Publié dans le n° 181 des Dossiers de l'allaitement, avril 2022.
D'après : Acute hyponatremia after a religious fast. Rosen RJ, Bomback AS. AACE Clin Case Rep 2021 ; 7(4) : 236-8.
Des cas d’hyponatrémie pouvant être mortels ont été rapportés chez des personnes par ailleurs en bonne santé, qui ont été soumises à un exercice physique intense et/ou à une forte chaleur, et qui ont ensuite consommé une quantité excessive de liquides. Il semble que la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) puisse aggraver ce type d’hyponatrémie. Les auteurs rapportent un tel cas chez une femme allaitante.
Cette femme de 24 ans s’est présentée aux urgences d’un CHU de New York (États-Unis) pour des céphalées et des nausées. Elle avait accouché par voie basse 1 mois plus tôt. Pour des raisons religieuses, elle n’avait rien mangé ni bu pendant 20 heures d’affilée, la veille de sa visite aux urgences. Elle a continué à allaiter pendant toute cette période. Elle a commencé à souffrir d’une céphalée modérée et a constaté que sa production lactée avait baissé. À la fin de la période de jeûne, elle a bu 2 l d’eau et 350 ml de Gatorade, et elle a pris 400 mg d’ibuprofène. Pendant les heures suivantes, la céphalée s’est aggravée et elle a commencé à souffrir d’importantes nausées. Elle a bu 1,6 l d’eau supplémentaire, a repris 400 mg d’ibuprofène et a consommé un peu de soupe de légumes et des bretzels. Elle a précisé qu’elle avait bu autant d’eau non parce qu’elle avait soif, mais parce qu’elle pensait que cela allait augmenter sa production lactée et corriger la déshydratation liée au jeûne total conduit en plein été. Devant la persistance des manifestations cliniques, elle a décidé d’aller aux urgences et elle a été hospitalisée avec suspicion d’hyponatrémie provoquée par des apports hydriques trop élevés.
À son admission, sa densité urinaire était dans les limites de la normale. Sa natrémie était à 124 mmol/l (normale : 135-145 mmol/l), son taux de chlore était à 87 mmol/l (normale : 98-107 mmol/l), son taux d’hémoglobine était à 11 g/dl (normale : 11,2-14,7 g/dl) avec un hématocrite à 32,1 % (normale : 33,8-43,3 %). On lui a administré 1 litre de sérum physiologique. Ses urines sont devenues très abondantes, avec une osmolarité urinaire à 81 mOsm/l (normale : 300-900 mOsm/l), les taux de sodium, potassium et chlore étant inférieurs à la limite de détection. 12 heures après son admission, sa natrémie était montée à 139 mmol/l. Sa natrémie était à 142 mmol/l 16 heures après son admission et elle est restée stable par la suite. Au suivi après 2 jours puis 2 mois, elle n’avait présenté aucune récidive et ne présentait aucune séquelle suite à cet épisode.
Une hyponatrémie aiguë induit un œdème cérébral qui provoque lui-même des nausées et des céphalées. L’hyponatrémie était modérée chez cette femme, mais l’importance des manifestations cliniques était probablement en rapport avec la consommation d’un volume important de liquide en peu de temps (environ 4 litres en à peu près 4 heures, chez une femme de petite taille pesant 58 kg). On peut supposer que ces manifestations étaient en rapport avec l’augmentation de la sécrétion de vasopressine en réponse à l’hypovolémie, cette réponse étant augmentée en raison de la prise d’ibuprofène, les AINS potentialisant l’impact de la vasopressine au niveau des reins. Cette dernière empêchait l’excrétion urinaire de l’excès de liquides, ce qui aggravait la dilution sérique du sodium. La période de jeûne et les pertes en liquides, minéraux et autres solutés corrélées à la poursuite de l’allaitement peuvent également avoir participé à l’hyponatrémie. L’administration de sérum physiologique et l’arrêt de la prise d’ibuprofène ont permis de lever l’action de la vasopressine, ce qui a déclenché une diurèse importante, avec des urines très diluées. On n’a pas recherché son osmolarité sérique afin d’éliminer d’autres causes potentielles d’hyponatrémie, mais l’amélioration rapide de son état et l’absence de récidive suggèrent que l’hyponatrémie était bien liée aux apports liquidiens excessifs.
Des mères allaitantes peuvent décider de jeûner pour diverses raisons, et elles pourront alors demander l’avis de leur médecin. Les professionnels de santé consultés devraient informer ces mères sur le fait qu’une hyponatrémie est possible après une période de jeûne si la personne n’a pas absorbé suffisamment de sodium lors de la reprise des boissons et de l’alimentation. Par ailleurs, les femmes de petite taille et ayant d’autres pertes de minéraux et autres solutés (allaitement, diarrhée…) ont un risque plus élevé d’hyponatrémie et de séquelles dans ce type de circonstances. Les médecins devraient également conseiller à ces femmes d’éviter la prise d’AINS au décours d’un jeûne.
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