Publié dans le n° 189 des Dossiers de l'allaitement, décembre 2022.
D'après : Comparison of infant bone mineral content and density after infant daily oral vit D 400 IU supplementation versus nursing mother oral 6,400 IU supplementation : a randomized controlled lactation study. Andrews L et al. Breastfeed Med 2022 ; 17(6) : 493-500.
La vitamine D joue entre autres un rôle majeur dans l’homéostasie osseuse. Elle régule l’équilibre entre le taux sérique de calcium et de phosphore via la modulation de leur absorption intestinale, de leur intégration dans les os et de leur élimination. La principale source de vitamine D chez les humains est sa synthèse cutanée lorsque la peau est exposée aux UVB. Les bébés nés de mères à haut risque de carence en vitamine D (peau sombre, faible exposition au soleil…) ont eux aussi un risque majeur de carence en vitamine D, qui peut induire un rachitisme. Cette carence est fréquente à l’échelle mondiale. De nombreuses organisations professionnelles recommandent une supplémentation systématique avec 400 UI/jour chez les enfants allaités (les préparations pour nourrissons sont enrichies en vitamine D). Une alternative à cette supplémentation est de supplémenter la mère avec une dose suffisamment élevée (6 400 UI/jour). Des études ont constaté qu’une telle supplémentation permettait d’optimiser le statut maternel et infantile pour cette vitamine. Toutefois, l’impact des diverses stratégies de supplémentation sur la densité osseuse du bébé n’a pas été évalué. Le but de cette étude américaine était de comparer la densité osseuse (DMO) et le contenu minéral osseux (CMO) chez des enfants allaités suivant qu’ils étaient supplémentés avec 400 UI/jour de vitamine D ou que leur mère était supplémentée avec 6 400 UI/jour.
Les auteurs ont utilisé les données collectées par une étude prospective randomisée menée entre 2006 et 2011 auprès de mères allaitantes vivant à Charleston (Caroline du Sud) et à Rochester (État de New-York). Elle comparait plusieurs stratégies de supplémentation maternelle et/ou infantile. Les mères allaitaient exclusivement ou presque exclusivement (≥ 90 % de l’alimentation de l’enfant) et l’ont fait jusqu’à ≥ 4 mois, leur enfant était né à ≥ 35 semaines de gestation, il ne présentait pas de pathologie congénitale ou métabolique, la mère ne souffrait pas de diabète, d’hypertension, de pathologie thyroïdienne ou parathyroïdienne. Les taux sériques de calcium et de phosphore ont été recherchés à plusieurs reprises chez la mère et l’enfant pendant le suivi, ainsi que le taux de 25(OH)D (carence définie comme un taux < 50 nmol/l – 20 ng/ml) et le taux de PTH. La densité minérale osseuse (DMO) et le contenu minéral osseux (CMO) ont été recherchés par absorptiométrie biphotonique à rayons X chez l’enfant à 4 semaines, 4 mois et 7 mois.
Parmi les 334 mères randomisées dans les groupes 400 UI (enfant) ou 6 400 UI/jour (mère), 148 allaitaient toujours exclusivement à 4 mois et ont fourni les données à ce moment, ainsi que 95 mères à 7 mois. Les caractéristiques des groupes 400 et 6 400 UI/jour étaient similaires au départ de l’étude. Les mères d’origine africaine étaient significativement plus nombreuses à présenter une carence en vitamine D que les autres mères, et de nombreux enfants, en particulier parmi ceux appartenant à des minorités, présentaient une sévère carence en vitamine D à 1 mois. Les mères du groupe 400 UI étaient significativement plus nombreuses à présenter une carence en vitamine D à 4 mois que celles de l’autre groupe. Chez les enfants, les divers paramètres biologiques étaient similaires dans les 2 groupes à 4 et 6 mois. De même, tous les paramètres de la croissance étaient similaires dans les 2 groupes, ainsi que la DMO et le CMO. Les enfants d’origine caucasienne et hispanique avaient un CMO plus élevé à 1 mois que les enfants d’origine africaine dans les 2 groupes, la différence ayant disparu à 4 et 7 mois, tandis que la DMO était similaire dans les 2 groupes. Entre 1 et 7 mois, le CMO augmentait plus rapidement chez les enfants d’origine africaine.
Les points forts de cette étude sont l’inclusion de femmes vivant dans 2 régions des États-Unis ayant des latitudes très différentes, sa méthodologie était prospective randomisée et les données ont été collectées avec rigueur. Un point faible est la possibilité d’erreurs dans les mesures de la DMO et de la CMO chez des enfants aussi jeunes qui pouvaient bouger pendant l’examen, et le faible nombre de femmes toujours suivies à 7 mois (non-respect des critères concernant l’allaitement). Elle montre qu’une supplémentation de la mère allaitante avec 6 400 UI/jour, l’enfant ne recevant aucun supplément, permet au bébé d’avoir une densité et un contenu minéral osseux similaires à ce qui est constaté chez les bébés directement supplémentés avec 400 UI/jour de vitamine D, tout en optimisant le statut maternel pour cette vitamine.
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