Publié dans le n° 184 des Dossiers del'allaitement, juillet 2022.
D'après : Breastfeeding in cystic fibrosis : a systematic review on prevalence and potential benefits. Colombo C et al. Nutrients 2021 ; 13 : 3263.
La mucoviscidose (MV) est une pathologie génétique autosomique récessive qui touche plus de 90 000 personnes dans le monde. Elle est causée par une mutation au niveau d’un gène régulant le transport transmembranaire du sodium et du chlore, ce qui augmente fortement la viscosité de diverses sécrétions, avec un impact au niveau des poumons, du tractus digestif, des organes reproducteurs et des glandes sudoripares. Pendant longtemps on a déconseillé l’allaitement de ces enfants en raison du syndrome de malabsorption qu’ils présentent, le lait maternel étant considéré comme n’apportant pas suffisamment de nutriments et de calories. Toutefois, depuis 2016, des organisations recommandent l’allaitement exclusif de ces nourrissons avec un suivi étroit de leur statut nutritionnel. Le but de cette méta-analyse était de faire le point sur la prévalence de l’allaitement chez ces enfants, et l’impact de l’allaitement sur leur croissance et leur statut pulmonaire.
Les auteurs ont recherché toutes les études publiées en anglais sur le sujet jusqu’en décembre 2020 : études cliniques randomisées ou observationnelles prenant en compte les paramètres anthropométriques et le statut pulmonaire des enfants, ainsi que leur suivi médical. Parmi les 39 études retrouvées après une première recherche, 9 correspondaient aux critères d’inclusion et ont été incluses dans cette analyse. Les auteurs en ont extrait et classé les données, et en ont évalué la fiabilité. 6 études étaient des études rétrospectives de cohorte, 1 était une étude prospective de cohorte, 1 était une étude cas-témoin et 1 était une enquête. 4 avaient été menées aux États-Unis, 2 en Italie, 1 en France, 1 en Australie et 1 en Irlande. 7 étaient multicen-triques. Le risque de biais était relativement faible pour les études de cohorte et cas-témoin, même si la majorité des études ne prenaient pas en compte d’importantes variables confondantes ou le faisaient uniquement partiellement. Dans le cadre de l’enquête, seulement 27 % des personnes contactées ont répondu au questionnaire qui leur avait été envoyé.
Toutes les études ont rapporté la prévalence de l’allaitement. Cette prévalence était de 50 à 60 %. Elle était plus élevée chez les enfants qui avaient une fonction pancréatique correcte que chez ceux qui avaient une insuffisance pancréatique et avaient présenté un iléus méconial. Le taux d’allaitement était toutefois significativement plus bas que dans la population générale, ainsi que le taux d’allaitement exclusif. La prévalence de l’allaitement était toutefois difficile à évaluer car elle était mesurée à divers moments post-partum suivant les études. 6 études ont suivi la croissance des enfants et évalué l’impact de l’allaitement. Dans la majorité des études, l’allaitement n’avait pas d’impact statistiquement significatif sur la croissance des enfants. Une étude rétrospective de cohorte multicentrique constatait une baisse significative du z-score du poids pour l’âge pendant les 6 premiers mois uniquement chez les enfants qui avaient été exclusivement allaités pendant > 2 mois, tandis qu’une autre étude faisait état d’une relation positive entre la durée de l’allaitement exclusif et le poids pour l’âge à 3 mois, mais cette relation n’était plus constatée à 6 et 12 mois. Dans un petit sous-groupe d’enfants ayant présenté un iléus méconial, une corrélation positive était constatée entre l’allaitement et le z-score du poids pour l’âge à 12 et 24 mois. 7 études ont évalué l’impact de l’allaitement sur la fonction pulmonaire : toutes prenaient en compte les infections respiratoires et 2 évaluaient également divers indicateurs de la fonction pulmonaire. Une étude rapportait un taux plus bas d’infection pendant les 3 premières années chez les enfants allaités pendant > 4 mois. Une autre faisait état d’une utilisation plus basse d’antibiotiques pendant les 2 premières années chez les enfants qui avaient été exclusivement allaités pendant > 6 mois. Les études évaluant la prévalence de la colonisation par P. aeruginosa donnaient des résultats variables et peu concluants. Une étude prenait en compte le suivi radiologique des enfants et constatait un meilleur score chez les enfants qui avaient été allaités pendant > 2 mois.
Les initiatives de promotion de l’allaitement auprès des mères dont l’enfant souffre de mucoviscidose ont donné des résultats prometteurs sur la prévalence et la durée de l’allaitement. Ce dernier ne semble pas avoir d’impact significatif sur la croissance des enfants, mais les données sur le sujet étaient limitées et hétérogènes. L’impact de l’allaitement sur la fonction pulmonaire semble positif, mais les données restent succinctes et les études sont essentiellement rétrospectives et présentent divers biais. Les résultats de cette méta-analyse montrent que l’allaitement peut être recommandé aux mères de ces enfants, y compris pendant une longue période, moyennant un suivi régulier des enfants. Le fait que l’enfant présente un iléus méconial n’est pas une contre-indication. Des études cliniques randomisées menées selon un protocole rigoureux sont nécessaires pour mieux comprendre l’impact de l’allaitement chez les enfants souffrant de mucoviscidose.
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