Publié dans le n° 153 des Dossiers de l'allaitement, décembre 2019
D'après : Breastfeeding factors and risk of epithelial ovarian cancer. Modugno F et al. Gynecol Oncol 2019 ; 153(1) : 116-22.
Le cancer ovarien a globalement un taux de mortalité élevé. S’il est dépisté à un stade précoce, le taux de survie à 5 ans est supérieur à 90 %. Malheureusement, il est le plus souvent dépisté à un stade avancé, et le taux de survie à 5 ans est inférieur à 30 %. Il n’existe pas de test pour le dépister. Le cancer épithélial de l’ovaire (CEO) représente 90 % des cancers ovariens. Sa prévalence est abaissée par la prise d’une pilule contraceptive, et elle est inversement corrélée à la parité, probablement en raison de l’arrêt des cycles menstruels pendant la grossesse. L’allaitement induit une aménorrhée, et il est donc susceptible d’abaisser également le risque de CEO. Le but de cette étude américaine était d’évaluer les relations entre l’allaitement et le risque de CEO.
Les auteurs ont utilisé les données d’une étude cas-témoin sur les facteurs hormonaux corrélés aux cancers ovariens. Les femmes du groupe cas souffraient de divers types de cancer ovarien ou des trompes de Fallope. Elles avaient > 25 ans, vivaient dans la région desservie par le centre d’oncologie où travaillent les auteurs, et le diagnostic avait été fait dans les 9 mois précédant leur entrée dans l’étude. Parmi les 1 270 femmes éligibles, 902 ont accepté de participer à l’étude. Les femmes du groupe témoin ont été recherchées et randomisées parmi des femmes d’âge proche vivant dans la même région. Parmi les 2 501 femmes éligibles, 1 802 ont accepté de participer. Elles ont été interrogées de façon approfondie par des professionnels formés pour ce faire : données démographiques et socioéconomiques, antécédents médicaux et gynécologiques, âge à chaque grossesse, déroulement précis de chaque grossesse, durée de l’allaitement… On a pris en compte le nombre d’enfants allaités, la durée totale d’allaitement pour tous les enfants, la durée moyenne d’allaitement par enfant, la durée de l’allaitement du premier et du dernier enfant. Les données concernant le CEO ont été extraites de leurs dossiers médicaux. Les données ont été analysées suivant le test du khi carré et par régression logistique multiple. On a également analysé plus spécifiquement des sous-groupes (femmes dont le CEO était très agressif, femmes de > 50 ans…).
Les données nécessaires ont été collectées pour 689 femmes dans le groupe cas et 1 572 femmes dans le groupe témoin. Par rapport à celles du groupe témoin, les femmes du groupe cas étaient plus souvent d’origine africaine, avaient un niveau moyen de scolarité plus bas, elles avaient plus souvent des antécédents familiaux de cancer du sein ou de cancer ovarien, elles avaient eu moins d’enfants, et elles étaient moins nombreuses à avoir utilisé une contraception orale. 44 % d’entre elles avaient allaité contre 56,5 % des femmes du groupe témoin, respectivement 26,7 et 35,6 % avaient allaité tous leurs enfants, 37,7 et 48,7 % avaient allaité leur premier enfant, et 33,7 et 43,9 % avaient allaité leur dernier enfant. Par rapport aux femmes qui n’avaient jamais allaité, le risque de CEO était 1,56 fois plus bas chez celles qui avaient allaité certains de leurs enfants mais pas tous, et 1,72 fois plus bas chez celles qui avaient allaité tous leurs enfants. Par rapport aux femmes qui n’avaient jamais allaité, il était 1,47 fois plus bas chez celles qui avaient allaité pendant une durée totale de < 1 an, et deux fois plus bas chez celles qui avaient allaité pendant ≥ 1 an. Il était 1,47 fois plus bas chez les femmes qui avaient allaité chaque enfant pendant en moyenne ≤ 3 mois et 1,8 fois plus bas chez celles qui avaient allaité chaque enfant pendant en moyenne ≥ 4 mois. Un impact similaire était constaté pour l’allaitement du premier et du dernier enfant. Par ailleurs, le risque de CEO était plus bas de 37 % chez les femmes qui avaient allaité leur premier enfant alors qu’elles avaient < 25 ans (par rapport à celles qui avaient ≥ 30 ans), tandis que l’âge au moment de l’allaitement du dernier enfant n’avait pas d’impact significatif. L’impact de l’allaitement était le plus net lorsque le dernier allaitement datait de moins de 10 ans, mais il restait significatif même au bout de 30 ans. Cet impact de l’allaitement était similaire dans le sous-groupe de femmes de > 50 ans, le sous-groupe de CEO invasif et celui des femmes dont le cancer était d’un histotype associé à un mauvais pronostic.
Les points forts de cette étude sont le nombre important de femmes incluses, et le nombre très important de données collectées selon un protocole précis et par une personne spécialement formée. Elle présente toutefois des points faibles : étude cas-témoin, âge plus bas des femmes du groupe témoin (même si les données ont été corrigées pour ce biais), possibilité de souvenirs erronés chez les femmes concernant leurs allaitement (en particulier chez les plus âgées), possibilité de variables confondantes non prises en compte, absence de données sur la durée de l’aménorrhée lactationnelle et sur l’allaitement exclusif. Par ailleurs, 97 % des femmes du groupe témoin et 94 % de celles du groupe cas étaient d’origine caucasienne, et les résultats pourraient être différents chez des femmes d’autres origines ethniques. Cette étude confirme cependant ce qui avait été constaté par les quelques études menées sur le sujet, à savoir un impact protecteur de l’allaitement vis-à-vis du cancer épithélial de l’ovaire, visible dès 3 mois d’allaitement, augmentant avec la durée de l’allaitement, et toujours significatif 30 ans après la fin de l’allaitement.
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