Publié dans le n° 191 des Dossiers de l'allaitement, février 2023.
D'après : Complications and misdiagnoses associated with infant frenotomy : results of a healthcare professional survey. O’Connor ME et al. Int Breastfeed J 2022 ; 17 : 39.
Ces 10 à 15 dernières années, on a constaté une augmentation importante des diagnostics de freins et une augmentation parallèle de freinotomies. Pourtant, moins de 50 % des nourrissons présentant une ankyloglossie suivant les échelles d’évaluation présentent des problèmes d’allaitement, plusieurs méta-analyses ont conclu que les études évaluant l’intérêt d’une freinotomie suite à un diagnostic de frein étaient de qualité médiocre, et les outils d’évaluation des freins ne font pas consensus et donnent des résultats variables. C’est particulièrement le cas concernant l’ankyloglossie dite postérieure, qui est remise en question par des études anatomiques sur le plancher lingual et la langue. Si la freinotomie est le plus souvent une procédure bénigne, diverses complications peuvent survenir. De plus, des problèmes médicaux chez le nourrisson peuvent être à l’origine des troubles attribués à un frein, et un retard de diagnostic peut avoir des conséquences sérieuses. Le but de cette étude était de déterminer le point de vue de professionnels de santé sur le sujet.
Elle a été menée auprès de membres de l’Academy of Breastfeeding Medicine, experts dans le domaine de l’allaitement, afin de connaître leur expérience concernant les complications et les erreurs de diagnostic en rapport avec l’ankyloglossie et la freinotomie. Un questionnaire en ligne a été mis au point, pour collecte de données sur leur expérience en matière d’ankyloglossie, de freinotomie, de complications de la freinotomie et des problèmes persistants liés au retard du diagnostic d’un problème médical sous-jacent. Il collectait également des données démographiques et professionnelles. On leur a demandé de décrire au maximum 4 cas d’enfants dans leur patientèle ayant présenté une complication de la freinotomie ou un problème de retard de diagnostic d’un problème médical.
211 professionnels de santé ont répondu au questionnaire. 56 % étaient pédiatres ou néonatalogistes, 48 % avaient un di-plôme en médecine de l’allaitement, 27 % étaient médecins généralistes, 5 % étaient dentistes. Le pourcentage de leur temps de travail consacré aux dyades allaitantes était de 10-25 % pour 30 % d’entre eux, de 26-50 % pour 13 % d’entre eux, de 51-75 % pour 14 %, de 76 à 99 % pour 12 % et de 100 % pour 19 % d’entre eux. 30 % exerçaient depuis < 10 ans, 33 % depuis 10-20 ans, 21 % depuis 20-30 ans et 15 % depuis > 30 ans. 62 % résidaient aux États-Unis, 13 % en Europe, 7 % au Canada, 7 % en Australie / Nouvelle-Zélande, les autres résidant dans divers autres pays. 37 % ont eu l’occasion de suivre un enfant ayant présenté des complications suite à la freinotomie, 47 % ont suivi un enfant en raison d’un retard de diagnostic et 62 % ont vu ces 2 types de problèmes dans leur patientèle. Ils ont fourni des rapports concernant 209 cas de complications d’une freinotomie parmi les 233 enfants suivis, ainsi que 237 cas d’erreurs de diagnostic sur les 275 cas suivis. Les complications les plus fréquentes étaient la nécessité de répéter la freinotomie en raison de son échec (32 %), une aversion orale chez le bébé (28 %), une cicatrisation anormale de la freinotomie (10 %), la douleur chez l’enfant (10 %), un saignement nécessitant des soins médicaux (10 %), une infection au niveau de l’incision (2 %). Les principales erreurs de diagnostic (ankyloglossie diagnostiquée à tort comme étant à l’origine des problèmes rencontrés) concernaient des troubles neuromusculaires locaux ou généraux (42 %), un soutien inadéquat à la mère (27 %), une anomalie anatomique orale autre qu’un frein (12 %), une pathologie infectieuse (4 %), un trouble de la succion (3 %), une pathologie cardiaque (2 %). Les saignements étaient plus fréquents après une freinotomie aux ciseaux. L’aversion orale et la douleur étaient significativement plus fréquentes après freinotomie d’un frein postérieur.
Cette enquête est celle qui fait état du nombre le plus important de complications et d’erreurs de diagnostic rapportés par des professionnels de santé compétents en matière d’allaitement concernant le diagnostic d’ankyloglossie et les freinotomies qu’ils avaient personnellement suivis. Un pourcentage relativement bas de professionnels de santé a répondu au questionnaire et leurs réponses ne peuvent donc pas être extrapolées aux autres membres de l’ABM qui n’ont pas répondu, ni aux autres professionnels de santé qui suivent des dyades allaitantes, et il n’est pas non plus possible d’en déduire la prévalence de ces problèmes. Les données étaient rétrospectives, et il n’était pas possible non plus d’affirmer avec certitude la responsabilité du diagnostic erroné d’ankyloglossie ou d’une freinotomie. Cette étude confirme la survenue possible de complications après freinotomie, ces complications étant en partie fonction de la nature du frein et de la méthode de freinotomie. Elle confirme également que des diagnostics d’ankyloglossie peuvent être portés à tort et retarder le diagnostic d’un problème médical à l’origine des problèmes de l’enfant. Les professionnels de santé effectuant des freinotomies devraient veiller à ce qu’une évaluation détaillée soit auparavant effectuée chez l’enfant à la recherche d’une autre cause aux problèmes d’allaitement, et suivre l’enfant après la procédure.
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