Publié dans le n° 177 des Dossiers de l'allaitement, décembre 2021.
D'après : Respiratory drugs during breastfeeding. Anderson PO. Breastfeed Med 2019 ; 14(9) : 613-5.
L’hiver est la période des rhumes, angines et autres affections respiratoires, qui toucheront également les mères allaitantes. Divers produits, souvent en vente libre, sont utilisés pour les traiter.
Les antihistaminiques
Ils sont répartis en produits de 1re et de 2e génération, ceux de 1re génération ayant globalement un impact sédatif et anticholinergique plus important. Toutefois, un produit de 2e génération comme la cétirizine (Virlix®, Zyrtec®) a un impact sédatif et anticholinergique significatif. Les antihistaminiques les plus couramment utilisés ont été évalués sur le plan de leur excrétion lactée. La diphénhydramine (Mercalm®, Nausicalm®, Nautamine®) est également utilisée comme anti-nauséeux. Elle a induit une sédation chez un des 12 enfants exposés à ce produit dans une étude. Globalement, des effets secondaires mineurs ont été rapportés chez 7 enfants sur un total de 60, la mère étant traitée par un antihistaminique de 1re génération. Aucun effet secondaire n’a été rapporté avec les antihistaminiques de 2e génération.
Les produits ayant une activité anticholinergique peuvent inhiber la lactation, apparemment en raison de leur impact sur la sécrétion d’hormone de croissance et d’ocytocine. Ils peuvent abaisser le taux de prolactine chez des femmes non allaitantes, et les antihistaminiques de 1re génération pris à fortes doses peuvent abaisser le taux de prolactine en début de lactation. Toutefois, il semble que l’augmentation du taux de prolactine induite par la succion n’est pas affectée par l’administration d’un antihistaminique. Il n’existe pas de données sur l’impact éventuel de doses plus faibles d’antihistaminiques de 1re génération ou de la prise d’antihistaminiques de 2e génération.
Les décongestionnants
La pseudoéphédrine (généralement associée à du paracétamol ou de l’ibuprofène) est excrétée dans le lait maternel à un taux probablement trop faible pour induire des effets secondaires chez l’enfant allaité, mais elle peut parfois induire chez lui une irritabilité. Cependant, une dose unique de pseudoéphédrine de 60 mg abaisse la production lactée à court terme de 25 %, et une prise régulière pourra donc interférer avec la lactation. La pseudoéphédrine a même été proposée pour le traitement d’une production lactée surabondante. Les mères chez qui la lactation n’est pas encore bien établie ou celles qui ont du mal à avoir une production lactée suffisante ne devraient pas prendre de pseudoéphédrine.
La pseudoéphédrine pouvant être utilisée pour la synthèse illicite de méthamphétamine, elle est de plus en plus remplacée par la phényléphrine (Hexarhume®) dans les spécialités en vente libre. Toutefois, elle n’est guère plus efficace qu’un placebo lorsqu’elle est prise par voie orale en raison de sa faible biodisponibilité et de son élimination rapide. Chez les animaux, son administration en intraveineuse induisait une baisse marquée de la production lactée. Son utilisation en spray nasal (Humoral®) est efficace et peu susceptible d’avoir un impact chez l’enfant allaité, mais elle est corrélée à un risque important de rebond de la congestion dès son arrêt. Globalement, l’oxymétazoline en spray nasal (Aturgyl®, Déturgylone®, Pernazène®) est le meilleur choix en matière de décongestionnant nasal, même s’il est recommandé de ne l’utiliser que pendant quelques jours d’affilée.
Les antitussifs
Il n’existe aucune donnée sur l’excrétion lactée de la guaïfénésine (en association dans diverses spécialités) ou sur son éventuel impact chez l’enfant allaité. Toutefois, un quelconque impact négatif est peu probable. De nombreux antitussifs sont disponibles. Le miel peut être efficace et il ne présente aucun danger. De nombreux antitussifs sont des opiacés (codéine – Dafalgan®, Codoliprane®… – ou hydrocodone par exemple) qui sont susceptibles d’induire une sédation et une dépression respiratoire chez le nourrisson allaité s’ils sont pris à doses élevées. S’ils sont utilisés, il est nécessaire de respecter les posologies recommandées pour un impact antitussif (qui sont plus basses que lorsque ces opiacés sont utilisés comme antalgiques).
