Publié dans le n° 180 des Dossiers de l'allaitement, mars 2022.
D'après : Bone mineral density changes associated with pregnancy, lactation, and medical treatments in premenopausal women and effects later in life. Watts NB et al. J Women Health 2021 ; 30(10) : 1416-30.
Chez la femme, la masse osseuse atteint un pic à partir de 20 ans, avec un plateau qui se maintient jusqu’à la quarantaine. Elle baisse ensuite, cette baisse s’accélérant avec la ménopause. Toutefois, des variations de la densité osseuse peuvent survenir pendant la période de plateau pour des raisons physiologiques (grossesse et allaitement), la survenue de certaines pathologies (hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie…) ou la prise de certains médicaments (corticoïdes, antidiabétiques, anti-épileptiques, antipsychotiques, anti-dépresseurs IRS…). Ces variations sont susceptibles d’avoir un impact à long terme sur le risque d’ostéoporose et de fractures. Les auteurs font le point sur les données publiées sur le sujet.
Pour cette méta-analyse, ils ont recherché les études sur les facteurs influençant la densité osseuse publiées entre janvier 1987 et septembre 2020. Ils ont inclus les études évaluant l’impact de la grossesse, de la lactation, des pathologies et des traitements médicaux dans la mesure où ces études incluaient des mesures de la densité osseuse, ou la localisation des fractures (uniquement si elles étaient causées par la fragilité osseuse), et la période d’exposition aux facteurs pris en compte. La densité osseuse avait été recherchée par absorptiométrie biphotonique à rayons X (ou densitométrie minérale osseuse – DMO), le résultat étant comparé à un groupe témoin utilisé comme référence. En cas de fracture, leur risque devait être évalué par rapport aux résultats de la DMO et de l’âge de la femme, les fractures ostéoporotiques les plus courantes survenant au niveau de l’humérus, du radius, des vertèbres, du pelvis ou du col du fémur, le rôle de l’ostéoporose dans les fractures survenant à d’autres sites étant nettement plus douteux.
Le métabolisme du calcium et le statut osseux sont significativement modifiés pendant la grossesse, en raison d’une adaptation physiologique destinée à couvrir les besoins du fœtus et à préparer la lactation. Le remodelage osseux augmente, avec une baisse de la densité osseuse (DO) dès le début de la grossesse, la perte allant de < 1 % à 9 % entre la conception et l’accouchement, en fonction des études et des sites du squelette. Les données sur l’impact à long terme de ce remodelage osseux sont contradictoires, mais globalement il semble que la parité ait un impact positif modeste sur la DO par la suite. Les modifications du métabolisme osseux se poursuivent pendant la lactation pour couvrir l’excrétion lactée du calcium nécessaire à la croissance du bébé. Par ailleurs, la lactation induit une hypo-œstrogénie qui augmente le remodelage osseux. Là encore, la baisse physiologique de la DO varie suivant les études et les zones du squelette (1 à 8 %), avec une récupération dont la dynamique varie suivant la région du squelette. Il semble que la récupération au niveau des vertèbres lombaires soit plus tardive chez les femmes qui allaitent longtemps, probablement en raison d’une reprise plus tardive des cycles menstruels chez ces femmes. Les études sur l’impact à long terme des modifications liées à la lactation ne permettent pas de conclure, et d’autres études sur le sujet seraient nécessaires. De rares cas d’ostéoporose liés à la grossesse et à la lactation ont été rapportés, ces femmes ayant un risque important de fractures. Globalement, les données existantes suggèrent que la grossesse et la lactation abaissent transitoirement la densité osseuse, mais n’augmentent pas le risque d’ostéoporose et de fracture à long terme, la parité et l’allaitement semblant même abaisser ce risque.
L’acétate de médroxyprogestérone (Dépo-Provera) est un contraceptif progestatif couramment utilisé en post-partum, mais également dans la gestion de l’endométriose. Des études ont constaté que son utilisation était corrélée à une baisse de la DO qui augmente avec la durée d’utilisation, et peut se traduire par une augmentation du risque de fracture chez les femmes non ménopausées. Si des études ont constaté une récupération après arrêt de la prise, la perte osseuse peut ne pas être totalement réversible et ce produit semble augmenter légèrement le risque de fracture chez les femmes non ménopausées, raison pour laquelle on recommande de plus en plus de ne pas dépasser 2 ans d’utilisation. Les agonistes de la GnRH bloquent la production des hormones ovariennes. Ils sont utilisés dans le traitement de diverses pathologies gynécologiques (endométrioses, fibromes utérins…). La suppression de la fonction ovarienne s’accompagne d’une baisse de la DO. On les utilise en conjonction avec la prise d’un traitement augmentant le taux d’œstrogène afin de limiter la baisse de la DO. Les antagonistes de la GnRH sont utilisés dans les PMA. Ils induisent une baisse de la DO dose-dépendante et fonction de la durée du traitement, mais dans la majorité des cas la baisse de la DO est modeste et peut être contrée par la prise d’œstradiol. Tant les agonistes que les antagonistes de la GnRH ne semblent pas augmenter le risque de fracture chez les femmes non ménopausées. Toutefois, nous manquons encore de données fiables sur l’impact de ces produits sur le risque d’ostéoporose et de fractures.
Le risque de fracture est faible chez les femmes non ménopausées, mais il double pour chaque décennie de vie après 50 ans. Il est donc capital de prendre en compte le statut de la femme pour la ménopause pour évaluer l’impact de divers facteurs sur le risque d’ostéoporose et de fractures corrélées. Chez les femmes ménopausées, les données existantes ne montrent pas d’augmentation du risque d’ostéoporose et de fractures liées aux modifications osseuses pendant la grossesse et l’allaitement. Pour les produits cités plus haut, les données sont insuffisantes pour conclure, mais la combinaison de ces produits avec un traitement destiné à augmenter le taux d’œstrogène semble limiter significativement ce risque. Aux États-Unis, l’évaluation régulière de la DO est recommandée chez les femmes à partir de 65 ans, et plus tôt chez les femmes ayant des facteurs de risque d’ostéoporose (antécédents familiaux, tabagisme, faible masse corporelle…). En cas de baisse importante de la DO, un traitement pharmacologique pourra être entrepris pour limiter le risque de fractures. Il est toutefois important de noter qu’il existe d’importantes variations individuelles dans les limites de la normale, et qu’il n’existe pas de réel consensus concernant le seuil de DO sous lequel le risque de fracture augmente significativement.
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