Publié dans le n° 172 des Dossiers de l'allaitement, juillet 2021.
D'après : HIV-infected mothers who decide to breastfeed their infants under close supervision in Belgium : about two cases. Bansaccal N et al. Front Pediatr 2020 ; 8 : 248.
La transmission verticale du VIH peut survenir pendant la grossesse, au moment de l’accouchement ou via l’allaitement. On estime que le risque de transmission à l’enfant via l’allaitement est de 0,064 % par litre de lait maternel consommé ou de 0,028 % par jour d’allaitement. Dans les pays en voie de développement, l’OMS recommande aux mères séropositives pour le VIH un traitement antirétroviral, l’allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois et la poursuite de l’allaitement parallèlement à l’introduction d’autres aliments jusqu’à 12 à 24 mois, dans la mesure où l’impact bénéfique de l’allaitement sur la nutrition et la mortalité infantiles est plus élevé que le risque lié à la transmission verticale du VIH. Dans les pays industrialisés, l’allaitement a été fortement déconseillé dans la mesure où les préparations pour nourrissons sont facilement disponibles ainsi que l’eau potable, et que l’on considérait que l’allaitement constituait un risque inacceptable pour les enfants des mères séropositives. Toutefois, ce point de vue est de plus en plus remis en question, et on considère actuellement que ces mères peuvent allaiter sous certaines conditions. Les auteurs présentent le cas de deux femmes vivant en Belgique et qui ont choisi d’allaiter en étant étroitement suivies.
Cette femme de 36 ans était immigrée d’origine africaine. On avait diagnostiqué chez elle une infection à VIH et à virus de l’hépatite B alors qu’elle avait 25 ans. Elle vivait alors au Congo et avait commencé une thérapie antirétrovirale alors qu’elle avait 33 ans. Elle prenait une combinaison d’emtricitabine, ténofovir, elvitégravir et cobicistat (ces produits sont associés dans un seul comprimé). Elle a accouché au Congo de son premier enfant à 34 ans. Elle l’a allaité (modalités non précisées) et il n’a pas été contaminé. La charge virale maternelle était indétectable après un an de traitement. Elle est redevenue enceinte l’année suivante alors qu’elle avait émigré en Belgique. La charge virale est restée indétectable pendant toute la grossesse. À l’occasion de son suivi, l’équipe lui a fortement déconseillé d’allaiter à de nombreuses reprises, mais la mère a décidé d’allaiter exclusivement son enfant pendant 4 mois. Elle a invoqué les pressions sociales et la crainte d’être rejetée par sa communauté. Sa décision a été acceptée et elle a été étroitement suivie par une équipe multidisciplinaire afin d’optimiser la sécurité de l’allaitement pour l’enfant. Ce dernier a été mis sous antirétroviraux (lamivudine + zidovudine) dès la naissance et jusqu’à 1 mois après le sevrage. La mère était toujours sous traitement avec une charge indétectable. Les tests effectués tous les mois chez le bébé jusqu’à 1 mois après le sevrage sont restés négatifs, ainsi que le dernier test effectué à 18 mois.
Cette femme de 35 ans d’origine africaine était traitée depuis 5 ans en raison d’une infection par le VIH lorsqu’elle est devenue enceinte. Sa charge virale est restée indétectable pendant toute la grossesse. Elle a accouché par césarienne en urgence suite à un travail prolongé. Cette mère n’avait pas pu allaiter son premier enfant et elle souhaitait vivement allaiter son deuxième enfant. Elle a affirmé qu’elle connaissait des mères séropositives pour le VIH vivant au Congo (son pays d’origine) qui avaient allaité. Les professionnels de santé qui la suivaient lui avaient fortement déconseillé d’allaiter et avaient activement recommandé le don exclusif d’une préparation pour nourrissons, mais la mère a commencé à allaiter. Toutefois, elle a rapidement dû introduire une préparation pour nourrissons de façon temporaire en raison d’une importante perte de poids chez le nouveau-né. Dès la naissance, le bébé avait été mis sous antirétroviraux : névirapine + lamivudine + zidovudine pendant les peremiers jours jusqu’à amélioration de la prise de poids, puis lamivudine + zidovudine lorsque l’allaitement exclusif a été repris. La mère a arrêté l’allaitement à 5 mois. Comme dans le cas précédent, la charge virale maternelle est restée indétectable pendant la durée de l’allaitement et tous les tests effectués chez l’enfant jusqu’à 18 mois étaient négatifs.
Dans la majorité des pays africains, l’allaitement est la norme. Les femmes originaires de ces pays qui émigrent dans des pays européens (et qui pourront avoir allaité un enfant précédent avant leur immigration) auront beaucoup de mal à comprendre pourquoi ce qui est recommandé dans leur pays d’origine est activement déconseillé dans leur pays d’immigration. Pour ces femmes, ne pas allaiter pourra être très difficile psychologiquement et émotionnellement, et elles peuvent également craindre d’être stigmatisées dans leur communauté si elles n’allaitent pas. L’allaitement est un droit humain. Il présente de nombreux bénéfices pour l’enfant et pour la mère. Le lait maternel est gratuit et toujours disponible. En Belgique comme dans de nombreux autres pays, l’allaitement fait l’objet de campagnes de promotion, ce qui augmentera la confusion chez ces mères immigrées.
On sait que les charges virales plasmatique et lactée sont directement corrélées. Les spécialistes considèrent que la charge virale plasmatique doit rester < 100 copies/ml pour prévenir la contamination de l’enfant, ce qui peut être obtenu par un traitement antirétroviral approprié. Toutefois, le risque de contamination de l’enfant ne peut pas être totalement exclu même avec une charge virale très basse. Mais devant le nombre de plus en plus important de femmes vivant dans les pays industrialisés et séropositives pour le VIH qui veulent allaiter, de plus en plus d’organisations professionnelles considèrent qu’il est plus constructif et efficace de discuter avec ces femmes des conditions à respecter et du suivi à accepter pour ce faire. Actuellement, on ne peut certes pas recommander l’allaitement à ces mères et il n’y a pas de consensus sur les recommandations concernant le suivi de celles qui souhaitent allaiter, mais il est de plus en plus considéré comme souhaitable de soutenir ces mères dans leur choix afin de limiter autant que faire se peut le risque de transmission verticale du VIH via l’allaitement.
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