la dompéridone, qui augmente la sécrétion de prolactine. Elle a également stimulé régulièrement ses seins. Il est toutefois impossible de savoir quel rôle ont joué ces divers produits dans la réussite de l’induction de la lactation, ou même s’ils étaient réellement nécessaires, et d’autres études sont nécessaires sur le sujet afin de déterminer les modalités optimales de l’induction d’une lactation chez les femmes transgenres.
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