Publié dans le n° 163 des Dossiers de l'allaitement, octobre 2020.
D'après : Mammary dysbiosis and nipple blebs treated with intravenous daptomycin and dalbavancin. Mitchell KB et al. J Hum Lact 2020 ; 36(2) : 365-8.
La dysbiose mammaire se présente sous la forme de douleurs au niveau des seins et des mamelons, pouvant induire une baisse de la production lactée, une mastite, un problème de canal lactifère bouché. Contrairement à une mastite, la dysbiose mammaire ne s’accompagne pas de signes inflammatoires locaux ou systémiques, mais certains praticiens ont constaté que ces femmes étaient plus enclines à présenter des "ampoules" sur les mamelons. Ces ampoules sont des lésions inflammatoires qui se situent au niveau de la sortie des canaux lactifères et contiennent du lait coagulé. Elles peuvent être de très petite taille, ce qui ne les empêche pas d’être très douloureuses pendant la tétée. Elles peuvent également boucher le canal lactifère. Diverses stratégies ont été proposées pour les traiter : les percer avec une aiguille stérilisée, appliquer de la chaleur, des compresses humides, exprimer le lait… Un auteur a même proposé l’application locale d’un corticoïde. La dysbiose mammaire semble également corrélée à la présence d’un taux lacté élevé de Staphylocoques coagulase-négative, de Streptocoques, de Corynebactéries et d’Entérocoques. Elle peut donc être traitée par antibiothérapie, mais les résistances sont fréquentes. La dalbavancine est un nouvel antibiotique glycopeptidique dont la demi-vie est de 14 jours, et qui est administré une fois par semaine en IV. Il n’existe pas de données sur son excrétion lactée, mais dans la mesure où sa biodisponibilité orale est basse, il est peu probable qu’elle puisse induire des effets secondaires chez l’enfant allaité. Les auteurs présentent un cas de dysbiose mammaire avec présence d’ampoules sur les mamelons, traitée par dalbavancine et daptomycine (considérée comme compatible avec l’allaitement).
Cette femme de 35 ans allaitait son troisième enfant âgé de 6 mois lorsqu’elle s’est présentée à la consultation des auteurs. Depuis une semaine, elle souffrait de douleurs profondes dans le sein gauche, qui s’aggravaient avec le temps, d’ampoules sur le mamelon et de problèmes récurrents de canaux lactifères bouchés. Elle avait allaité sans problème son premier enfant pendant 10 mois et son deuxième enfant pendant 16 mois. Pour son troisième enfant, elle tire-allaitait exclusivement depuis la naissance, car son bébé n’avait jamais réussi à prendre le sein en raison de la petite taille de sa bouche, alors que ses mamelons étaient très volumineux. Elle avait été traitée par dicloxacilline à 3, 4, 5 et 5,5 mois en raison d’épisodes de mastite au sein gauche. Elle avait à nouveau commencé à prendre de la dicloxacilline (sans aucun résultat) dès le début des symptômes qui l’avaient amenée à la consultation des auteurs, puis la combinaison sulfamé-thoxazole/triméthoprime, qui s’était également avérée inefficace.
Le jour de la consultation, cette femme ne présentait aucun signe général. Elle présentait de nombreuses ampoules sur le mamelon gauche, qui bouchaient la plupart des canaux lactifères. Le sein droit était parfaitement normal. L’échographie du sein touché ne montrait pas de masse suspecte. La bactériologie effectuée sur le lait provenant du sein gauche a retrouvé un SARM. À noter que la mère avait toujours continué à donner à son bébé le lait provenant du sein touché sans que cela cause chez lui le moindre problème. Cette femme a été référée à un spécialiste en infectiologie. Au vu de l’historique et des résultats de la bactériologie, ce dernier a décidé d’instaurer une antibiothérapie en IV. Elle a reçu une première dose de 200 mg de daptomycine, puis une dose de 1 500 mg de dalbavancine en IV le lendemain. Au suivi deux semaines plus tard, une franche amélioration était constatée, mais la douleur n’avait pas complètement disparu, et une ampoule persistait sur le mamelon. Une seconde injection de 1 500 mg de dalbavancine a été effectuée. Deux semaines plus tard, la douleur avait totalement disparu, mais la même ampoule était toujours présente, même si sa taille avait fortement diminué. Un mois après la seconde injection, le problème était totalement résolu, et la bactériologie du lait était négative pour le SARM. La mère et l’enfant n’ont présenté aucun effet secondaire lié au traitement. 6 mois plus tard, aucune récidive n’était survenue. La mère tirait toujours son lait, mais elle avait commencé à limiter les séances d’expression avec pour objectif de sevrer son enfant.
Dans ce cas, le traitement antibiotique a permis de résoudre la dysbiose mammaire, mais également de faire disparaître les ampoules de lait sur les mamelons, ce qui permet de penser qu’il n’est pas indispensable de les percer à l’aiguille, alors que ce traitement était couramment recommandé. Il est possible que l’ampoule soit causée par le biofilm sécrété par les bactéries à l’origine de la dysbiose, mais des études sont nécessaires afin de mieux comprendre ce phénomène. L’administration de dalbavancine en IV semble efficace pour résoudre ce type de problème. Au vu de la longue demi-vie de cet antibiotique, une seule injection sera souvent suffisante. Sa faible biodisponibilité orale le rend probablement sans danger pour l’enfant allaité, mais d’autres études sont nécessaires sur l’efficacité et l’innocuité de cet antibiotique chez la mère allaitante.
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