Publié dans le n° 176 des Dossiers de l'allaitement, novembre 2021.
D'après : Efficacy and safety of domperidone and metoclopramide in breastfeeding : a systematic review and meta-analysis. Shen Q et al. Breastfeed Med 2021 ; 16(7) : 516-29.
L’impression de ne pas avoir assez de lait est une raison majeure d’introduction d’une préparation pour nourrissons et de sevrage précoce. Si cette impression est souvent subjective, certaines mères ont des difficultés à obtenir une production lactée suffisante, en particulier les femmes qui doivent tirer leur lait pour leur nourrisson prématuré ou malade. Les interventions non pharmacologiques sont souvent efficaces pour remédier à ce problème (augmentation de la fréquence des tétées ou des séances d’expression du lait…), l’utilisation d’un produit galactogène sera envisagée si les mesures conservatoires n’ont pas permis d’augmenter suffisamment la production lactée. Les molécules ayant un impact galactogène les plus prescrites sont la dompéridone et le métoclopramide. Le but de cette méta-analyse était de faire le point sur l’efficacité et l’innocuité de ces deux molécules.
Les auteurs ont recherché toutes les études publiées jusqu’au 6 janvier 2021. Ils ont pris en compte les études randomisées menées auprès de mères d’enfants à terme ou de prématurés, ayant une production lactée adéquate ou insuffisante (quelles que soient les définitions données pour la production lactée insuffisante), comportant un groupe intervention traité par dompéridone ou métoclopramide, et un groupe témoin prenant un placebo ou un autre produit galactogène. Les études devaient évaluer l’impact sur la production lactée et les éventuels effets secondaires chez la mère et l’enfant. Deux des auteurs ont recherché de façon indépendante tous les titres susceptibles de correspondre, en ont analysé les résumés, puis le texte intégral des études retenues sur la base de leur résumé, et ont sélectionné les études correspondant à tous les critères d’inclusion. Ils en ont extrait les données et les ont rentrées dans un tableur. La fiabilité des études a été évaluée à l’aide de l’échelle de la Cochrane, et elles ont été réparties en trois catégories : qualité élevée, indéterminée ou basse.
Parmi les 40 études dont le texte intégral a été évalué, 16 études incluant au total 729 femmes ont finalement été retenues pour analyse qualitative, 14 d’entre elles permettant une méta-analyse quantitative. 10 avaient été menées dans des pays industrialisés (Australie, Belgique, Canada, Finlande, Grande-Bretagne, Hongrie, États-Unis) et les 6 autres dans des pays à revenus moyens à faibles (Inde, Indonésie, Iran, Pakistan et Thaïlande). 8 études présentaient des biais difficilement évaluables dans le domaine de la randomisation, 6 études présentaient des biais d’attrition, et la plupart des études présentaient un risque indéterminé de biais concernant le protocole d’étude.
9 études sur la dompéridone fournissaient des données sur le volume de la production lactée. 8 d’entre elles l’avaient suivi en continu, et constataient une augmentation significative chez les mères d’enfants à terme ou de prématurés ayant une faible production lactée. La 9e étude l’avait suivi en tant que variable dichotomique et constatait une augmentation significative de la production lactée chez des mères d’enfants à terme ayant une faible production lactée. 6 études sur le métoclopramide avaient toutes suivi en continu le volume de la production lactée, avec des résultats contradictoires. 2 études rapportaient une augmentation significative de cette production chez des mères d’enfants à terme ayant une production lactée suffisante. Une autre étude constatait une augmentation de la production lactée chez des mères ayant une faible production lactée (sans fournir de précisions sur l’âge gestationnel des enfants). Les 3 autres études ne constataient aucun impact significatif du métoclopramide chez des mères d’enfants à terme ou de prématurés. Par ailleurs, 2 études comparaient la dompéridone et le métoclopramide chez des mères d’enfants à terme et de prématurés, et concluaient à une efficacité plus élevée de la dompéridone, la différence d’impact entre les 2 produits n’étant toutefois pas statistiquement significative.
9 études sur la dompéridone ont pris en compte les éventuels effets secondaires chez la mère et/ou l’enfant. 5 n’ont constaté aucun effet secondaire. Les 4 autres rapportaient des effets mineurs chez la mère (bouche sèche, troubles du sommeil, céphalées, nausées, agitation, troubles digestifs…). Une seule étude a spécifiquement recherché les effets secondaires cardiaques. Aucune femme n’a présenté d’augmentation de l’intervalle QT ; un intervalle QT long a été constaté chez 2 enfants du groupe intervention et 3 enfants du groupe placebo, sans aucun signe clinique. 6 études sur le métoclopramide ont noté les effets secondaires maternels et/ou infantiles. Une seule étude n’a constaté aucun effet secondaire, les 5 autres études ayant rapporté des effets secondaires chez la mère (céphalées, anxiété et dépression étant les plus fréquents). Dans cette analyse, la prévalence des effets secondaires était globalement similaire avec ces 2 molécules, contrairement à la conclusion d’une étude observationnelle incluant 1 990 mères, qui concluait que les effets secondaires étaient 3,6 fois moins nombreux chez les mères prenant de la dompéridone que chez celles prenant du métoclopramide. Ce point nécessite d’autres études portant sur davantage de mères.
Cette analyse présente des limitations : hétérogénéité des études prises en compte sur le plan de l’âge gestationnel des enfants, des définitions utilisées pour qualifier la production lactée… ce qui limite la fiabilité des résultats. Les études randomisées restent peu nombreuses et incluent peu de femmes, et leur qualité étaient faible à moyenne, en particulier pour les études plus anciennes. Globalement, les données actuelles sont en faveur d’une certaine efficacité de la dompéridone pour augmenter la production lactée chez des mères de prématurés. Des études prospectives incluant davantage de femmes et menées selon une méthodologie rigoureuse sont nécessaires afin d’améliorer la gestion d’une production lactée insuffisante.
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