Publié dans le n° 181 des Dossiers de l'allaitement, avril 2022.
D'après : Management of idiopathic granulomatous mastitis in lactation : case report and review of the literature. Kornfeld HW, Mirchell KB. Int Breastfeed J 2021 ; 16 : 23.
La mastite granulomateuse idiopathique (MGI) est une inflammation chronique du sein, dont la présentation est proche de celle de l’abcès du sein ou du carcinome mammaire. Elle peut induire des tumeurs, des fistules, des collections liquidiennes, ainsi qu’une rétraction du tissu mammaire ou aréolaire dans la zone touchée. Le diagnostic sera fait sur l’échographie et la mammographie, ainsi que sur l’examen histologique d’une biopsie. Il n’y a pas de réel consensus concernant son traitement. Actuellement, on préconise toutefois des stratégies de traitement nettement moins agressives qu’auparavant, incluant l’aspiration des collections liquidiennes, l’injection locale de stéroïdes ou la prise de méthotrexate et d’azathioprine. Son traitement pendant l’allaitement pose des problèmes spécifiques sur le plan de la gestion des symptômes et de protection de l’allaitement. Les auteurs présentent un cas de MGI chez une mère allaitante.
Cette femme de 28 ans s’est présentée en consultation d’obstétrique alors qu’elle était enceinte de 7 mois de son 3e enfant, en raison d’un gonflement et d’un érythème au niveau du sein gauche depuis plusieurs mois. La mammographie et l’échographie ont constaté la présence d’une masse hypo-échogène mal définie à 10 heures et à 4 cm au-dessus du mamelon. La biopsie a confirmé la MGI. La recherche d’une tuberculose et d’une maladie auto-immune était négative. On lui a prescrit un traitement par stéroïdes, 30 mg/jour pendant 6 jours, suivi d’une baisse de la posologie de 5 mg/jour. Ce traitement a amélioré la symptomatologie et s’est terminé 3 semaines avant la date prévue pour la naissance. Cette dernière a été normale et la mère a commencé à allaiter avec les 2 seins. Son bébé tétait normalement le sein gauche avec des déglutitions audibles, mais la mère estimait avoir moins de lait de ce côté par rapport à ses 2 allaitements précédents, et elle n’arrivait pas à tirer son lait à partir de ce sein. À partir de 2 semaines post-partum, elle a introduit des suppléments de préparation pour nourrissons afin de maintenir une prise de poids satisfaisante chez son bébé (ce dernier a repris son poids de naissance à 2 semaines ½).
En raison de la récidive des signes cliniques au niveau du sein gauche, on a prescrit à la mère de la prednisone, 20 mg/jour, à partir de J15. Elle est revenue en consultation à 4 semaines post-partum en raison de l’aggravation des signes cliniques malgré le traitement. La prise de ce sein par l’enfant était douloureuse, et le bébé obtenait visiblement moins de lait à partir de ce sein. L’examen a constaté une masse volumineuse de 8 x 8 x 9 cm, sur tout le côté du sein. Le traitement par prednisone par voie orale a été arrêté sur 1 semaine, et la mère a reçu une injection de triamcinolone à 40 mg/ml au niveau de la zone mammaire concernée. La triamcinolone était censée persister dans le sein pendant 3 semaines, et on a conseillé à la mère d’arrêter l’allaitement avec le sein touché (la production lactée étant devenue très basse, elle n’a pas présenté d’engorgement suite à l’arrêt des mises au sein), et elle a décidé de tirer son lait à partir du sein droit en plus des tétées pour augmenter sa production lactée, l’enfant recevant aussi des suppléments de préparation pour nourrissons. Elle a également commencé à prendre des plantes galactogènes. Elle prenait de l’ibuprofène et du paracétamol en fonction de la douleur, et elle faisait des applications chaudes ou glacées en fonction des besoins. Au suivi 3 semaines plus tard, la mère avait le mamelon droit douloureux en raison de l’augmentation de la production lactée de ce côté, d’un engorgement mammaire, et du fait que son bébé serrait les gencives sur le sein pour limiter la rapidité de l’écoulement du lait. On a montré à la mère comment faire des massages du sein et mettre son bébé au sein en position d’allaitement instinctif (Biological Nurturing). Concernant le sein gauche, les signes locaux s’étaient améliorés même si une fistule était apparue, la masse ne faisant plus que 6 x 6 x 5 cm. Une nouvelle injection locale de triamcinolone a été effectuée.
Au suivi à 10 semaines post-partum (6 semaines après la 1re injection de triamcinolone), la fistule s’était fermée et la masse faisait 4 x 3 x 2 cm. La mère souhaitait reprendre les mises au sein du côté gauche. Il a été décidé de ne pas faire de nouvelle injection. 3 semaines plus tard, les signes locaux avaient de nouveau empiré, et la mère avait arrêté de donner le sein gauche en raison de la douleur. Une nouvelle fistule était apparue, ainsi qu’une nouvelle masse de 2 x 2 x 1 cm plus haut sur le sein. Des injections de triamcinolone ont été faites au niveau des 2 masses. 3 semaines plus tard, une 3e fistule était apparue, mais les autres signes locaux s’étaient améliorés. La mère a demandé à pouvoir reprendre l’allaitement avec le sein gauche, et on a mis en place un traitement par voie orale avec 30 mg/jour de prednisone pendant 6 jours, la posologie étant ensuite baissée de 5 mg tous les jours. Ce traitement a induit une amélioration graduelle des signes locaux. La mère a poursuivi l’allaitement avec les 2 seins et a sevré son bébé à 7 mois.
La MGI est une pathologie infectieuse chronique difficile à gérer. Ce cas montre qu’elle peut être traitée sans interrompre l’allaitement, même si celui-ci peut être difficile, voire impossible par périodes avec le sein touché. Il montre également que l’injection d’un stéroïde au niveau de la zone touchée semble être efficace. Le traitement d’une MGI pendant l’allaitement sera individualisé en fonction de la clinique et des souhaits de la mère concernant l’allaitement.
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