Publié dans le n° 176 des Dossiers de l'allaitement, novembre 2021.
D'après : FPIES in exclusively breastfed infants : two case reports and review of the literature. Baldo F et al. It J Pediatr 2020 ; 46 : 144.
Le syndrome d’entérocolite induite par les protéines alimentaires (SEIPA) est une allergie alimentaire non IgE médiée qui touche habituellement les bébés pendant la 1ère année de vie. La réaction allergique induit une augmentation de la perméabilité intestinale et un passage liquidien vers la lumière intestinale, avec pour conséquence des vomissements et une diarrhée. Un seul aliment est en cause dans 65-80 % des cas, 2 ou plus dans les autres cas. Le lait de vache est le principal aliment en cause, suivi par le soja et les céréales. Il existe des formes aiguës et chroniques de SEIPA. Les manifestations cliniques débutent habituellement au moment de l’introduction d’une préparation pour nourrissons ou des solides, mais des cas de SEIPA ont été rapportés chez des nourrissons exclusivement allaités, suite à la présence dans le lait maternel de faibles quantités de protéines provenant de l’alimentation maternelle. Les auteurs rapportent 2 cas de SEIPA chez des enfants exclusivement allaités.
Ce nourrisson de 2 mois a été amené aux urgences suite à 2 épisodes de vomissements et 5 épisodes de diarrhée non sanglante ni muqueuse pendant les jours précédents. Auparavant, il avait présenté quelques épisodes espacés de diarrhée et il avait une distension abdominale modérée mais persistante. Il était né à 39 semaines de gestation, spontanément et par voie basse après une grossesse normale, avec un poids de 3 480 g. Avant les épisodes à l’origine de la consultation, il était en bonne santé et sa prise de poids était satisfaisante. À l’examen, le bébé était pâle et agité, sa température était de 37,8°C et il était légèrement déshydraté. On lui a administré en IV un bolus de 20 ml/kg de sérum physiologique, suivi par une réhydratation continue. Son taux de CRP était légèrement élevé et il présentait une hypo-albuminémie, le reste du bilan étant normal. Un prélèvement sanguin pour hémoculture a été effectué et on a débuté une antibiothérapie par ceftriaxone en IV. Le bilan radiologique n’a rien retrouvé et l’hémoculture était négative. La mère continuait à l’allaiter et la réhydratation a permis une amélioration significative de la clinique, mais le bébé continuait à avoir quotidiennement 12 à 15 selles liquides et vertes, et on a constaté une perte de poids de 200 g en 48 heures. Les 2 jours suivants et en dépit de la réhydratation en IV, le bébé a développé une sérieuse déshydratation hypernatrémique et une acidose métabolique. Une voie centrale a été posée et on a débuté une alimentation parentérale. L’allaitement a été suspendu, car l’enfant était hypotonique et n’arrivait plus à téter. Remarquablement, cela a induit une amélioration immédiate et franche des symptômes, ainsi que la normalisation du bilan biologique. Mais dès que la mère a repris l’allaitement, la diarrhée a récidivé. On a commencé par suspecter une pathologie métabolique, mais rien dans les multiples bilans effectués ne suggérait une telle pathologie. On a donc suspecté un SEIPA induite par une protéine alimentaire passant dans le lait maternel. La mère avait déjà supprimé les produits laitiers de son alimentation. Il a donc été décidé de suspendre l’allaitement, l’enfant recevant une formule à base d’acides aminés. Pendant les 72 heures suivantes, la diarrhée s’est atténuée, puis a disparu, et le bébé a recommencé à prendre du poids. Les tests cutanés étaient négatifs pour les protéines du lait de vache et le soja. On a proposé aux parents de faire un test de réintroduction, mais ils ont refusé en raison de la sévérité des problèmes survenus chez leur bébé. Ce dernier a donc continué à être nourri avec la formule d’acides aminés. Il la prenait toujours à 6 mois et son développement était normal.
