Publié dans le n° 181 des Dossiers de l'allaitement, avril 2022
D'après : Antenatal breastmilk expression for women with diabetes in pregnancy – a feasibility study. Johnsen M et al. Int Breastfeed J 2021 ; 16 : 56.
Le démarrage de l’allaitement sera plus difficile chez les mères diabétiques. Elles ont un risque plus élevé de complications pendant la grossesse et l’accouchement, ce dernier sera souvent déclenché, elles ont un taux plus élevé de césarienne, leurs enfants ont un risque plus élevé d’hypoglycémie et de transfert en néonatalogie, la montée de lait sera plus tardive chez ces mères et leurs enfants recevront plus souvent des suppléments. Le colostrum maternel est le premier choix si une supplémentation est nécessaire. Certains spécialistes ont donc suggéré de débuter l’expression du colostrum en fin de grossesse. Ce colostrum sera apporté à la maternité et pourra être donné au nouveau-né. Quelques études ont été publiées sur le sujet, mais les données restent insuffisantes. Le but de cette étude était d’évaluer la faisabilité de l’expression anténatale du colostrum chez les femmes enceintes diabétiques, afin de voir s’il était utile de rédiger un protocole pour cette pratique destiné à ces femmes.
Cette étude a été menée auprès de femmes suivies par le service d’obstétrique du CHU de Tromsø (Norvège), dans lequel environ 2 000 naissances surviennent tous les ans. Au moment de l’étude, les femmes diabétiques étaient systématiquement admises en maternité à 38 semaines pour un déclenchement de leur accouchement s’il n’était pas survenu spontanément auparavant. Les auteurs ont sélectionné les femmes enceintes d’un singleton et souffrant d’un diabète avec traitement médical, qui n’avaient pas d’antécédents d’accouchement prématuré, d’hémorragie ou de placenta praevia. Celles qui ont accepté de participer sont venues à une consultation spéciale 2 à 3 semaines avant la date prévue d’accouchement, pendant laquelle elles ont été informées sur l’expression anténatale du colostrum, incluant des vidéos et la distribution de feuillets d’information. On leur a donné le matériel nécessaire à cette expression (petits gobelets, seringues de 2 et 5 ml avec bouchons, étiquettes avec code-barre et sachets spéciaux pour ranger les seringues dans leur congélateur). On leur a suggéré de commencer à tirer leur colos-trum 3 à 5 fois par jour pendant au moins 10 minutes. Si elles ressentaient des contractions utérines ou un quelconque problème, elles devaient contacter une des personnes responsables de l’étude. Après leur accouchement, ces femmes ont reçu le suivi en vigueur dans ce service de maternité, avec mise en peau à peau immédiate, première mise au sein précoce et suivi de la glycémie 3 fois par jour pendant 24 heures à partir de 2 heures post-partum, ce suivi étant ensuite arrêté si la glycémie était stable. On a noté le taux d’allaitement exclusif et partiel depuis la naissance jusqu’à la sortie de maternité, puis à 6-8 semaines post-partum. On a également demandé aux femmes leur point de vue sur cette intervention, et si elles la recommanderaient à d’autres femmes.
Parmi les 34 femmes éligibles pendant la période d’étude, 28 ont accepté de participer. Elles avaient 20 à 45 ans, 18 étaient primipares, 21 étaient en surpoids, 3 souffraient de diabète de type 1, 4 de diabète de type 2 et 21 d’un diabète gestationnel. L’accouchement a été déclenché chez 22 femmes, en moyenne à 38 semaines, et 18 ont accouché par voie basse, d’un enfant pesant 3 349 ± 484 g. Leur glycémie 2 heures après la naissance était de 2,9 ± 1,4 mmol/l, et elle était montée à 3,5 ± 0,8 mmol/l au 3e dosage. 7 enfants ont été transférés en néonatalogie. Toutes les femmes incluses avaient tiré leur colostrum jusqu’à leur accouchement. Aucune d’entre elles n’a rapporté d’inconfort ou d’effets indésirables. Toutes les femmes avaient une perception positive de cette intervention et toutes sauf une (qui trouvait que cela demandait trop de travail) la recommanderaient à une autre femme. 24 femmes ont apporté le colostrum exprimé à la maternité. 24 nouveau-nés ont reçu du colostrum maternel comme 1er repas, et les 24 enfants dont la mère avait apporté son colostrum en maternité en ont reçu en supplément à divers moments pendant les premières 24 heures. Au suivi à 6-8 semaines, 21 mères allaitaient partiellement ou exclusivement, incluant les mères des 7 enfants transférés en néonatalogie.
La principale limite de cette étude est qu’elle incluait peu de femmes et qu’elle ne comportait pas de groupe témoin. Il n’était donc pas possible d’en tirer des conclusions fiables. Les femmes incluses étaient très satisfaites et l’expression anténatale du colostrum n’a eu aucun impact négatif chez elles. Le taux d’allaitement à 6-8 semaines était élevé. L’expression anténatale du colostrum peut également augmenter la confiance en elle des mères, favoriser une montée de lait rapide et donc faciliter le démarrage de l’allaitement. D’autres études sur le sujet restent nécessaires.
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