Publié dans le n° 159 des Dossiers de l'allaitement, juin 2020.
Par AC Lecointe, aide-soignante, Le Bizet (Belgique), M Courdent, animatrice LLL France, IBCLC, DIULHAM.
Cette mère avait contacté LLL France pour l’allaitement de son troisième enfant. Son bébé présentait une ankyloglossie, et la mère portait des implants mammaires en silicone, posés 3 ans plus tôt, après l’allaitement de son deuxième enfant. Elle savait que les implants pouvaient avoir un impact négatif sur l’allaitement, mais à l’époque elle ne pensait pas avoir d’autres enfants. Les deux premiers enfants avaient été allaités pendant respectivement 3 et 2 ans (sevrage souhaité par la mère pour le premier enfant et par l’enfant pour le deuxième), avec co-allaitement pendant un an. En dépit d’une freinotomie, la mère a sevré son troisième enfant plus rapidement que souhaité. Elle l'a toutefois allaité exclusivement jusqu’à ses 3 mois et l’a sevré à 5 mois car l’allaitement était difficile.
Elle a contacté à nouveau une animatrice de LLL France alors qu’elle était enceinte de son quatrième enfant, qu’elle était déterminée à allaiter. Toutefois, depuis 5 ans, son état de santé s’était nettement dégradé : elle souffrait de manifestations d’hypothyroïdie, de douleurs (musculaires, articulaires, abdominales, cervicales), d’hypothermie, d’une chute massive des cheveux et d’une fatigue invalidante. Elle a consulté plusieurs médecins (y compris des endocrinologues) et effectué divers bilans qui n’ont pas retrouvé d’anomalie spécifique. Suite à ses recherches, elle a suspecté la présence chez elle d’un syndrome ASIA, provoqué par ses prothèses mammaires, et a donc décidé de demander leur ablation. À noter que cette ablation était déjà souhaitée par la mère pour des raisons esthétiques (résultat peu satisfaisant suite à une perte de poids importante) et dans l'espoir de réussir le (ou les) prochain(s) allaitement(s).
Les implants avaient été posés derrière les glandes mammaires, par une incision sous-mammaire. Les canaux lactifères n’ont donc pas été endommagés par cette pose, qui a toutefois induit une baisse de la sensibilité des mamelons et de la moitié inférieure des seins. Elle avait allaité son troisième enfant uniquement avec le sein droit car elle souffrait d’engorgements chroniques au niveau du sein gauche, et d’une perte de sensibilité plus marquée de ce côté, le réflexe d’éjection étant également plus difficile. Elle a trouvé à Paris (France) un chirurgien habilité à enlever les implants et éventuellement les ganglions touchés par le silicone, qui a proposé d’effectuer l’ablation 1 à 2 mois après son accouchement si elle n’allaitait pas. La mère était très frustrée de devoir attendre aussi longtemps pour cette ablation et plus encore à l’idée de ne pas pouvoir allaiter cet enfant, et elle souhaitait avoir des informations sur la possibilité de relancer sa lactation si elle ne démarrait pas l’allaitement après avoir accouché ou si elle sevrait très rapidement, mais également sur la possibilité d’effectuer la chirurgie d’ablation des implants alors qu’elle allaitait.
En changeant de chirurgien, finalement, les choses se sont nettement mieux passées que ce qui était prévu au départ. Elle a commencé à allaiter, là encore uniquement avec le sein droit ; en raison de l’insensibilité du mamelon, le sein gauche ne "répondait" pas. L’ablation a été effectuée sous anesthésie générale, alors que son bébé était âgé d’un peu plus de 4 mois et qu’il était exclusivement allaité. Les implants (intacts) et la capsule qui les entourait (capsule cicatricielle apparue après leur pose) ont été enlevés via des incisions sous-mammaires d’environ 4 cm (voir photo ci-dessous). La mère a pu donner le sein juste avant la chirurgie, puis juste après, et aucune suspension n’a été nécessaire. La mère est très heureuse d’avoir finalement rencontré, d’une part un chirurgien (exerçant à Liège, Belgique) et une équipe de soignants qui se sont montrés disponibles et à l’écoute et ont respecté son désir de poursuivre l’allaitement et le maternage proximal, et d’autre part Marie Courdent, qui l’a conseillée et soutenue pendant toute cette période.
Elle allaite toujours avec bonheur son enfant de 10 mois, même si elle présente toujours une baisse de la sensibilité des seins et que son réflexe d’éjection lui semble toujours difficile et retardé. Elle continue à proposer les deux seins régulièrement (surtout la nuit), et les tétées sont très fréquentes (plusieurs par heure), beaucoup plus que pour ses enfants précédents ; elle pense que les implants ont endommagé le tissu mammaire ou les connexions nerveuses, et que la fréquence des tétées est une adaptation à ce phénomène. C’est un allaitement particulier, qui demande beaucoup de contact, de tétées et de patience, mais cela fonctionne. Elle espère que les choses se "répareront" un peu en cas d’une future grossesse. Elle a par ailleurs constaté une nette amélioration de son état de santé. Cette mère est intolérante au gluten, et elle se demande dans quelle mesure elle n’a pas un terrain favorable aux pathologies auto-immunes, qui aurait favorisé la survenue chez elle d’un syndrome ASIA.
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