Publié dans le n° 177 des Dossiers de l'allaitement, décembre 2021
D'après : Antiemetics and breastfeeding. Anderson PO. Breastfeed Med 2021 ; 16(7) : 508-10.
Les antiémétiques sont prescrits dans diverses situations induisant des nausées et des vomissements (période post-opératoire, traitement anticancéreux, mal des transports…). L’auteur fait le point sur les produits les plus souvent utilisés.
Les antihistaminiques
Ces produits sont actuellement les plus utilisés : diménhydrinate (un sel de diphénydramine – Cloranautine®, Dramamine®, Nausicalm®), hydroxyzine (Atarax®), méclozine (Agyrax®) et prométhazine (Phénergan®). Il n’existe quasiment aucune donnée sur l’excrétion lactée de ces produits. Une étude menée auprès de mères allaitantes constatait que 10 % de celles prenant cette classe de molécules rapportaient des effets secondaires chez leur bébé (essentiellement sédation, mais parfois irritabilité). De plus, des données suggèrent que ces produits peuvent interférer avec la lactation. À doses élevées, les antihistaminiques peuvent abaisser le taux basal de prolactine en post-partum précoce, mais ils n’ont pas d’impact sur le pic sérique induit par les tétées. Les antihistaminiques de première génération avaient un impact anticholinergique, et les anticholinergiques inhibent la lactation chez les animaux.
Les dérivés de la phénothiazine
Ils sont les produits les plus anciennement prescrits en cas de nausées et de vomissements. Il n’existe aucune donnée concernant l’utilisation pendant l’allaitement de la prochlorpérazine (Stemetil®), de la métopimazine (Vogalène®, Vogalib®) ou de la thiéthylpérazine. Il existe des données sur la chlorpromazine, qui est excrétée dans le lait à un taux qui ne semble pas corrélé à la posologie ou au taux sérique de la mère. Des cas de somnolence ont été rapportés chez des enfants allaités par une mère sous chlorpromazine. Les données limitées sur l’excrétion lactée de la perphénazine, prescrite à des doses allant jusqu’à 24 mg/jour, qui ont constaté une faible excrétion lactée. Il existe des données limitées sur l’impact à long terme de la prise maternelle des dérivés de phénothiazine dans le cadre d’un traitement psychiatrique, et aucun impact négatif n’a été constaté chez les enfants lorsque ce dérivé était le seul traitement pris. À noter que les phénothiazines augmentent le taux sérique de prolactine, ce qui est un avantage pendant l’allaitement.
Les antagonistes de la dopamine
L’amisulpride (Solian®) est surtout utilisé en tant que psychotrope, et son excrétion lactée a été recherchée dans ce cadre. En cas de prise au long cours, l’enfant allaité est exposé à 6-11 % de la dose maternelle ajustée pour le poids. En cas de prise ponctuelle, courante en cas de nausée, l’exposition sera plus faible. Sa demi-vie est de 4-5 heures. Certains estiment préférable de suspendre l’allaitement pendant 12 à 24 heures après sa prise. Il est utilisable pendant l’allaitement, mais il est préférable d’utiliser d’autres produits. Le dropéridol (Droleptan®) est un neuroleptique, mais il est également utilisé comme antiémétique en post-opératoire. Il n’existe aucune donnée sur son excrétion lactée.
La dompéridone (Motilium®, Oropéridys®, Péridys®), et le métoclopramide (Anausin®, Primpéran®, Prokinyl®) ont été plus particulièrement étudiés en raison de l’un de leurs effets secondaires, l’augmentation du taux sérique de prolactine, qui a amené à les utiliser comme galactogènes. Dans ce cadre, la posologie habituelle de métoclopramide est de 30 à 45 mg/jour en 3 à 4 prises, avec une réponse dose-dépendante jusqu’à 45 mg/jour. Il est habituellement utilisé pendant 7 à 14 jours à cette posologie, avec diminution progressive de la dose sur 5-7 jours. L’enfant absorbait au maximum 0,032 à 0,040 mg/kg/jour, ce qui correspond à moins de 10 % de la dose utilisée en pédiatrie (0,5 mg/kg/jour). Aucun effet secondaire documenté n’a été rapporté chez les enfants allaités par des mères traitées par métoclopramide. La dompéridone est prescrite à la posologie de 10 à 20 mg 4 fois par jour pendant une durée variable suivant les mères. La quantité de dompéridone excrétée dans le lait est estimée à moins de 7 µg/jour aux posologies les plus élevées recommandées, ce qui représente moins du millième de la posologie utilisée en pédiatrie (0,75 à 1 mg/kg/jour). Aucun effet secondaire n’a jamais été rapporté chez un enfant allaité par une mère traitée par dompéridone.
Les sétrons
Ce sont des antagonistes des récepteurs 5-HT3 à la sérotonine. Ils sont utilisés dans divers cadres (nausées post-chirurgicales par exemple), et à doses nettement plus élevées pour la gestion des nausées et des vomissements induits par les traitements anticancéreux. Il n’existe aucune donnée sur l’excrétion lactée du dolasétron (Anzemet®), du granisétron (Kytril®), de l’odansétron (Zophren®), du palonosétron (Akynzéo®, Aloxi®) ou du tropisétron (Navoban®). Certains d’entre eux sont utilisés chez des nourrissons. C’est en particulier le cas de l’odansétron, qui semble donc être le produit de première intention chez la mère allaitante dans cette classe de produits.
Les antagonistes du récepteur de la neurokinine-1
Ils sont essentiellement utilisés dans le cadre des traitements anticancéreux. Il n’existe au-cune donnée sur l’utilisation pendant l’allaitement de l’aprépitant (Emend®), du fosaprépi-tant, du nétupitant (Akynzeo®), du fosnétupitant (une prodrogue du nétupitant) ou du rolapitant.
Divers
Le dronabinol (Marinol®) est un delta-9-tétrahydrocannabinol synthétique, agoniste des récepteurs cannabinoïdes.
Les cannabinoïdes stimulent l’appétit et atténuent la nausée et les vomissements. Il n’existe pas de données sur son excrétion lactée, mais des études sur des femmes utilisatrices de cannabis ont constaté que les cannabinoïdes étaient excrétés dans le lait maternel. La scopolamine est essentiellement utilisée dans le cadre d’un traitement anticancéreux. Il n’existe aucune donnée sur son excrétion lactée. Elle peut abaisser la production lactée.
En conclusion
De nombreux produits peuvent être utilisés comme antinauséeux, mais l’excrétion de la grande majorité d’entre eux est inconnue. Les posologies utilisées chez les personnes traitées pour un cancer sont habituellement plus élevées, mais la chimiothérapie anticancéreuse est habituellement une contre-indication à l’allaitement. Dans la majorité des autres circonstances d’utilisation, leur utilisation est ponctuelle, ce qui limite fortement le risque pour le bébé allaité. Globalement et au vu des données existantes, la dompéridone et le métoclopramide (ce dernier ayant des effets secondaires plus fréquents et une excrétion lactée plus importante) sont bien étudiés en raison de leur utilisation comme galactogènes pharmaceutiques. La dompéridone constitue donc un bon choix pendant l’allaitement. Une autre possibilité est l’ondansétron, dont l’excrétion lactée n’a pas été évaluée mais qui est utilisé chez les nourrissons.
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