Publié dans le n° 155 des Dossiers de l'allaitement, février 2020.
D'après : Suspected severe acute food protein-induced enterocolitis syndrome caused by cow’s milk through breast milk. Vergara Perez I, Vila Sexto L. Ann Allergy Asthma Immunol 2018 ; 121(2) : 245-6.
Le syndrome d’entérocolite induite par des protéines alimentaires (SEIPA) est une réaction gastro-intestinale d’hypersensibilité alimentaire non IgE médiée qui se caractérise par la survenue chez l’enfant, 1 à 3 heures après l’ingestion de l’aliment en cause, de vomissements abondants souvent accompagnés de pâleur et de léthargie, qui peuvent induire une déshydratation, une hypotension et une acidose. Des formes chroniques de SEIPA peuvent parfois être rencontrées, se manifestant par des vomissements et/ou une diarrhée chroniques avec faible prise de poids. Cette forme est plus courante chez les enfants de moins de 4 mois nourris avec une formule lactée commerciale. On estime que l’allaitement a un impact protecteur vis-à-vis des SEIPA en raison entre autres de la présence d’IgA dans le lait maternel. Des molécules provenant de l’alimentation maternelle passent dans le lait en très faible quantité, et on estime généralement que leur taux est insuffisant pour induire une allergie chez l’enfant allaité, et que cette excrétion a plutôt pour objectif d’induire un phénomène de tolérance orale. Toutefois, des cas d’allergie aux protéines du lait de vache consommées par la mère ont été rapportés chez des enfants exclusivement allaités, et une étude australienne a fait état d’un taux de 5 % de réactions allergiques à des protéines alimentaires provenant de l’alimentation maternelle chez des nourrissons exclusivement allaités. Les auteurs décrivent un cas de SEIPA aigu sévère déclenché par les protéines du lait de vache chez un nourrisson exclusivement allaité.
Cet enfant avait 2 mois lorsqu’il a été admis en unité de soins intensifs pédiatriques en raison de vomissements, de pâleur, de tachycardie, de tachypnée et de léthargie. Sa pression sanguine était normale ainsi que sa température. Le bilan biologique a constaté une acidose métabolique (pH : 7,10, normale : 7,36 à 7,4 ; pCO2 : 47 mmol/l, normale : 23-27 mmol/l ; excès de base : -14, normale : -2 à +3 mEq/l ; taux élevé d’acide lactique : 7 mmol/l, normale : 0,55-1,7 mmol/l), un taux élevé de globules blancs avec neutrophilie et une thrombocytose. On a d’abord suspecté une infection et l’enfant a été mis sous antibiothérapie (ampicilline, céfotaxime et métronidazole) et réhydraté avec du sérum physiologique. Au bout de quelques heures, les constantes biologiques sont revenues à la normale et les signes cliniques ont disparu. La bactériologie des prélèvements de sang, de selles et de LCR était négative. Une anomalie congénitale du métabolisme a été éliminée. Le bilan neurologique était normal. L’échographie abdominale n’a montré aucun signe d’invagination, mais a constaté la présence de liquide intraluminal et d’un épaississement de la muqueuse intestinale, ce qui suggérait une entérocolite. La mère de l’enfant souffrait d’asthme et de maladie cœliaque, et elle était allergique aux acariens et aux fruits de mer. Elle avait une alimentation sans gluten et sans fruits de mer.
L’interrogatoire a constaté qu’environ une heure avant l’apparition des signes cliniques, la mère avait consommé un bol de céréales avec du lait, puis avait mis son enfant au sein. La mère a également rapporté qu’elle avait constaté que son bébé souffrait régulièrement de distension abdominale, et qu’il lui arrivait d’avoir des selles glaireuses. Il n’avait jamais reçu de formule lactée commerciale. Devant l’ensemble de ces faits, un SEIPA a été diagnostiqué, et on a recommandé à la mère d’éviter la consommation de produits à base de lait de vache. L’enfant a été mis sous hydrolysat poussé pendant 2 semaines, la mère reprenant ensuite l’allaitement, l’enfant étant toujours hospitalisé au cas où d’autres aliments que le lait de vache seraient impliqués, ce qui n’a pas été le cas. Au suivi le plus récent, l’enfant avait 6 mois, aucune récidive de SEIPA n’était survenue, il était toujours exclusivement allaité et sa croissance était bonne. Au vu de la sévérité de l’état de l’enfant au moment de son hospitalisation, aucun test de réintroduction des protéines du lait de vache n’a été tenté.
Les données sur la survenue d’un SEIPA chez un nourrisson exclusivement allaité restent rares, et certains estiment que sa présentation via le lait maternel sera le plus souvent chronique, ce qui rend le diagnostic plus long et difficile. Dans le cas présenté ici, le fait que l’enfant souffrait de problèmes intestinaux depuis plusieurs semaines de manière modérée était évocateur, ainsi que la disparition de tous les problèmes après suppression des produits à base de lait de vache de l’alimentation maternelle. La poursuite de l’allaitement a été conseillée en raison de ses bénéfices et de la forte motivation maternelle. L’éviction du soja n’a pas été recommandée à cette mère dans la mesure où le SEIPA induit par les protéines de soja est rare. Dans des pays tels que les États-Unis ou l’Australie, le riz est l’aliment le plus souvent en cause dans un SEIPA après les protéines du lait de vache, tandis que c’est le poisson en Espagne, le SEIPA se manifestant alors plus tardivement. Dans le cadre de l’introduction des solides chez cet enfant, on a conseillé à cette mère d’éviter les protéines du lait de vache, mais également les bananes, dans la mesure où cet enfant avait des selles glaireuses et des coliques lorsque sa mère en consommait. Si l’enfant est allaité et que la mère souhaite poursuivre l’allaitement, un régime d’éviction sera discuté avec elle au cas par cas. Lorsque l’enfant n’est pas ou n’est plus allaité, le don d’un hydrolysat poussé est recommandé, voire celui d’un mélange d’acides aminés, des études ayant constaté que 10 à 15 % des enfants ne toléraient pas l’hydrolysat poussé.
Voir aussi le protocole #24 de l'Academy of Breastfeeding Medicine, Proctocolite allergique chez le bébé exclusivement allaité, 2011.
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