Il n’existe pas non plus de données sur l’excrétion lactée du dextrométhorphane (nombreuses spécialités). Aux posologies habituelles, il est peu probable que ce produit puisse induire un effet secondaire chez le bébé allaité, en particulier s’il a plus de 2 mois. Il n’existe aucune donnée sur l’excrétion lactée du benzonatate. Par ailleurs, il est prudent d’éviter les antitussifs contenant un taux élevé d’alcool pendant l’allaitement.
Les corticoïdes
Ils sont administrés en inhalation essentiellement pour le traitement de l’asthme et des rhinites allergiques. Si leur excrétion lactée après inhalation n’a pas fait l’objet d’études, elle a été évaluée après administration orale et parentérale. Leur excrétion lactée est faible et ils sont rapidement éliminés. Aucun effet secondaire n’a été rapporté chez un bébé allaité par une mère traitée par un quelconque corticoïde pris par voie orale ou parentérale, et aucune suspension de l’allaitement n’est nécessaire suite à leur utilisation, même parentérale.
Les bronchodilatateurs
Les bêta-agonistes (ou bêta-adrénergiques) sont couramment utilisés en tant que bronchodilatateurs. Le salbutamol (Ventoline®) est le produit à courte demi-vie le plus couramment utilisé dans cette classe. Le lévosalbutamol est l’isomère R du salbutamol. Il n’existe pas de données sur leur excrétion lactée, mais celles disponibles sur la terbutaline (Bricanyl®), un produit proche sur le plan pharmacologique, indiquent un très faible transfert lacté. Les bronchodilatateurs à longue durée d’action tels que le formotérol (Asmelor Novolizer®, Foradil®), l’olodatérol (Striverdi Respimat®), le salmétérol (Sérévent®) et le vilantérol (uniquement en association) administrés en inhalation sont tous peu susceptibles d’avoir un impact sur le bébé allaité.
Des anticholinergiques sont également utilisés dans cette indication : aclidinium, ipatropium (Atrovent®), glycopyrronium (Seebri Breezhaler®), tiotropium (Spiolto Respimat®, Spiriva®), umeclidinium (Anoro Ellipta®, Incruse Ellipta®). Tous ces produits administrés par inhalation sont des ammoniums quaternaires, et ils passent très peu dans le sang à partir des poumons. Il n’existe aucune étude sur leur excrétion lactée, mais leurs caractéristiques pharmacocinétiques font qu’un passage lacté significatif est hautement improbable. Ils sont souvent combinés à un bêta-agoniste dans les spécialités commercialisées. Leur impact potentiel sur l’allaitement n’est pas connu, mais ils sont peu susceptibles de poser un problème dans ce domaine. Même si la terbutaline est le seul produit dont l’excrétion lactée a été étudiée, la plupart des spécialistes estiment que les bronchodilatateurs inhalés sont utilisables pendant l’allaitement en raison de leur faible biodisponibilité orale et de leur faible taux sérique.
La théophylline (Dilatrane®, Euphylline®, Tédralan®, Théostat®) est utilisée par voie orale. Elle peut éventuellement induire une irritabilité chez le nourrisson allaité, en particulier s’il s’agit d’un nouveau-né ou d’un prématuré. Elle peut être utilisée, à la posologie efficace la plus basse possible et en surveillant le nourrisson. Suspendre l’allaitement pendant 2 heures après administration intraveineuse ou 4 heures après prise orale d’une forme à libération immédiate abaissera le niveau d’exposition du bébé allaité, mais ce ne sera pas le cas si elle est prise sous une forme à libération prolongée.
Les inhibiteurs de la phosphodiestérase-4
Le roflumilast est utilisé dans les pathologies obstructives pulmonaires chroniques afin d’abaisser le niveau d’inflammation. Il n’existe aucune donnée sur son utilisation pendant l’allaitement. Il est lié à > 97 % aux protéines plasmatiques, ce qui laisse supposer que son excrétion lactée est faible, mais il est préférable de l’éviter pendant l’allaitement.
En conclusion
Globalement, la majorité des produits utilisés pour le traitement de pathologies respiratoires peuvent être utilisés pendant l’allaitement. Les produits administrés en inhalation ne présentent aucun risque pour le bébé allaité ou en présentent peu. Les corticoïdes aux doses habituellement utilisées ne nécessitent aucune précaution particulière pendant l’allaitement. Les antihistaminiques et la pseudoéphédrine peuvent parfois induire des effets secondaires mineurs chez le bébé et abaisser la production lactée, et il est donc préférable de les éviter, en particulier pendant les premières semaines du post-partum. La théophylline peut être utilisée à faible dose en surveillant l’enfant.
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