Publié dans le n° 155 des Dossiers de l'allaitement, janvier 2020.
D'après : Lactation experience of mothers and feeding outcomes of infants with congenital diaphragmatic hernia. Spatz DL et al. Breast-feed Med 2019 ; 14(5) : 320-4.
La hernie diaphragmatique congénitale (HDC) est une malformation qui touche 1,5 à 5,7 enfants pour 10 000 naissances. Elle est associée au passage des viscères abdominaux dans la cage thoracique. Son taux de mortalité pendant la première année est de 46 % aux États-Unis. Elle est corrigée chirurgicalement. Les enfants ayant présenté une HDC ont un taux élevé de malnutrition après la chirurgie pour des raisons variées (hypoplasie pulmonaire, hypertension pulmonaire, reflux gastro-œsophagien, difficultés liées au sevrage de l’assistance respiratoire…). Le lait humain est particulièrement important chez ces enfants. Toutefois, certains professionnels de santé estiment qu’il n’est pas suffisant pour couvrir leurs besoins nutritionnels élevés, d’autant qu’ils peuvent par ailleurs nécessiter des restrictions de l’alimentation entérale en raison de troubles pulmonaires ou cardiaques. Le but de cette étude était d’explorer les pratiques d’allaitement et leur impact chez des mères et leurs enfants souffrant de HDC.
Cette étude rétrospective a été menée auprès d’enfants admis dans un service de néonatalogie spécialisé d’un CHU pédiatrique de Philadelphie (États-Unis), où sont admis des enfants chez qui une malformation a été dépistée pendant la grossesse. Les enfants admis pour une HDC y sont suivis par une équipe multidisciplinaire incluant des spécialistes de l’allaitement (dont 2 IBCLC). Ce CHU organise un programme de formation systématique sur l’allaitement pour tous les soignants (plus de 800 infirmières sont formées), il a un règlement portant spécifiquement sur l’allaitement et le soutien aux mères allaitantes, et les pratiques dans le domaine de l’allaitement y sont régulièrement évaluées dans le cadre de l’amélioration des soins. Les familles reçoivent, au moment du diagnostic de la malformation de leur enfant, de la documentation sur cette malformation et son traitement, incluant un DVD sur l’importance de l’expression du lait et sur la transition entre l’expression et l’allaitement directement au sein. Ce DVD se focalise sur l’importance du lait maternel dans le traitement de la pathologie de l’enfant, l’importance d’un démarrage rapide de l’expression du lait et d’une fréquence suffisante de cette expression, l’importance du peau à peau et la transition vers l’allaitement directement au sein. Toutes les familles peuvent également, si elles le souhaitent, bénéficier en période prénatale d’un entretien sur l’alimentation de leur enfant, à l’occasion de laquelle on leur fournira tout le matériel nécessaire pour commencer l’expression du lait dès la naissance (tire-lait, biberons, matériel de stérilisation de l’équipement, brochure d’information sur l’expression et la conservation du lait…). On recommande aux mères de commencer à tirer leur lait si possible dans l’heure qui suit la naissance, puis ≥ 8 fois par 24 heures. Lorsque la famille n’a pas été vue pendant la grossesse (diagnostic tardif, accouchement prématuré…), le don d’information, de soutien et de matériel prend place le plus rapidement possible après la naissance, l’objectif étant de permettre aux mères de ces enfants d’avoir une production lactée abondante afin de faciliter le passage à l’allaitement directement au sein.
Toutes les mères ayant accouché d’un enfant souffrant de HDC entre août 2012 et mars 2017 (n = 126) dans ce CHU étaient a priori éligibles. Parmi elles, 95 % ont commencé à allaiter. Le compte-rendu d’une consultation prénatale sur la nutrition infantile avait été rentré dans le dossier médical de 76 des 126 mères ; parmi elles, 66 avaient dit au départ souhaiter allaiter, les autres ne le souhaitaient pas ou n’avaient pas encore fait leur choix. Ces 76 mères ont toutes commencé à tirer leur lait après leur accouchement. Les enfants avaient en moyenne 2 jours au moment de leur transfert dans le service de néonatalogie, et ils y ont séjourné pendant en moyenne 69 jours (6 à 343 jours). La production lactée des mères au moment de la sortie du service était d’en moyenne 716,2 ml/jour chez les mères qui avaient dit souhaiter allaiter, et de 568,5 ml/jour chez celles qui, au départ, ne souhaitaient pas allaiter ou n’avaient pas encore fait leur choix. 79 % des enfants recevaient du lait maternel au moment de leur sortie de néonatalogie ; 55 % étaient nourris de lait maternel non enrichi, et 9 % étaient nourris uniquement de lait maternel de fin de tétée non enrichi.
Cette intervention de soutien actif à l’allaitement menée auprès des mères dont l’enfant souffrait de HDC s’est avérée très efficace pour permettre à ces mères de démarrer et de poursuivre l’allaitement, y compris chez des mères qui ne souhaitaient pas allaiter au départ ou qui n’avaient pas pris de décision. Cette étude montre qu’il est possible de nourrir ces enfants particulièrement vulnérables essentiellement avec du lait maternel pendant leur séjour en néonatalogie, toutes les mères incluses dans cette étude ayant obtenu une production lactée > 500 ml/jour au moment de la sortie de néonatalogie de leur enfant ; nombre d’entre elles ont donné du lait au lactarium de ce CHU. Cette étude montre également qu’il est possible de nourrir avec succès ces enfants essentiellement avec du lait maternel pendant leur séjour en néonatalogie, entre autres en raison d’un niveau élevé de formation à l’allaitement du personnel soignant. Ce dernier suivait activement la production lactée des mères, et les nourrissons recevaient en priorité le lait de fin de tétée (le reste du lait étant congelé pour être utilisé plus tard). D’autres études menées dans d’autres services spécialisés dans le traitement de ces enfants seraient utiles.
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