Publié dans le n° 173 des Dossiers de l'allaitement, août 2021.
D'après : Tandem breastfeeding : a descriptive analysis of the nutritional value of milk when feeding a younger and older child. Sinkiewicz-Darol E et al. Nutrients 2021 ; 13 : 277.
Le co-allaitement est l’allaitement de 2 enfants qui ne sont pas des jumeaux. Cette pratique est rare en Europe ou en Amérique du Nord, et peu de femmes diront qu’elles co-allaitent au professionnel de santé qui les suit, ne serait-ce que parce que l’enfant plus âgé est habituellement un bambin. Par ailleurs, les mères qui co-allaitent ont généralement poursuivi l’allaitement de l’enfant plus âgé pendant leur grossesse, et on pourra leur dire que cela est trop fatigant, mauvais pour le fœtus, ou que leur lait "n’est plus que de l’eau". Il existe peu d’études sur la poursuite de l’allaitement pendant la grossesse, mais leurs résultats montrent que cela ne présente pas de risques pour le fœtus ni pour la mère, et n’augmente pas le risque de fausse couche. Par ailleurs, l’expérience de nombreuses mères a montré que nombre d’enfants allaités pendant la grossesse suivante se sèvrent spontanément pendant la grossesse en raison entre autres de la baisse importante de la production lactée à partir du milieu de la grossesse (la glande mammaire se prépare à l’allaitement suivant et sécrète du colostrum). Le but de cette étude polonaise était d’évaluer les raisons du co-allaitement, et d’analyser la composition du lait chez des mères qui co-allaitent.
Les mères ont été recrutées via des groupes locaux de soutien aux mères et des réseaux sociaux. Les mères devaient co-allaiter avec une fréquence ≥ 4 tétées par jour. Elles ont répondu à un questionnaire pour collecte de données démographiques, socioéconomiques, sur le déroulement de leur dernière grossesse, l’âge et le poids de naissance de leur dernier enfant, le déroulement de l’allaitement, la fréquence des tétées de chaque enfant… Les mères ont exprimé des échantillons de lait selon un protocole précis, dans un récipient stérile immédiatement placé au réfrigérateur et récupéré dans les 24 heures par le lactarium local pour y être analysé. Elles devaient tirer leur lait à 4 reprises sur 24 heures : entre 6 et 12 heures, 12 et 18 heures, 18 heures et minuit, et entre minuit et 6 heures, 5 à 10 ml de lait avant de mettre leur bébé au sein, puis 5 à 10 ml après la fin de la tétée. Dans l’idéal, ce protocole d’expression devait être répété 1 fois par mois. Le taux lacté de glucides, protéines et lipides a été recherché à l’aide de l’analyseur MIRIS et l’apport calorique a été calculé.
13 mères ont été incluses, qui ont tiré leur lait pendant au total 53 jours pour un total de 239 échantillons (203 échantillons collectés pendant le co-allaitement et 36 échantillons collectés après le sevrage de l’enfant plus âgé).
Les mères avaient 31,6 ± 4 ans. Toutes avaient un diplôme universitaire, ainsi qu’un niveau socioéconomique élevé, 12 n’avaient pas d’activité professionnelle. Presque toutes avaient 2 enfants. Elles avaient accouché du dernier enfant à 39,7 ± 0,9 semaines de gestation. L’enfant le plus âgé avait 34 ± 8 mois au m-ment du démarrage de l’étude, et le plus jeune avait 6,6 ± 5,1 mois. L’enfant le plus âgé tétait 2,7 ± 1 fois par 24 heures et le plus jeune 10,5 ± 3,1 fois. L’enfant le plus âgé s’est sevré à 37,7 ± 8,4 mois. Chez toutes ces mères, l’enfant le plus jeune était un singleton, qui avait été exclusivement allaité, avait commencé à recevoir des solides à l’âge recommandé par les services de santé, et il était en bonne santé.
Pendant le co-allaitement Après le sevrage de l’aîné
Lipides 42 ± 18 g/l 34 + 14 g/l
Protéines 9 ± 2 g/l 8 ± 1 g/l
Glucides 71 ± 4 g/l 71 ± 2 g/l
Calories 724 ± 16 kcal/l 634 ± 128 kcal/l
Le taux de lipides était plus élevé de 23,5 % pendant le co-allaitement qu’après le sevrage de l’enfant plus âgé, ce qui se traduisait par un apport calorique plus élevé de 18 %. Le taux de protéines baissait de 18 % après le sevrage de l’aîné, tandis que le taux de glucides restait stable. Environ les 2/3 des mères n’avaient pas au départ envisagé de co-allaiter. Les raisons données pour avoir décidé de le faire étaient essentiellement qu’elles souhaitaient que leur bambin décide lui-même du sevrage et/ou qu’elles sentaient qu’il n’y était pas prêt. La majorité des mères allaitaient les deux enfants à la demande, tandis que les autres allaitaient l’enfant plus âgé à des moments précis de la journée, selon un rituel. La moitié des mères estimaient que le co-allaitement était plus fatigant, et elles avaient eu les seins douloureux pendant la grossesse. Deux mères ont fait état de commentaires négatifs de la part de leur entourage et une a trouvé le co-allaitement difficile sur le plan émotionnel. Une seule mère a souligné la réaction positive d’un professionnel de santé. Presque toutes estimaient cependant que le co-allaitement avait été une expérience gratifiante en dépit des éventuelles difficultés rencontrées, qu’il avait favorisé une relation forte entre la mère et ses enfants et entre les deux enfants co-allaités.
Cette étude incluait peu de mères, mais chacune d’entre elles a fourni de nombreux échantillons, incluant des échantillons après le sevrage de l’enfant plus âgé. Elle montre que l’allaitement long et le co-allaitement n’ont aucun impact négatif sur la qualité du lait maternel, et que ce dernier a même un taux plus élevé de lipides et de protéines pendant le co-allaitement. Le lait maternel couvre adéquatement les besoins des deux enfants allaités. L’allaitement long peut donc être recommandé, ainsi que le co-allaitement lorsque la mère le souhaite.
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