Publié dans les Dossiers de l'allaitement n° 146, mai 2019
D'après : Breast milk macronutrient components in prolonged lactation. Czosnykowska-Lukacka M et al. Nutrients 2018 ; 10 : 1893.
Le lait humain constitue l’étalon-or pour l’alimentation du petit humain. Il apporte des nutriments spécifiquement adaptés à sa croissance, de nombreux facteurs immunocompétents qui participent à sa défense vis-à-vis de nombreux pathogènes ainsi qu’à la maturation de son système immunitaire. Le lait humain contient une flore contribuant au maintien d’un microbiote infantile de bonne qualité, de nombreuses cellules dont des cellules souches. La lactation est un processus dynamique, et le volume et la composition du lait varieront en fonction du stade de la lactation, de l’âge gestationnel à la naissance, de l’alimentation maternelle pour certains composants (lipides en particulier), de l’heure de la journée… Les études sur la composition du lait ont essentiellement été menées pendant les 6 premiers mois d’allaitement, et il existe très peu de données sur cette composition chez des mères qui allaitent toujours à 1 ou 2 ans et plus. Le but de cette étude polonaise était d’évaluer le taux lacté de macronutriments chez des femmes qui allaitaient toujours à 12, 18 et ≥ 24 mois.
Elle a été menée auprès de 137 mères. Elles sont venues en consultation entre 8 et 12 h, et ont exprimé tout le lait provenant d’un sein à l’aide d’un tire-lait électrique automatique. Des échantillons de 2 à 3 ml de lait ont été prélevés sur le volume obtenu, après homogénéisation du lait. Ces échantillons ont été divisés en 4 lots en fonction de la période de lactation : L1 (26 échantillons collectés à < 12 mois), L2 (35 échantillons collectés entre 12 et 18 mois), L3 (41 échantillons collectés entre 16 et 24 mois) et L4 (35 échantillons collectés à > 24 mois post-partum). Le taux des macronutriments a été recherché à l’aide d’un analyseur en proche infrarouge (MIRIS®), qui donne le taux de protéines, de glucides, de lipides et de calories. Les mères ont par ailleurs répondu à un questionnaire pour collecte de données démographiques et socioéconomiques, ainsi que sur leur état de santé, leur accouchement et leur alimentation. Les données ont été analysées suivant le test de Mann-Whitney, le test de Kruskal-Wallis, la corrélation de Spearman ainsi que par analyse de variance.
11,5 % des femmes avaient ≥ 35 ans. Toutes étaient d’origine caucasienne. 85 % avaient un niveau universitaire. 77 % étaient primipares. 88,5 % avaient accouché à ≥ 37 semaines (les autres mères ayant accouché entre 34 et 37 semaines), et tous les enfants avaient un poids normal pour leur âge gestationnel. 65,5 % n’avaient pris aucun médicament pendant leur grossesse. 19,2 % suivaient un régime d’éviction des produits laitiers, et aucune autre femme ne suivait de régime alimentaire spécifique. Les enfants avaient 1 à 48 mois au moment de l’étude. Le lait maternel était le seul lait reçu par tous les enfants.
Le taux lacté de glucides restait stable entre 1 et 18 mois (70,9 ± 4,3 g/l pour le groupe 1-12 mois et 70,3 ± 5,6 g/l pour le groupe 12-18 mois), il baissait significativement dans le groupe 18-24 mois (65,6 ± 9,3 g/l) et restait globalement stable après 24 mois (62,9 ± 9,9 g/l).
Le taux de protéines était globalement stable jusqu’à 18 mois (10,4 ± 3,8 g/l) et il augmentait ensuite pour atteindre 18,5 ± 8,7 g/l après 24 mois.
Le taux de lipides augmentait pour passer de 34,6 ± 8,7 g/l entre 1 et 12 mois à 49,1 ± 20,4 g/l entre 12 et 18 mois, 57,7 ± 22,8 g/l entre 18 et 24 mois et 79,5 ± 24,8 g/l après 24 mois.
L’apport énergétique passait de 657,6 ± 79,2 kcal/l avant 12 mois à 783,4 ± 217,2 kcal/l entre 12 et 18 mois, 857,8 ± 200,7 kcal/l entre 18 et 24 mois et 1 065 ± 234,6 kcal/l après 24 mois.
Il était par ailleurs intéressant de constater que, s’il existait une corrélation significative entre le moment de la lactation et le taux des divers macronutriments et l’apport énergétique pendant les premiers 24 mois, cette corrélation était beaucoup moins nette après 24 mois, tandis que les taux des divers macronutriments étaient intercorrélés entre 1 et 48 mois. Par ailleurs, la fréquence des tétées (1 à 10 par jour) entre 18 et 24 mois était inversement corrélée au taux de glucides, tandis qu’elle était inversement corrélée au taux de tous les macronutriments chez les mères allaitant un enfant de > 24 mois. La parité avait également un impact. Le taux lacté de protéines était plus bas et le taux de glucides était plus élevé chez les primipares par rapport aux secondipares.
L’augmentation du taux de protéines, de lipides et de calories avec le temps, en particulier chez les femmes qui allaitaient un enfant de ≥ 2 ans, est probablement une adaptation aux besoins croissants de l’enfant et à la baisse du volume de lait maternel consommé, les lipides devenant une source de plus en plus importante de calories avec le temps. Cette étude montre que, même après 2 ans, le lait maternel continue à constituer une source significative de macronutriments et d’énergie. Une des limitations de cette étude est qu’aucune donnée n’a été collectée sur le volume de lait maternel consommé par l’enfant. Des études anthropologiques estiment qu’une durée d’allaitement de 2,5 à 7 ans peut être considérée comme la norme pour l’espèce humaine, et les taux de macronutriments constatés par cette étude chez les mères allaitant pendant ≥ 24 mois sont en faveur d’un allaitement long, le lait maternel permettant d’optimiser les apports nutritionnels des jeunes enfants. De plus, certains des bénéfices de l’allaitement pour la santé infantile et maternelle sont dose-dépendants.
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