Ce nourrisson de 3 mois a été amené aux urgences pour des vomissements et une diarrhée persistant depuis 3 jours, sans fièvre associée. Il était né à 39 semaines de gestation, spontanément et par voie basse, après une grossesse normale, avec un poids de 3 210 g. Il était auparavant en bonne santé et sa croissance était normale. À l’examen, il était pâle et hypotonique, et il avait perdu 6 % de son poids ces derniers jours. Il présentait une légère anémie, une leucocytose à mononucléaires, une thrombocytose, une hypoalbuminémie et un déséquilibre ionique. Il a été mis sous perfusion de sérum physiologique pour réhydratation. Un bilan a été effectué à la recherche d’une infection bactérienne, virale ou parasitaire, puis il a été mis sous antibiothérapie par rifampicine en IV, puis par gentamycine par voie orale, sans aucune amélioration clinique ou biologique. On a alors commencé à lui administrer un supplément minéral, ainsi qu’une perfusion de globules rouges et de plasma, puis on a introduit une alimentation parentérale en plus de la poursuite de l’allaitement. De nombreux examens ont été effectués à la recherche d’une pathologie métabolique ou génétique et d’une infection, sans aucun résultat. Le bébé a alors développé une hypotonie majeure. L’IRM cérébrale et l’électromyographie étaient normales. Une fibroscopie de l’œsophage, de l’estomac et du duodénum avec biopsies a constaté une infiltration à éosinophiles au niveau duodénal, ce qui a amené à envisager un SEIPA lié aux protéines du lait de vache. La mère a immédiatement supprimé tous les produits laitiers de son alimentation, ce qui a induit une amélioration lente mais notable de l’état clinique du bébé. On a également donné à ce dernier une formule d’acides aminés qui a induit une normalisation rapide du transit et du tonus musculaire, ainsi qu’une reprise de la croissance et une amélioration des bilans biologiques. On a proposé aux parents un test de réintroduction, mais ils ont refusé. L’enfant est sorti du service en étant partiellement nourri avec la formule d’acides aminés, la mère poursuivant l’allaitement et le régime d’exclusion des produits laitiers. L’enfant a été régulièrement suivi pendant les 9 mois suivants, et aucune récidive n’est survenue. Il a commencé à recevoir des solides à partir de 6 mois (sans produits laitiers à base de lait de vache ni soja). Un test de réintroduction des protéines du lait de vache est planifié.
Le SEIPA est bien connu chez le nourrisson. Il survient habituellement lorsqu’il commence à recevoir directement le ou les aliments en cause. Toutefois, des cas de SEIPA chez des nourrissons exclusivement allaités ont été rapportés, qui débutent entre 15 jours et 6 mois post-partum. Ces cas évoluent le plus souvent de façon chronique (selles diarrhéiques, vomissements sporadiques, distension abdominale) avec des épisodes aigus (diarrhée profuse, vomissements importants, déshydratation sévère), mais des nourrissons ont présenté d’emblée une forme aiguë et d’autres peuvent ne présenter qu’une forme chronique. Les protéines du lait de vache sont la principale cause de SEIPA. Dans tous les cas rapportés par la littérature, la mère de l’enfant allaité a débuté un régime d’exclusion. Une formule d’acides aminés a été donnée à certains enfants pour confirmer le diagnostic de SEIPA, accélérer la guérison et améliorer l’état nutritionnel du bébé. Peu de parents ont accepté de faire un test de réintroduction, ce qui peut se comprendre au vu de la sévérité des problèmes survenus chez leur enfant. La base du traitement est la poursuite de l’allaitement exclusif avec un régime maternel d’éviction de l’aliment causal. Si la mère souhaite arrêter l’allaitement, ou s’il est nécessaire d’améliorer plus rapidement l’état clinique de l’enfant, une formule d’acides aminés pourra être donnée.
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