Publié dans le n° 163 des Dossiers de l'allaitement, octobre 2020.
D'après : Vitamin B12 deficiency as a cause of severe neurological symptoms in breast fed infant – a case report. Dubaj C et al. It J Pediatr 2020 ; 46 : 40.
La carence en vitamine B12 chez les jeunes enfants se manifeste par divers symptômes non spécifiques tels que l’irritabilité, le retard de développement ou une hypotonie. Lorsqu’un nourrisson présente ce type de symptômes, il est donc important de vérifier son statut pour la vitamine B12 dans la mesure où cette carence peut induire des séquelles définitives alors qu’elle peut être facilement corrigée avec une supplémentation adéquate. Cette carence est la plus souvent rencontrée chez les enfants allaités par une mère végétarienne ou végétalienne elle-même carencée en cette vitamine. Les auteurs présentent un cas de troubles neurologiques sévères en rapport avec une carence en vitamine B12 chez un enfant allaité.
Cet enfant a été admis dans un service de pédiatrie du CHU de Lublin (Pologne) en raison d’un retard du développement psychomoteur et d’une somnolence ayant débuté environ 2 mois plus tôt. Il avait 6 mois et 26 jours au moment de l’hospitalisation et il était exclusivement allaité. C’était le second enfant de cette mère, dont la grossesse avait été compliquée par une hyperthyroïdie. Il était né à terme avec un poids de 3 010 g. Au moment de l’admission, il présentait une somnolence importante, une hypotonie au niveau du tronc, du cou et des jambes, mais une hypertonie au niveau des extrémités supérieures, avec légers tremblements. Le contact verbal et visuel avec le bébé était possible mais limité. La mère a dit que son bébé dormait en moyenne 20 heures par jour et que son activité pendant ses périodes de réveil était limitée. Jusqu’à 5 mois, son développement avait été parfaitement normal. Le bilan biologique a constaté une anémie mégaloblastique, le reste du bilan étant dans les limites de la normale. On a donc recherché le taux sérique d’acide folique (qui était normal) ainsi que celui de vitamine B12, qui était de 75 pg/ml (normale : 211 à 911 pg/ml). On a alors recherché une maladie d’Addison-Biermer, les tests sont revenus négatifs, ainsi que ceux recherchant une maladie métabolique. Un bilan approfondi du développement psycho-moteur a été effectué et a constaté un retard de développement : âge lié au score général à ce bilan : 3 mois et 20 jours, 2 mois et 20 jours pour le développement moteur visuel, 4 mois et 10 jours pour le développement postural et locomoteur, 4 mois pour le développement social et les interactions, 2 mois et 10 jours pour le développement du langage.
Un bilan a ensuite été effectué chez la mère. Elle ne présentait pas d’anémie, son taux sérique de vitamine B12 était légèrement inférieur à la limite inférieure de la normale, elle avait une alimentation diversifiée et consommait des produits animaux, elle ne présentait aucune pathologie digestive. D’autres tests ont permis de constater qu’elle présentait une maladie d’Addison-Biermer latente, et une supplémentation mensuelle en vitamine B12 en injections lui a été prescrite pour le reste de sa vie. Les anomalies retrouvées chez la mère sont venues confirmer le diagnostic de carence en vitamine B12 chez son enfant allaité. Il a reçu 5 injections IM de 50 µg de vitamine B12 pendant les 2,5 semaines suivantes, ce qui a induit une amélioration significative de son état. Une préparation pour nourrissons a été introduite, ainsi que des solides. 6 semaines après le début de traitement, son état clinique et biologique était normal. Un bilan psychomoteur effectué à 16 mois a constaté un léger retard (score général correspondant à celui d’un enfant de 13 mois). Le statut pour la vitamine B12 était resté normal pendant tout le suivi.
Les cas publiés dans la littérature indiquent qu’une carence en vitamine B12 doit être envisagée en présence de symptômes neurologiques chez un bébé, en particulier s’il présente également une anémie mégaloblastique. Un diagnostic précoce et un traitement adéquat sont indispensables pour limiter le risque d’impact à long terme. Ce cas montre que l’existence d’une maladie d’Addison-Biermer, même latente, chez une mère allaitante, peut induire chez son bébé allaité une carence en vitamine B12 ayant induit un retard psychomoteur sévère, dont les conséquences étaient toujours décelables des mois plus tard malgré la normalisation de son statut pour cette vitamine.
Pour poser une question, n'utilisez pas l'espace "Commentaires" ci-dessous, envoyez un mail à la boîte contact. Merci