Publié dans le n° 173 des Dossiers de l'allaitement, août 2021.
D'après : Altered sucking dynamics in a breastfed infant with Down syndrome : a case report. Coentro VS et al. Int Breast-feed J 2020 ; 15 : 71.
La trisomie 21 (syndrome de Down) est la pathologie chromosomique la plus fréquente, et on estime qu’elle concerne environ 1 nouveau-né australien sur 1 100. Ce syndrome induit divers troubles développementaux, cognitifs, immunitaires, thyroïdiens, sensoriels, cardiaques, gastro-intestinaux, ainsi que de fréquentes otites et un risque élevé d’obésité. Ces enfants naissent avec une langue volumineuse, une hypotonie et un moins bon statut moteur oral ayant pour conséquence une succion souvent désorganisée qui rendra difficile leur alimentation. Plus de la moitié d’entre eux souffriront de dysphagie, avec un risque significatif de pneumonie. L’allaitement est particulièrement utile chez ces enfants afin de limiter le risque d’infection et d’optimiser leur développement. Toutefois, ils sont allaités significativement moins longtemps que la moyenne, bien souvent en raison des difficultés rencontrées par les mères suite aux problèmes de succion de ces enfants. Cependant, leur efficacité au sein s’améliorera avec le temps, et un soutien actif de la mère pendant les premiers mois est donc particulièrement important pour surmonter les difficultés. Les auteurs présentent un cas d’allaitement d’un enfant souffrant de trisomie 21.
Cette primipare de 32 ans a accouché à 38 semaines de gestation. Le nouveau-né a présenté une détresse respiratoire dans l’heure qui a suivi sa naissance, et il a été transféré en néonatalogie pour une assistance respiratoire. Il a commencé à recevoir le colostrum exprimé par sa mère. À J2, les problèmes respiratoires étaient résolus et l’enfant a été ramené à sa mère. Il a été mis au sein avec un bout de sein afin de l’aider à le prendre. La mère l’a ensuite mis au sein toutes les 3 heures, l’enfant recevant des suppléments de préparation pour nourrissons ou de lait maternel exprimé. À J4, il était exclusivement allaité. L’existence probable d’une trisomie 21 a été discutée avec les parents dans les heures qui ont suivi la naissance, et le diagnostic a été confirmé à J6. Aucune autre complication cardiaque, thyroïdienne ou gastro-intestinale n’a été détectée chez l’enfant. La mère et l’enfant sont alors sortis de maternité avec la consigne de mettre l’enfant au sein toutes les 3 heures et de donner du lait maternel exprimé en supplément si nécessaire. À 3 semaines, la mère estimait que sa production lactée était en baisse, et que cela pouvait être lié à l’utilisation des bouts de sein. Elle est donc allée consulter une IBCLC, et elle a accepté de participer à une étude destinée à suivre l’évolution de la succion de son enfant et sa production lactée. Dans le cadre de cette étude, elle a été vue à 4, 10, 14, 19 et 24 semaines post-partum.
À 4 semaines, l’enfant prenait le sein avec un bout de sein et il recevait ensuite du lait maternel exprimé après presque toutes les tétées. Il était somnolent pendant les repas (au sein comme au biberon). Lors de cette première consultation, l’évaluation de la succion de l’enfant a constaté qu’il exerçait une faible dépression intra-buccale et que ses lèvres étaient peu toniques. Les réflexes primitifs oraux étaient présents. Une tétée a été observée. L’enfant se fatiguait rapidement, mais arrivait à maintenir le sein en bouche et ne semblait pas présenter de problèmes de déglutition. La mère avait essayé de lui soutenir le menton pendant les tétées pour l’aider (position de DanCer) mais n’avait pas constaté d’efficacité significative. Outre les tétées, elle tirait son lait 2 fois par jour à l’aide d’un tire-lait hospitalier. L’évaluation de la production lactée sur 24 heures a retrouvé un volume < 600 ml. On a donc conseillé à la mère d’augmenter la fréquence des séances d’expression du lait. L’utilisation des bouts de sein a été arrêtée à 8 semaines en raison de l’inconfort rapporté par la mère lors de leur utilisation. La famille a loué un pèse-bébé électrique afin de suivre les apports de l’enfant, et d’obtenir qu’il absorbe environ 800 ml de lait maternel par jour entre le sein et le don de lait maternel exprimé. Ce don s’est poursuivi jusqu’à 5 mois, ce qui a permis à l’enfant d’avoir une prise de poids adéquate. La mère a trouvé utile de pouvoir évaluer les apports de son enfant à l’aide de la balance.
