Publié dans le n° 191 des Dossiers de l'allaitement, février 2023.
D'après : Effect of cold storage on the viable and total bacterial populations in human milk. Stinson LF et al. Nutrients 2022 ; 14 : 1875.
Le lait humain contient un microbiote riche et diversifié, qui contribue à la flore du tractus digestif du bébé allaité. Par ailleurs, de nombreuses mères donnent à leur bébé du lait maternel exprimé pour diverses raisons. Ce lait sera très souvent réfrigéré et/ou congelé avant d’être donné au bébé. Or, les modalités du stockage peuvent avoir un impact important sur le microbiote lacté, fait qui a été très peu étudié. Le but de cette étude australienne était d’évaluer l’impact du stockage au froid du lait humain exprimé sur son microbiote, en particulier sur l’ensemble des populations bactériennes et sur la viabilité de ces bactéries.
Elle a été menée auprès de mères allaitant un enfant de 1 à 12 mois, qui avaient l’habitude de tirer leur lait pour leur bébé. Entre autres données, on leur a demandé quelles étaient les modalités précises de l’expression de leur lait et de sa conservation (volumes exprimés, stockage au réfrigérateur et/au congélateur…), données fournies par 41 mères. 10 mères ont fourni des échantillons de lait, exprimés selon un protocole précis dans le laboratoire des auteurs. Ces échantillons ont été aussitôt aliquotés. Certains ont été analysés, tandis que d’autres ont été stockés à 4 °C pendant 4 jours, à - 20 °C pendant la durée moyenne pendant laquelle les mères stockaient leur lait dans leur congélateur, à - 20 °C pendant 6 mois et à - 80 °C pendant 6 mois. Ces divers échantillons ont été divisés en deux pour subir deux traitements : extraction directe de l’ADN pour amplification et séquençage, ou extraction de l’ADN et traitement après traitement par monoazide de propidium (PMA), une molécule qui empêche l’amplification de l’ADN des bactéries non viables et permet donc la sélection des bactéries viables. La diversité alpha et bêta a été évaluée.
Ces femmes stockaient chez elles leur lait au réfrigérateur pendant 5 heures à 6 jours (1,8 jours en moyenne), et au congélateur pendant 4 jours à 6 mois (2,25 mois en moyenne). Le taux total d’ADN bactérien dans les échantillons de lait frais immédiatement analysés était de 0,60 ng/µl en moyenne, mais seulement 0,36 ng/µl provenait de bactéries viables. Le stockage du lait au froid induisait une baisse significative du taux d’ADN bactérien correspondant à des bactéries viables, mais aucune baisse du taux total d’ADN bactérien. Curieusement, le stockage à - 80 °C doublait presque le taux total d’ADN (1,10 ng/µl après 6 mois). Le stockage au froid du lait humain n’avait pas d’impact sur la diversité alpha du microbiote. Toutefois, la richesse du microbiote était plus basse dans les échantillons traités par PMA que dans ceux non traités dans toutes les conditions de stockage, mais cette différence n’était pas statistiquement significative. Le stockage n’avait pas d’impact sur la structure communautaire du microbiote, avec ou sans traitement par PMA. 10 unités taxonomiques opérationnelles (OTU) étaient présentes à un taux de ≥ 1 % du total des bactéries, 3 d’entre elles (appartenant aux Staphylocoques et au Streptocoque spp) représentant en moyenne 61 % du total des bactéries retrouvées dans les échantillons de lait frais non traités. Dans les échantillons non traités par PMA, le stockage au froid avait un impact significatif sur le pourcentage de 4 OT (Staphylococcus epidermidis, Finegoldia magna, Peptoniphilus harei et Veillonella dispar), cet impact restant toutefois faible. Des différences d’impact sur le pourcentage de diverses OTU étaient constatées en fonction des conditions précises de stockage, mais là aussi l’impact était faible. Après traitement par PMA, 2 des 10 principales OTU n’étaient plus retrouvées dans le lait frais et 5 des 8 OTU restantes présentaient des modifications significatives de pourcentage dans les échantillons de lait stockés au froid, cet impact étant plus important que celui constaté plus haut.
Cette étude permet de constater qu’un pourcentage important de l’ADN bactérien retrouvé dans le lait humain provient de bactéries non viables. Elle permet également de constater que le taux d’ADN total augmentait après stockage à - 80 °C. Cela suggère que cet ADN provient de cellules non viables (détruites par la congélation) ou d’ADN libre (provenant par exemple des vésicules extracellulaires). Cette découverte est importante dans la mesure où, bien souvent, le lait humain utilisé dans les études a été stocké plus ou moins longtemps à - 80 °C, ce qui faussera les résultats. Globalement, cette étude permet de conclure que le stockage au froid modifie la composition mais pas la richesse ni la diversité du microbiote lacté viable et non viable, ce qui, là encore, a des implications concernant les protocoles d’étude du microbiote lacté. Cette étude portait sur des échantillons provenant de 10 mères et ses résultats doivent être confirmés par d’autres études.
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