Publié dans le n° 167 des Dossiers de l'allaitement, février 2021.
D'après : Oral vitamin D supplementation to mothers during lactation – Effect of 25(OH)D concentration on exclu-sively breastfed infants at 6 months of age : a randomized double-blind placebo-controlled trial. Trivedi M et al. Breastfeed Med 2020 ; 15(4) : 237-45.
Des études ont constaté que les enfants exclusivement allaitées avaient un risque plus élevé de carence en vitamine D que les enfants nourris avec une préparation pour nourrissons, et ce même dans des pays où le niveau d’ensoleillement est important. Il existe une corrélation significative entre le statut maternel pour la vitamine D et le taux lacté et le taux sérique infantile de cette vitamine. Il est recommandé de supplémenter les nourrissons en vitamine D, mais des auteurs ont décidé d’évaluer l’impact d’une supplémentation maternelle avec un taux suffisant de vitamine D, et ont constaté que cela avait un impact bénéfique sur le statut maternel et infantile, et ce sans aucun effet négatif. Le but de cette étude indienne randomisée en double aveugle était d’évaluer l’impact de la supplémentation maternelle en vitamine D versus un placebo sur le statut pour cette vitamine chez l’enfant à 6 mois, et de déterminer la prévalence d’un rachitisme chez les enfants à cet âge.
Elle a été menée auprès 132 mères ayant accouché consécutivement dans un service de maternité d’un enfant né entre 37 et 41 semaines de gestation avec un poids normal pour leur âge gestationnel. On a exclu les enfants présentant un problème congénital, ou ayant présenté un problème pendant l’accouchement ou en période néonatale, ainsi que les enfants dont la mère présentait une quelconque pathologie chronique, et celles qui avaient reçu de la vitamine D pendant leur grossesse. Des échantillons de sang du cordon ont été prélevés à la naissance pour dosage du taux de 25(OH)D, de calcium, de phosphore et des phosphatases alcalines. La carence en vitamine D a été définie par un taux de 25(OH)D < 20 µg/l. Toutes les mères ont été soutenues dans le démarrage de l’allaitement et on leur a recommandé l’allaitement exclusif. Elles ont répondu à un questionnaire incluant entre autres des données détaillées sur leur niveau d’exposition au soleil et leur alimentation. Elles ont été randomisées en un groupe intervention, qui a reçu 60 000 UI de vitamine D dans les 2 premiers jours post-partum, et à nouveau à 6, 10 et 14 semaines (sachet à diluer dans de l’eau, absorbé sous supervision directe dans le cadre du suivi post-natal), soit un total de 240 000 UI, correspondant à une dose quotidienne de 2 449 UI, et un groupe placebo qui a reçu un sachet d’apparence et de texture similaire contenant un sucre inerte. Les paramètres anthropométriques des enfants ont été notés à chaque suivi, ainsi qu’à 6 mois, les mères étant par ailleurs soutenues et conseillées dans leur allaitement. Un bilan biologique a été effectué à 6 mois chez l’enfant pour évaluer le taux de vitamine D et pour rechercher un surdosage en vitamine D. Un bilan radiologique a été effectué à 6 mois chez les enfants pour recherche d’un rachitisme. La définition utilisée pour l’allaitement exclusif était celle de l’OMS.
Chaque groupe comportait 66 enfants au démarrage de l’étude et 115 enfants ont été suivis jusqu’à 6 mois (58 dans le groupe intervention et 57 dans le groupe placebo). Les mères des 2 groupes présentaient au départ des caractéristiques similaires ainsi que leurs enfants pour tous les paramètres pris en compte. Au démarrage de l’étude, toutes les mères avaient un taux de 25(OH)D < 20 µg/l ainsi que 99 % des enfants, la carence étant importante (< 11 µg/l) chez 90,4 % des mères et 88,6 % des enfants. À 6 mois, des différences significatives étaient constatées entre les groupes. Le taux sérique de 25(OH)D était de 18,93 ± 5,12 µg/l dans le groupe intervention contre 6,43 ± 3,76 µg/l dans le groupe placebo, respectivement 60,3 et 100 % des enfants ayant un taux < 20 µg/l, 5,2 et 91,1 % ayant un taux < 11 µg/l. 6 enfants du groupe placebo présentaient des signes radiologiques de rachitisme, contre aucun des enfants du groupe intervention. Aucun signe de surdosage n’a été constaté.
Des études ont constaté que la prise maternelle quotidienne de doses allant jusqu’à 6 400 UI de vitamine D permettait d’obtenir un bon statut maternel et infantile pour cette vitamine et n’induisait aucune manifestation de surdosage. Dans cette étude, la dose quotidienne était d’environ 2 500 UI, et elle permettait une baisse importante du taux de carence en vitamine D. Cette étude présente des limitations, en particulier le fait qu’on n’a pas recherché le taux sérique et lacté de 25(OH)D chez la mère. Elle incluait également un petit nombre de dyades. D’autres études ont évalué la prise régulière de doses plus élevées et ont constaté que cela était efficace et que la compliance était meilleure. Cette étude permet de penser qu’il est possible d’améliorer le statut maternel et infantile pour la vitamine D en distribuant aux mères allaitantes des sachets de vitamine D à l’occasion des visites de suivi pédiatrique. Ce mode de supplémentation en vitamine D évite le dilemme éthique de supplémenter le bébé en laissant sa mère souffrir de carence.
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