Publié dans le n° 159 des Dossiers de l'allaitement, juin 2020.
D'après : Maintaining breastfeeding during severe infant and maternal HSV-1 infection : a case report. D’Andrea MA, Spatz DL. J Hum Lact 2019 ; 35(4) : 737-41.
Les femmes en âge de procréer porteuses chroniques d’un Herpes virus de type 1 (HSV-1) ou 2 (HSV-2) peuvent contaminer leur enfant. L’infection néonatale à HSV est rare, mais elle a un taux élevé de séquelles et de mortalité. La transmission se fait par contact avec les lésions. Chez les personnes porteuses, le virus s’installe dans les ganglions nerveux où il peut rester dormant pendant toute la vie, mais à partir desquels il peut se réactiver avec des épisodes symptomatiques qui durent 2 à 3 semaines. La primo-infection survient habituellement pendant l’enfance, avec une éruption oro-labiale. Une infection génitale peut survenir après l’adolescence. L’infection néonatale survient suite à l’exposition du fœtus pendant la grossesse, au moment de l’accouchement (85 % des cas) ou après la naissance. Cette infection sera traitée par administration en IV d’aciclovir pendant 10 à 21 jours, et par isolation stricte. L’hospitalisation et le placement en soins intensifs pourront être nécessaires chez les nouveau-nés atteints. Si des lésions d’herpès sont présentes sur un des seins de la mère ou dans la bouche de l’enfant, l’allaitement sera immédiatement stoppé et la mère devra tirer et jeter le lait issu du sein touché pour maintenir sa production lactée. Des cas de mères qui ont poursuivi l’allaitement ont toutefois été rapportés. Les auteurs rapportent un cas d’infection sévère à HSV-1 chez une mère et son enfant, et la façon dont l’allaitement a été protégé.
Cette mère a accouché spontanément par voie basse de son premier enfant après une grossesse normale. Elle avait des antécédents d’herpès oro-labial à HSV-1, mais elle n’avait aucune lésion au moment de l’accouchement. Après celui-ci, le nouveau-né était somnolent et avait du mal à prendre le sein. Le lendemain de la naissance, la mère a commencé à présenter des lésions sur les mamelons, rendant la tétée douloureuse. On a recommandé l’expression du lait toutes les 3 heures, le lait exprimé étant donné à l’enfant. La mère et l’enfant sont sortis de maternité au bout de 48 heures. À J3, la prise de sang pour recherche de la bilirubinémie faite au domicile par une infirmière visiteuse a constaté un taux de bilirubine à 18,7 mg/dl, et l’enfant a été réhospitalisé avec sa famille pour une nuit de photothérapie. Il ne prenait pas correctement le sein et il était donc nourri au doigt. La mère venait juste d’avoir sa montée de lait, et elle avait une production abondante (elle exprimait 240 à 300 ml de lait toutes les 3 heures). Pendant les 3 jours suivants, les lésions sur les seins de la mère se sont aggravées, et à J6 elle a contacté une IBCLC. Cette dernière a conseillé de diminuer la fréquence d’expression du lait pour abaisser la production lactée surabondante, et a fourni à la mère des bouts de sein qui ont significativement amélioré la prise du sein par l’enfant. À J7, la mère a développé des signes de mastite, et son médecin lui a prescrit de l’amoxicilline + acide clavulanique, puis de la doxycycline à partir de J9 en raison de l’absence d’amélioration avec l’amoxicilline. À J7, la mère a également constaté que son bébé commençait à présenter une éruption maculo-papuleuse au niveau du dos, qui s’est rapidement étendue, et à J8 elle a commencé à présenter le même type de lésions sur les mamelons. À J10, la mère a amené son enfant chez le pédiatre, des prélèvements ont été effectués au niveau des lésions et le pédiatre a prescrit l’application de mupirocine.
À J11, l’enfant est devenu très agité et la mère a constaté la présence de lésions dans sa bouche ; par ailleurs, l’éruption chez elle avait gagné ses mains. Elle est allée aux urgences avec son enfant, et on a diagnostiqué une probable infection à HSV. À J12, l’enfant a été transféré dans le service des auteurs, et le diagnostic d’infection à HSV-1 a été confirmé par PCR à partir des prélèvements de sang et des lésions situées dans diverses zones. Un traitement de 21 jours par aciclovir en IV a été débuté. L’allaitement directement au sein a été immédiatement arrêté. On a fourni à la mère un tire-lait électrique d’un modèle hospitalier, et on lui a recommandé de tirer son lait régulièrement et de le jeter. La mère a de son côté été référée à un service hospitalier proche dans lequel elle a été hospitalisée pendant 2 jours pour un traitement par aciclovir en IV, le traitement étant ensuite poursuivi par voie orale pendant les 12 jours suivants. Après sa sortie, lorsqu’elle est venue voir son bébé, elle a été vue par une IBCLC qui a constaté que ses seins étaient le siège d’une importante éruption herpétique. Malgré la douleur, la mère arrivait toutefois à tirer son lait régulièrement et en obtenait environ 800 ml par jour. Elle était déterminée à maintenir l’allaitement. Une semaine plus tard, la mère et l’enfant ont été revus. Ils étaient en cours de guérison, mais la mère présentait toujours des lésions cutanées sur les seins et les aréoles. L’interrogatoire a mis en évidence qu’elle appliquait sur les lésions une crème à la bétaméthasone, dont on sait qu’elle peut avoir un impact négatif sur la cicatrisation lorsqu’elle est utilisée régulièrement. On lui a prescrit l’application de pansements hydrogel sur les lésions.
