Publié dans le n° 186 des Dossiers de l'allaitement, septembre 2022.
D'après : Considerations for lactation with Ehlers-Danlos syndrome : a narrative review. Francis J, Dickton DD. Int Breastfeed J 2022 ; 17 : 4.
Le syndrome d’Ehlers-Danlos est un groupe de pathologies génétiques rares touchant le tissu conjonctif (13 sous-types actuellement répertoriés). En 2016/2017, une enquête a constaté une prévalence allant jusqu’à 194 pour 100 000. Il se caractérise par une extensibilité cutanée, une hypermobilité articulaire et des fragilités tissulaires. Cela peut augmenter le risque de complications pendant la grossesse et l’accouchement. Son impact éventuel sur l’allaitement est mal connu, mais certaines de ses caractéristiques pourraient avoir un impact négatif. Par exemple, le poids des seins, en particulier pendant la montée de lait, peut tirer de façon très douloureuse sur les ligaments de Cooper. Le syndrome d’Ehlers-Danlos est peu connu par les professionnels de santé, le diagnostic pourra être porté tardivement, et ces professionnels sauront très rarement comment soutenir les mères qui en souffrent. Les auteurs ont recherché les articles publiés sur le sujet. Cet article fait le point sur les caractéristiques des mères souffrant de syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) susceptibles d’interférer avec l’allaitement et/ou l’expression du lait.
De nombreuses mères souffrant de SED seront frustrées devant l’incapacité des professionnels de santé à prendre en compte tous leurs symptômes afin de poser un diagnostic. Les personnes souffrant de SED peuvent se luxer ou se disloquer les articulations beaucoup plus facilement. Le simple poids du bébé pendant les tétées peut avoir cet impact. On pourra informer les mères sur les diverses positions d’allaitement, de façon à limiter les contraintes sur les épaules, coudes, poignets, doigts…, utiliser des coussins ou autres méthodes de soutien. La mère pourra consulter un ergothérapeute afin d’apprendre des stratégies pour améliorer sa conscience posturale et sa façon de bouger, et pratiquer des exercices physiques appropriés. En effet, ces mères peuvent adopter des postures pour soulager la fatigue musculaire : certaines postures sont susceptibles d’induire des lésions si elles sont conservées trop longtemps, et les mères devraient être prévenues sur l’intérêt de les modifier régulièrement.
Les personnes souffrant de SED endurent généralement différentes douleurs chroniques, le plus souvent articulaires. Ces douleurs nécessiteront une prise en charge analgésique adaptée. De nombreuses femmes souffrant de SED présentent des douleurs neuropathiques. Si le tissu conjonctif est hyperlaxe, ce n’est pas le cas des nerfs qui peuvent se retrouver douloureusement étirés. Le syndrome de Raynaud est également fréquent chez les personnes souffrant de SED, ainsi que les douleurs périphériques musculo-squelettiques et viscérales, qui peuvent être accentuées pendant la grossesse, suite à l’augmentation de la sécrétion de relaxine nécessaire à l’amplification de la flexibilité du pelvis en prévision de l’accouchement. Cette flexibilité pelvienne persiste pendant un certain temps en post-partum. L’utilisation d’une balle d’assise pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum, peut soulager la douleur et permettre également un travail ergonomique de renforcement musculaire. Des sessions de stimulation sensorielle, de stimulation transcutanée, des patchs de lidocaïne, des applications de packs chauffants, des bandes de kinésio taping (avec précaution en cas d’importante extensibilité cutanée), des injections intra-articulaires… pourront être utilisés pour soulager les mères en fonction des manifestations douloureuses. La fatigue est également fréquente, et elle sera aggravée par les soins à apporter à l’enfant. La mère sera encouragée à faire appel à toutes les ressources possibles (familles, amis, voisins…) pour être aidée dans les autres tâches afin de mieux pouvoir se consacrer à son bébé.
Les problèmes gastro-intestinaux sont également fréquents : constipation, diarrhée, reflux, nausées et douleurs abdominales. Si une mère souffre de diarrhée, elle sera encouragée à s’hydrater correctement, ce qui pourra être difficile en cas de nausées. Un suivi par un diététicien pourra être utile afin de veiller à ce que la mère ait une nutrition optimale, en particulier pendant l’allaitement. La fragilité de la peau augmente le risque de lésions des mamelons. Son élasticité importante pourra favoriser la survenue d’engorgements très importants et douloureux. Certaines mères pourront avoir un réflexe d’éjection très fort en raison des dysfonctionnements des fibres de collagène des muscles entourant les acini. D’autres mères auront au contraire des difficultés à avoir un réflexe d’éjection et devront utiliser des stratégies pour le faciliter (massages des seins, relaxation…). La dysautonomie est un dysfonctionnement du système nerveux autonome, qui régule par exemple la transpiration, la pression sanguine, le rythme cardiaque… De nombreuses personnes souffrant de SED ont également des manifestations de dysautonomie telles qu’une tachycardie orthostatique, des palpitations, des syncopes ou d’autres manifestations qui seront souvent qualifiées de crises d’angoisse. Si ces troubles pourront parfois nécessiter un traitement médicamenteux, des stratégies non médicamenteuses sont à tenter en première ligne (port de bas de contention, physiothérapie…). On peut par exemple recommander à la mère de poser son bébé avant de se lever lorsqu’elle est assise.
Il existe très peu de données sur les moyens d’aider une mère souffrant de SED dans son allaitement. Dans la mesure où chaque mère pourra avoir une gamme spécifique de signes cliniques, ce soutien devra être individualisé, et se fonder sur la collecte de données précises sur les problèmes rencontrés par la mère. Des études sont nécessaires sur cette pathologie et sur la gestion de l’allaitement chez les femmes qui en souffrent.
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