Publié dans le n° 128 des Dossiers de l'allaitement, novembre 2017.
D'après : An adoptive mother who became a human milk donor. Flores-Antón B et al. J Hum Lact 2017 ; 33(2) : 419-21.
La mère qui adopte un bébé pourra souhaiter l’allaiter, mais induire une lactation en l’absence de grossesse n’est pas facile et, bien souvent, la mère n’arrivera pas à allaiter exclusivement. Cela n’empêchera pas la possibilité d’avoir une relation d’allaitement gratifiante et favorisant la création du lien mère-enfant. Peu de données ont été publiées dans la littérature médicale concernant l’induction d’une lactation par une mère adoptive. Les auteurs présentent le cas d’une telle mère, qui a donné du lait à un lactarium.
Cette mère espagnole de 37 ans avait fait une fausse couche à 22 semaines de gestation des années plus tôt, et n’avait pas réussi ensuite à redevenir enceinte. Elle avait eu une montée de lait après la fausse couche, et pendant toute l’année qui a suivi, elle obtenait quelques gouttes de lait lorsqu’elle comprimait ses mamelons. Le couple décide de lancer une procédure d’adoption. Trois ans plus tard, on leur a annoncé qu’ils devraient recevoir un enfant dans les 12 mois à venir. Des amis leur avaient parlé de la possibilité d’allaiter un bébé adopté. La mère s’est activement renseignée sur cette possibilité, a commencé à fréquenter un groupe de soutien aux mères, et a discuté avec une consultante en lactation. Six mois avant le moment prévu pour l’arrivée du bébé, elle a commencé à tirer son lait. Elle a combiné l’expression manuelle et l’expression avec un tire-lait hospitalier à double pompage (massage des seins, expression au tire-lait pendant 10 minutes, expression manuelle pendant 5 minutes à chaque sein, et à nouveau utilisation du tire-lait pendant 10 minutes). Elle a répété ces séances d’expression toutes les 90 à 120 minutes pendant la journée, avec une pause de 6 heures pendant la nuit. Elle a pris de la dompéridone pendant le premier mois d’expression (10 mg trois fois par jour). Trois semaines après avoir débuté ce protocole d’expression, elle commençait à obtenir un peu de lait. Elle a par la suite réduit progressivement la fréquence des séances d’expression (avec au maximum 5 heures entre deux séances), afin de maintenir une production lactée d’environ 300 ml/jour.
Au bout d’environ 3 mois, elle avait un stock important de lait maternel exprimé dans son congélateur, et elle a contacté le lactarium local afin de donner son lait. Elle a rempli les mêmes formalités que toutes les donneuses (questionnaire, examens sanguins), et a été acceptée. 6 mois après avoir commencé à tirer son lait, le bébé qu’ils adoptaient est arrivé chez eux. Il était né à 35 semaines et 4 jours de gestation avec un poids de 2 720 g. À J8, il pesait 2 680 g, et sa mère adoptive a commencé à l’allaiter. Le bébé a facilement pris le sein, et l’allaitement s’est parfaitement bien passé. La mère a allaité exclusivement jusqu’à 6 mois, et à 2 ans l’enfant adopté était toujours allaité. Au total, la mère a donné 12,8 litres de lait au lactarium. Le soutien de son mari et de sa famille a joué un rôle important dans la réussite de cet allaitement.
Les recommandations actuelles sur l’induction d’une lactation pour un bébé adopté reposent essentiellement sur des rapports de cas, qui ne fournissent pas tous des données sur le volume de la production lactée obtenue. Une seule étude (Szucs et al, 2010) rapporte une production lactée de plus de 700 ml/jour chez une mère ayant adopté des jumeaux prématurés, et qui est arrivée à les allaiter exclusivement. Certaines études présentent des protocoles d’induction d’une lactation, impliquant la prise d’hormones censées imiter la grossesse et favoriser le développement de la glande mammaire afin de démarrer la lactation, la mère prenant ensuite un produit galactogène (dompéridone, métoclopramide), mais ce type de protocole reste très peu évalué. La stimulation régulière des seins semble la stratégie la plus efficace pour induire une lactation. Certains recommandent de commencer un programme d’expression du lait environ 6 semaines avant l’arrivée du bébé adopté, la mère devant tirer son lait environ toutes les 3 heures en utilisant un tire-lait électrique automatique à double pompage. La mère dont le cas est présenté ci-dessus a pris de la dompéridone pendant seulement quelques semaines, mais elle a tiré son lait avec une fréquence élevée, ce qui a probablement joué un rôle dans la réussite de son allaitement. Il semble par ailleurs que l’induction d’une lactation pour un bébé adopté soit plus facile chez une femme qui a déjà eu l’occasion d’allaiter. Cette femme n’avait pas allaité, mais elle avait produit une faible quantité de lait pendant l’année qui avait suivi sa fausse couche, ce qui a également pu contribuer au succès de son allaitement. Les données permettent aussi de penser qu’une forte motivation maternelle, alliée à un soutien émotionnel de la part de l’entourage et à un niveau élevé de confiance en elle de la mère, sera bien souvent capitale pour la réussite du projet d’allaitement. Pour cette mère, le fait de donner son lait au lactarium l’encourageait également à tirer son lait. Il est difficile de savoir quel pourcentage de mères adoptives essaient d’allaiter. Ces femmes auront besoin d’un soutien adapté, et il est nécessaire de mener des études sur l’allaitement par une mère adoptive.
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