Publié dans le n° 163 des Dossiers de l'allaitement, octobre 2020.
D'après : Effectiveness of biological nurturing on early breastfeeding problems : a randomized controlled trial. Milinco M et al. Int Breastfeed J 2020 ; 15 : 21.
Les pratiques optimales d’allaitement sont, à l’échelle planétaire, un moyen efficace de promouvoir la croissance et la santé infantiles. De plus, ces pratiques sont également bénéfiques pour les mères, les familles, les services de santé publique et la société dans son ensemble. Malheureu-sement, peu d’enfants à l’échelle mondiale sont exclusivement allaités pendant les 6 premiers mois. L’une des raisons de cet état de fait est le manque de soutien adéquat aux mères allaitantes. Ces dernières années, on a commencé à s’intéresser au rôle joué par les réflexes primitifs du nouveau-né dans l’allaitement. Cette approche, nommée Biological Nurturing (BN) ou "position décontractée", est susceptible de faciliter la prise du sein par l’enfant et de limiter le risque de problèmes de mamelons douloureux, le tout facilitant la mise en œuvre de l’allaitement exclusif. La mère est encouragée à mettre son bébé au sein dans une position semi-inclinée en arrière et relaxée, le bébé étant placé à plat ventre sur son torse et son ventre, la gravité favorisant la stabilité du bébé dont le poids n’induit pas de tensions musculaires chez la mère. Cette position stimule chez l’enfant l’expression d’une vingtaine de réflexes primitifs qui favorisent l’allaitement (ramper vers le sein, le trouver, le prendre et téter efficacement), ce qui n’est pas le cas avec la position "classique" (mère assise tenant son bébé sur le bras). Cette approche est de plus très simple et ne nécessite aucun matériel particulier. Cependant, il n’existe guère d’études ayant évalué son impact. L’objectif de cette étude était d’évaluer son efficacité sur la prévalence des problèmes douloureux du démarrage de l’allaitement, et sur la prévalence de l’allaitement exclusif à la sortie de maternité, puis à 1 semaine, 1 mois et 4 mois.
Cette étude randomisée a été menée dans le service de maternité d’un hôpital de Trieste (Italie), dans lequel tous les soignants sont régulièrement formés à l’allaitement et ont de plus suivi un cours de 6 heures sur le BN. Les femmes ont été incluses à 30-32 semaines de grossesse, elles attendaient un singleton, souhaitaient allaiter, ne présentaient pas d’obésité importante ni de problèmes de santé susceptibles d’interférer avec l’allaitement, et leur enfant ne présentait pas de pathologie congénitale. On a exclu après la naissance les enfants qui avaient dû être transférés en néonatalogie, ou qui ont présenté un ictère nécessitant une photothérapie. Les mères ont été randomisées pour être informées sur le BN et encouragées à le pratiquer (groupe BN), ou pour recevoir le suivi standard (groupe témoin). Les femmes du groupe intervention ont reçu une vidéo sur le BN, et on leur a demandé de la regarder avant leur accouchement. Pendant leur séjour en maternité, les soignants ont encouragé les mères à pratiquer le BN. Les femmes du groupe témoin ont reçu une vidéo d’information sur l’allaitement avec la consigne de la regarder avant leur accouchement, et après la naissance on leur a montré comment mettre leur bébé au sein en position assise classique. Pendant leur séjour en maternité, on a veillé à séparer les femmes des 2 groupes. Toutes les femmes ont par ailleurs pu mettre leur bébé en peau à peau immédiatement après la naissance, leur bébé est resté dans leur chambre 24 heures sur 24, et on les a encouragées à allaiter à la demande. Toutes les mères ont répondu à un questionnaire portant sur les données démographiques, socioéconomiques… à leur entrée dans l’étude, ainsi qu’à d’autres questionnaires à chacun des suivis.
208 femmes répondaient à tous les critères d’inclusion et ont accepté de participer (104 femmes dans chaque groupe). 6 enfants du groupe BN et 3 du groupe témoin ont été transférés en néonatalogie et exclus, 8 femmes du groupe BN et 3 du groupe témoin ont été perdues de vue, 10 femmes randomisées dans le groupe BN ont en fait reçu les soins standards tandis que 5 femmes randomisées dans le groupe témoin ont reçu le suivi BN, mais ces femmes ont été considérées comme appartenant à leur groupe d’origine. L’analyse a été menée pour 90 femmes dans le groupe BN et 98 dans le groupe témoin. Les caractéristiques des 2 groupes étaient similaires au démarrage de l’étude. Au moment de la sortie de maternité, les problèmes de seins douloureux étaient significativement moins fréquents dans le groupe BN (RR : 0,56), ainsi que les crevasses des mamelons (RR : 0,42). Le taux d’allaitement exclusif était similaire dans les 2 groupes à la sortie de maternité (89 % dans le groupe BN et 86 % dans le groupe témoin). Il était de respectivement 87 % et 78 % à J7, 81 et 76 % à 1 mois et 71 et 65 % à 4 mois, ces différences n’étant toutefois pas statistiquement significatives. Le niveau de satisfaction des mères concernant leur suivi était similaire dans les 2 groupes.
Cette étude présente des limitations. Un certain nombre de femmes ont été perdues de vue, et quelques autres n’ont pas respecté leur groupe de randomisation. Les soignants connaissaient le groupe de randomisation des femmes, mais pas les auteurs de l’étude en charge du suivi. Cette étude permet de penser que l’adoption de la position de BN est efficace pour abaisser la prévalence des problèmes couramment rencontrés par les mères pendant le démarrage de l’allaitement, et elle pourrait donc être largement mise en œuvre pour favoriser l’allaitement.
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