Publié dans le n° 144 des Dossiers de l'allaitement, mars 2019.
D'après : Maternal iodine excess : an uncommon cause of acquired neonatal hypothyroidism. Hamby T et al. J Pediatr Endocrinol Metab 2018 ; 31(9) : 1061-4.
La carence en iode induit une hypothyroïdie, mais une surcharge en iode peut avoir le même impact. Les auteurs présentent un cas d’hypothyroïdie néonatale induite par une surcharge maternelle en iode.
Cet enfant est né à terme après une grossesse normale et un accouchement spontané par voie basse. Un premier bilan à J2 était parfaitement normal, mais le second bilan à J15 a constaté un taux élevé de TSH. Un bilan biologique plus détaillé a confirmé l’hypothyroïdie. L’enfant a été amené dans le service d’endocrinologie des auteurs à J24. Il présentait toujours un ictère, mais n’avait aucun signe clinique d’hypothyroïdie. Le bilan biologique confirmait l’hypothyroïdie par excès d’apport d’iode, avec en particulier une iodurie à 9967 µg/l. Il n’existait aucun antécédent familial de pathologie thyroïdienne, et les seuls médicaments pris par la mère pendant la grossesse étaient des vitamines prénatales. Toutefois, elle a dit avoir consommé presque quotidiennement de la soupe d’algues pendant sa grossesse et depuis la naissance. Elle allaitait exclusivement, et la possibilité d’une hypothyroïdie induite par un apport alimentaire excessif d’iode chez la mère a été suspectée. L’apport d’iode réalisé par la soupe d’algues n’a pas été recherché, pas plus que le taux lacté d’iode chez la mère, mais aucune autre cause à un excès d’apport d’iode n’a pu être retrouvée.
Un scanner au technétium chez l’enfant n’a pas retrouvé d’anomalies au niveau de la thyroïde. Un traitement par lévothyroxine (8,9 µg/kg/jour) a été débuté chez l’enfant dès J24. On a dit à la mère d’arrêter la consommation de cette soupe et de suspendre l’allaitement, l’enfant recevant un lait industriel. À 1 mois post-partum, la mère a repris l’allaitement (sans consommer de soupe aux algues). Au suivi à 6 semaines, soit après 3 semaines environ de traitement, l’enfant avait un taux élevé de T4 libre et un taux très bas de TSH. La posologie de lévothyroxine a été abaissée à 2,3 µg/kg/jour, et le traitement à cette posologie a été poursuivi jusqu’à 4 mois, puis arrêté. Le suivi biologique jusqu’à 12 semaines après l’arrêt du traitement montrait un statut thyroïdien normal. À 7 mois, le développement de l’enfant était normal dans tous les domaines.
À l’échelle planétaire, la carence en iode représente la cause la plus importante de retard mental évitable. L’iode est capital pour la synthèse des hormones thyroïdiennes, et un apport quotidien d’iode de 80 à 100 µg est recommandé chez les enfants de < 6 mois. Un excès d’iode peut également induire une hypothyroïdie via la réduction de la synthèse et de la sécrétion des hormones thyroïdiennes. Dans ce cas, un apport alimentaire maternel excessif d’iode via la consommation de soupe d’algues sur une longue durée était très probablement à l’origine d’un taux lacté d’iode très élevé chez cette mère. Chez l’adulte, un mécanisme régulateur rétablit rapidement une synthèse normale de ces hormones, mais ce mécanisme est peu efficace chez les nourrissons, et en particulier chez les prématurés, et l’hypothyroïdie induite par les apports excessifs pourra durer des semaines ou des mois. La mère était d’origine asiatique, et la consommation de soupe d’algues pendant la grossesse et l’allaitement est une tradition culturelle. Les algues ont un taux d’iode très variable suivant les espèces, et une étude a constaté que 250 ml de soupe d’algues pouvait apporter 500 à 1 700 µg d’iode. Le dépistage en routine à la naissance détectera l’hypothyroïdie. Ce bilan était normal chez cet enfant, mais les services de santé de l’État des États-Unis où vivait sa famille préconisent un second bilan à J15, qui a dépisté le problème ; sans ce bilan, l’hypothyroïdie aurait perduré et aurait pu avoir un impact sur le développement cognitif de cet enfant. Un traitement par lévothyroxine est recommandé chez les nourrissons dans tous les cas où l’hypothyroïdie persiste pendant plus d’1 à 2 semaines. Ce traitement sera poursuivi jusqu’à environ 3 ans (âge auquel l’impact des hormones thyroïdiennes sur le développement cérébral devient mineur) si aucune cause n’a été retrouvée pour cette hypothyroïdie. Dans les autres cas et si la cause a pu être supprimée, le traitement sera arrêté après quelques semaines, avec un suivi biologique afin de constater si le problème est résolu ou non (dans ce cas, le traitement sera repris). Plusieurs causes peuvent toutefois coexister pour l’hypothyroïdie. Quoi qu’il en soit, l’enfant devra être régulièrement suivi pendant les semaines suivant l’arrêt du traitement pour s’assurer de la disparition du problème
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