La production lactée a été régulièrement évaluée. Si, à 4 semaines, la mère produisait en moyenne 546 ml/24 heures, elle en produisait 819 ml à 8 semaines et 1 150 ml à 24 semaines (788 ± 169 ml sur toute cette période). La fréquence quotidienne des tétées était de 11 ± 1,6, leur durée allant de 13 à 23 minutes. La mère tirait son lait 6 fois par jour à partir de 4 semaines et elle est montée jusqu’à 7 séances quotidiennes à 10 semaines. Le volume de lait maternel exprimé quotidiennement était de 278 ml à 4 semaines et 392 ml à 10 semaines. À 24 semaines, elle tirait encore en moyenne 226 ml par jour. À 4 semaines, le bébé absorbait 487 ml sur 24 heures, il absorbait 697 ml de lait maternel à 10 semaines et 924 ml à 24 semaines. Le bébé pesait 3,478 kg à 4 semaines, 5 kg à 8 semaines et 6,425 kg à 24 semaines. Le niveau de dépression intra-buccale a été évalué à l’aide d’une sonde adaptée lors de chaque visite. Elle était faible au repos comme pendant les épisodes de succion à 4 semaines (en particulier lorsqu’il tétait avec le bout de sein) et elle est restée faible jusqu’à 19 semaines, mais elle était devenue globalement normale à 24 semaines. Le nombre de mouvements de succion lors des épisodes de succion est resté plus bas que la normale jusqu’à 19 semaines, et il s’est normalisé par la suite. La succion de l’enfant lors de chaque visite a également été suivie par échographie pendant une tétée. Les mouvements de la langue étaient faibles à 4 semaines, mais ce n’était plus le cas par la suite, et le placement de la langue, la position du mamelon et le maintien du sein en bouche étaient dans les limites de la normale en dépit de la faible dépression intra-buccale.
L’enfant a été vu par un orthophoniste à 6 mois, qui a confirmé qu’il ne présentait pas de signes de dysphagie, et qu’il était donc possible d’introduire les solides. Il a par ailleurs été régulièrement suivi par un pédiatre. Il a présenté en même temps une otite et une infection urinaire à 3 mois qui ont été traitées efficacement. Il était par ailleurs en bonne santé et sa prise de poids était satisfaisante. À 24 semaines, l’enfant était exclusivement allaité directement au sein. La mère avait confiance dans sa production lactée et elle était sûre de pouvoir allaiter jusqu’à 12 mois comme prévu au départ. L’allaitement était une expérience gratifiante pour la dyade. La mère continuait à tirer son lait 2 fois par jour et le stockait au congélateur pour une utilisation future. Les solides ont été introduits à partir de 6 mois et l’enfant a été allaité jusqu’à 19 mois.
Le suivi de cet enfant a permis de constater l’existence d’une faible dépression intra-buccale et des épisodes de succion nutritive plus courts que la normale jusqu’à 20 semaines, ces problèmes ayant disparu à 24 semaines. C’est également à 24 semaines que la mère a réussi à allaiter exclusivement son bébé directement au sein, ce qui peut s’expliquer par l’amélioration de la dynamique de la succion chez l’enfant. Optimiser la production lactée maternelle en visant une production lactée plus abondante que nécessaire augmentera le volume que l’enfant souffrant de trisomie 21 arrivera à prendre au sein, même si une supplémentation restera souvent nécessaire pendant une durée plus ou moins longue en attendant que la succion de l’enfant s’améliore. Pendant toute cette période, la mère aura besoin d’être régulièrement suivie et soutenue.
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