Publié dans le n° 174 des Dossiers de l'allaitement, septembre 2021.
D'après : Evaluating antenatal breastmilk expression outcomes : a scoping review. Foudil-Bay I et al., Int Breastfeed J 2021 ; 16 : 25.
Le démarrage de l’allaitement en maternité peut être difficile pour diverses raisons. Si la montée de lait survient 2 à 3 jours après la naissance chez la majorité des mères, elle pourra être plus tardive chez certaines d’entre elles (diabète pendant la grossesse, pathologie chronique maternelle…). Un bébé pourra être transféré en néonatalogie, avec un impact négatif sur le démarrage de l’allaitement. De plus, le bébé d’une mère diabétique a un risque plus élevé d’hypoglycémie après la naissance, qui pourra nécessiter un traitement (augmentation des apports en première intention). Dans les contextes où la mère a un risque significatif de montée de lait retardée, on a suggéré l’expression anténatale du colostrum, ce dernier pouvant être donné au nouveau-né plutôt qu’une préparation pour nourrissons. Il semble de plus que cette expression rende la montée de lait plus rapide et limite le risque d’engorgement pendant cette période. Certains ont suggéré que cela pouvait déclencher des contractions utérines et induire un accouchement plus précoce, mais cela n’a pas été démontré. Le but de cette analyse était de faire le point sur l’expression anténatale du colostrum.
Les auteurs ont recherché les études publiées sur le sujet jusqu’en janvier 2020. Ils ont retenu les études menées sur des femmes enceintes qui ont tiré leur colostrum, prenant en compte le vécu de la mère, le déroulement de l’expression anténatale du colostrum, l’impact de cette expression sur sa santé, sur l’allaitement et chez l’enfant, dans la mesure où elles étaient publiées en anglais. Deux des auteurs ont analysé les études sélectionnées après un premier tour d’horizon sur le plan de leur pertinence, et ont extrait et classé les données des études retenues. Ils ont interprété avec précaution les études les plus anciennes (publiées dans les années 1940-1950) dont la méthodologie était notablement différente de celle des études récentes. La qualité de ces études a été évaluée à l’aide de la MMAT. Un des auteurs, expert sur le plan clinique, a fourni davantage de données sur la pertinence des études exploratoires, ainsi qu’une aide dans l’interprétation des résultats.
Parmi les 81 études sélectionnées après un premier tour d’horizon, 20 études cor-respondaient à tous les critères d’inclusion et ont été retenues pour cette analyse. Elles avaient été publiées entre 1946 et 2019. 11 études avaient été publiées entre 2015 et 2019. 7 avaient été menées en Australie, 5 en Grande-Bretagne, 3 aux États-Unis, 3 en Inde, 1 en Nouvelle-Zélande et 1 en Suède. 3 équipes avaient mené chacune 2 études. 1 était une étude sur l’amélioration de la qualité des soins, 2 étaient des études cas-témoin, 4 étaient des études qualitatives et/ou transversales, 3 étaient des études observationnelles et 10 étaient des études interventionnelles. 8 études incluaient 1 à 60 femmes, 8 autres en incluaient 80 à 230 et les 4 dernières en incluaient 300 à 690. 10 études étaient menées sur des femmes appartenant à la population générale et les 10 autres sur des femmes à risque de difficultés de démarrage de l’allaitement (dont 8 études sur des femmes diabétiques). Ces femmes avaient été incluses à partir de services de maternité, de consultations externes ou via Internet.
Dans la plupart des études, les femmes ont commencé à exprimer leur colostrum à 36-37 semaines de gestation (mais à partir de 20 semaines dans 1 étude et de 32-36 semaines dans 4 études). L’étude la plus ancienne recommandait de pratiquer l’expression du colostrum pendant les 3 derniers mois de la grossesse. 2 études ne précisaient pas à quel moment l’expression était débutée. 11 études ont collecté des données sur les pratiques maternelles d’expression du colostrum. 11 études évaluaient l’impact sur la santé maternelle (glycémie maternelle, complications obstétricales, engorgement en post-partum, âge gestationnel à la naissance, mode d’accouchement, éventuels problèmes d’allaitement…). 17 études fournissaient des données sur le déroulement de l’allaitement, la durée du suivi allant de quelques jours après la naissance à 6 mois post-partum. 10 études fournissaient des données sur un éventuel impact de l’expression sur le fœtus et/ou le nouveau-né (poids de naissance, Apgar, glycémie, transfert en néonatalogie…). 10 études avaient collecté des données sur les connaissances, le point de vue et le vécu maternel concernant l’expression anténatale du colostrum. 2 études étaient de très bonne qualité, toutes les deux étant qualitatives et 7 autres avaient un score supérieur à la moyenne (4 études qualitatives, 1 était quantitative descriptive, 1 était randomisée contrôlée et une était quantitative), toutes ces études ayant été publiées ces 5 dernières années. Les principaux points faibles des études étaient le manque de clarté des questions ou de la description des interventions.
Cette analyse montre que l’expression anténatale du colostrum soulève un intérêt croissant depuis quelques années. Globalement, il ressort que cette pratique peut être recommandée aux femmes enceintes pour un large éventail de raisons : favoriser la lactogenèse et le succès de l’allaitement, disposer de colostrum qui pourra être donné au nouveau-né plutôt qu’une préparation pour nourrissons lorsque le risque de don de suppléments semble élevé ou que l’on prévoit des difficultés de démarrage de l’allaitement… Elle est généralement bien acceptée et vécue par les femmes, efficace et dépourvue de risques (accouchement prématuré en particulier). Afin de mieux évaluer le niveau de sécurité de cette pratique, il serait utile de standardiser la méthodologie, en particulier le moment de la grossesse où l’expression est débutée, en prenant en compte le fait que l’accouchement pourra être déclenché entre 38 et 40 semaines de gestation chez les femmes diabétiques en fonction du contrôle du diabète. Il serait également nécessaire de documenter le volume de colostrum obtenu et celui qui a été donné au nouveau-né, ainsi que l’impact sur sa glycémie versus d’autres stratégies de gestion d’une hypoglycémie.
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