Publié dans le n° 144 des Dossiers de l'allaitement, mars 2019.
D'après : Role of exclusive breastfeeding in conferring protection in children at-risk for autism spectrum disorder : results from a sibling case-control study. Manohar H et al. J Neurosci Rural Pract 2018 ; 9(1) : 132-6.
Les facteurs génétiques à l’origine des troubles du spectre autistique (TSA) font l’objet de nombreuses études. L’augmentation importante de ces troubles depuis plusieurs décennies rend particulièrement important de mieux comprendre l’étiologie des TSA. On s’intéresse également beaucoup à l’axe neuro-intestinal, et aux relations entre le microbiome intestinal et les troubles neurologiques. L’alimentation en début de vie joue un rôle majeur dans ce microbiome intestinal, le lait maternel induisant l’installation et le maintien d’une flore présentant des caractéristiques spécifiques, avec un impact à long terme. Le but de cette étude était d’évaluer les pratiques d’alimentation en début de vie chez des enfants présentant un TSA et chez leurs frères et sœurs.
Cette étude cas-témoin a été menée auprès d’enfants vus par la consultation pédiatrique d’un CHU d’Inde entre mai 2015 et juin 2016, qui étaient âgés de 2 à 6 ans, et chez qui un TSA a été diagnostiqué selon les définitions du DSM (groupe cas), à partir du moment où ils avaient un frère ou une sœur de < 6 ans ne présentant pas de TSA et pouvant être inclus dans le groupe témoin. La sévérité de l’autisme a été évaluée à l’aide de l’échelle CARS. Les mères des enfants ont été interrogées de façon détaillée sur l’alimentation des 2 enfants inclus depuis la naissance, à l’aide d’un questionnaire semi-structuré. Étant donné l’impact possible de l’autisme sur l’alimentation de l’enfant, on a également demandé aux mères de décrire les difficultés éventuellement rencontrées dans l’allaitement de leurs enfants. Les mères ont aussi fourni des données démographiques, socioéconomiques et cliniques.
Les données ont été collectées pour 30 enfants souffrant d’autisme et leurs 30 frères ou sœurs. Au moment de l’entrée dans l’étude, les enfants du groupe cas avaient en moyenne 49,6 mois, contre 51,8 mois pour le groupe témoin. Le pourcentage de garçons et de filles était similaire dans les 2 groupes. Toutefois, les enfants du groupe cas étaient significativement plus souvent le premier né de la famille. Les mères avaient en moyenne 11,5 années de scolarité. 23 avaient une activité professionnelle et 7 étaient mères au foyer. Le score moyen à l’échelle CARS était de 35,86 (sur une échelle allant de 15 à 60, l’autisme étant d’autant plus sévère que le score est élevé). L’alimentation pendant les 6 premiers mois avait un impact significatif marqué sur le risque d’autisme. 76,7 % des enfants du groupe témoin ont été exclusivement allaités jusqu’à 6 mois, contre 43,3 % des enfants du groupe cas. 56,7 % de ces derniers ont commencé à recevoir précocement des solides. Après correction pour les autres variables, le risque d’autisme était environ 6 fois plus élevé chez les enfants qui n’avaient pas été exclusivement allaités jusqu’à 6 mois et chez ceux qui avaient commencé à recevoir rapidement des solides. En revanche, les modalités de l’alimentation pendant les 6 premiers mois n’avaient pas d’impact sur la sévérité de l’autisme. Des difficultés d’alimentation susceptibles d’avoir contribué à la survenue de problèmes d’allaitement ont été rapportées chez 4 enfants du groupe cas, et des facteurs maternels tels que l’impression de ne pas avoir assez de lait ou la reprise du travail ont contribué à l’introduction précoce des solides chez 5 enfants. Par ailleurs, on ne peut pas exclure la possibilité de différences non prises en compte entre les 2 enfants sur le plan de facteurs environnementaux.
Cette étude vient confirmer ce qui a été rapporté par d’autres études sur le sujet. Le principal point fort de cette étude est l’inclusion d’un autre enfant de la fratrie présentant des caractéristiques génétiques proches pour constituer le groupe témoin, ce qui limite également le risque de divers biais environnementaux. Elle présente toutefois des points faibles : petit nombre d’enfants, possibilité d’erreurs dans les souvenirs de la mère (risque réduit par la limite d’âge posée pour les enfants inclus). Actuellement, diverses approches alimentaires sont proposées pour la gestion des enfants souffrant de TSA (suppression du gluten et/ou des produits laitiers…). On étudie également le rôle des probiotiques et des antibiotiques. Même s’il reste impossible d’affirmer avec certitude que l’allaitement abaisse le risque d’autisme, un tel impact est physiologiquement possible, ne serait-ce qu’en raison de l’impact de l’allaitement sur le microbiome intestinal, et du rôle de ce dernier dans la survenue de troubles neurologiques. Encourager des pratiques optimales d’allaitement, incluant la promotion de l’allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois, pourrait, outre les nombreux avantages pour la santé et le développement infantiles, protéger les enfants vulnérables vis-à-vis du risque d’autisme.
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