L’enfant est sorti du service à J33. La PCR était négative. Les mamelons de la mère étaient irrités, avec présence de tissu de granulation, mais la douleur avait nettement diminué. Elle exprimait à ce moment environ 1 100 ml de lait par jour. On lui a fourni des bouts de sein afin de faciliter la remise au sein de l’enfant et protéger la peau en cours de cicatrisation des mamelons maternels. L’enfant a commencé à reprendre le sein quelques jours après la fin de son hospitalisation. Les parents avaient loué une balance afin de suivre ses apports et sa prise de poids, et il consommait environ 120 ml de lait à chaque tétée. La mère a utilisé les bouts de sein jusqu’à 4 mois, moment où ses seins et ses mamelons ont été totalement guéris. Elle a poursuivi l’allaitement jusqu’à 2 ans, moment où elle a constaté qu’elle était enceinte de son second enfant. Elle a été placée sous traitement par valaciclovir à titre prophylactique à partir de 36 semaines de grossesse pendant ses 2e et 3e grossesses. Aucune autre infection à HSV-1 n’est survenue chez cette mère et ses 2 autres enfants, qu’elle a allaités avec succès.
Dans ce cas, tant la mère que son enfant ont présenté une infection sévère ayant nécessité une hospitalisation. Le service de pédiatrie des auteurs soutient activement l’allaitement ; il suit les 10 Conditions du label Hôpital Ami des Bébés, et l’équipe soignante a veillé à faire le maximum pour permettre la reprise de l’allaitement chez cette mère. Des tire-lait sont fournis dans le service aux mères allaitantes dont l’enfant est hospitalisé, et les mères reçoivent des informations concordantes sur l’importance de la poursuite de l’allaitement pour leur enfant ainsi que le soutien nécessaire pour atteindre leurs objectifs en matière d’allaitement. Si l’allaitement doit être suspendu en cas d’infection maternelle et infantile par un HSV (quel que soit le type), il est rarement nécessaire d’arrêter totalement l’allaitement. Il est de la responsabilité des soignants de soutenir les mères afin qu’elles puissent reprendre l’allaitement dès que possible.
Je viens ici partager une histoire d'herpès bien moins grave qui a un peu bouleversé l'allaitement ... par méconnaissance de l'allaitement par les médecins.
Mon bébé de 15 mois a eu quelques jours de fièvre, un petit rhume et j'ai remarqué qu'il avait les gencives extrêmement gonflées et d'une couleur un peu violette.
Un médecin que nous avons vu m'a dit que c'était car je lui lavais mal les dents et qu'il avait donc un infection au niveau des gencives.
"Bien laver les dents à un bébé de 15 mois", je me suis demandée s'il fallait une baguette magique ou un diplôme...
Par la suite j'ai commencé à avoir des douleurs aux mamelons, comme au démarrage de l'allaitement. Puis le lendemain, des points de sang sont apparus sur mes mamelons et des douleurs de plus en plus vives. En parallèle, un bouton de fièvre est apparu sur la lèvre de mon bébé. Les pharmaciens et médecins que j'ai vus m'ont dit de stopper immédiatement l'allaitement pour que l'herpès ne persiste pas sur mes seins et ne s'étende pas.
Une amie à moi super héroïne de l'allaitement m'a conseillé de ne pas arrêter, qu'elle même avait allaité son petit alors qu'il avait de l'herpès jusque dans la gorge.
Elle m'a aussi donné le numéro de téléphone d'une pédiatre LLBC (oui ça existe!) qui a accepté de me faire une consultation par téléphone, un dimanche, pendant ses vacances (les personnes LLBC sont des exemples d'altruisme, j'en suis à chaque fois scotchée). Elle m'a préconisé de maintenir l'allaitement si c'était supportable pour moi, et m'a prescrit un antibiotique à mettre sur mes mamelons (aciclovir). En 24h l'herpès sur mes sens avait disparu, les douleurs aussi et j'ai bu continuer l'allaitement.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci