Publié dans le n° 196 des Dossiers de l'allaitement, septembre 2023
D’après : Treatment of acne vulgaris during pregnancy and lactation : a narrative review. Ly S et al. Dermatol Ther 2023 ; 13(1) : 115-30.
L’acné est fréquente chez les femmes enceintes et allaitantes en raison des importantes modifications hormonales et physiologiques pendant ces périodes. Certains produits utilisés pour le traitement de l’acné sont contre-indiqués pendant la grossesse et l’allaitement, et il existe peu de données fiables et faisant consensus sur la gestion de l’acné pendant ces périodes. Cette gestion nécessite de prendre en compte la sévérité de l’acné et les risques liés au traitement. Les décisions pourront varier en fonction du stade de la grossesse, ou entre la grossesse et l’allaitement. Les auteurs font le point sur les données existantes.
Produits appliqués localement
Antimicrobiens
L’acide azélaïque (Finacea®, Skinoren®) est couramment utilisé. Seulement 4-8 % du produit appliqué est absorbé par voie cutanée. Par ailleurs, il est naturellement présent dans certains aliments. Il est utilisé seul ou en combinaison avec d’autres produits dans les cas d’acné légère à modérée. Les données sur son utilisation pendant la grossesse et l’allaitement sont limitées, mais aucun effet négatif n’a été rapporté chez le fœtus ou l’enfant allaité, et il est considéré comme sans danger pendant toute la grossesse et pendant l’allaitement. Il est conseillé d’utiliser un produit dosé à 20 %, appliqué 2 fois par jour.
Le peroxyde de benzoyle (Curaspotaqua®, Cutacnyl®) est antimicrobien et kératolytique. Il est utilisé seul en cas d’acné légère à modérée, ou en combinaison avec un antibiotique en cas d’acné plus sévère. Il est préférable de se limiter à un produit dosé à 5 %. Il est faiblement absorbé par voie orale et aucun impact tératogène n’a été constaté. Son efficacité est similaire à celle de l’acide azélaïque, auquel il peut être combiné pendant la grossesse et l’allaitement.
Le sulfacéramide sodique est bactériostatique. Il agit en inhibant la synthèse bactérienne d’acide folique. Il est peu absorbé par voie cutanée et il est peu probable qu’il puisse avoir un impact sur le taux circulant d’acide folique chez la femme. Aucun effet tératogène n’a été rapporté et il est utilisable pendant toute la grossesse, ainsi que pendant la lactation, sauf en cas de carence en G6PD ou d’hyperbilirubinémie chez le nourrisson. Ce produit est couramment combiné à du souffre qui a une action antimicrobienne et kératolytique. Même s’il n’existe guère d’études sur le sujet, le soufre en application locale est considéré comme sans danger pendant la grossesse et l’allaitement.
Antibiotiques
Afin de réduire les résistances, les antibiotiques locaux doivent être combinés avec un autre topique local tel que le peroxyde de benzoyle.
La clindamycine (Zindacline®) est absorbée par voie cutanée de façon négligeable. Elle est utilisable pendant toute la grossesse et pendant l’allaitement. Il est toutefois recommandé d’éviter d’en appliquer sur les seins.
L’érythromycine (Eryfluid®, Erythrogel®) est également couramment utilisée. Elle est également très peu absorbée par voie cutanée, et elle est utilisable pendant toute la grossesse et pendant l’allaitement. Il est également recommandé d’éviter d’en appliquer sur les seins. Son efficacité est en baisse en raison de l’augmentation de la prévalence des résistances, et un autre antibiotique local pourra être préférable.
Le métronidazole (Rozacrème®, Rozagel®, Rozex®) est un antibiotique de seconde intention. Son absorption cutanée est négligeable. En application locale, il est utilisable pendant toute la grossesse et pendant la lactation.
La dapsone est un autre antibiotique utilisable par voie locale. Elle peut être utilisée pendant les 2 premiers trimestres de la grossesse, mais il est préférable de l’éviter pendant le dernier mois de la grossesse en raison d’un risque théorique d’hyperbilirubinémie néonatale. Le fabricant fait état d’un taux sérique, en cas d’utilisation cutanée, représentant environ 1 % de ce taux après une prise orale. Il est peu probable qu’une excrétion lactée aussi faible puisse avoir un impact chez l’enfant allaité, mais le fabricant déconseille son utilisation pendant l’allaitement, et un autre produit local sera préférable.
Rétinoïdes locaux
La trétinoïne (Effederm®, Erylik®, Ketrel®), l’isotrétinoïne (Roaccutane®), l’adapalène (Différine®, Epiduo®), le tazarotène ou le trifarotène (Aklief®) sont couramment utilisés seuls ou en association (antibiotique, peroxyde de benzoyle) dans le traitement de l’acné en raison de leur efficacité. L’adapalène est le premier choix dans cette classe de produits en raison de son meilleur profil de sécurité. Ces produits sont des dérivés de la vitamine A, qui est essentielle pour le développement de l’embryon, mais dont l’excès induit des malformations fœtales. Les données concernent surtout leur utilisation par voie orale, et ils sont alors strictement contre-indiqués pendant la grossesse en raison de leur tératogénicité. Les données concernant leur utilisation cutanée sont limitées et suggèrent un faible passage systémique en cas d’application localisée. Les études sur le trifarotène n’ont pas constaté d’impact négatif suite à son utilisation cutanée pendant la grossesse. Toutefois, la plupart des spécialistes recommandent d’éviter les rétinoïdes à usage cutané pendant la grossesse.
En revanche, ils sont considérés comme utilisables pendant l’allaitement en raison de leur excrétion lactée négligeable. Ils ne doivent pas être utilisés sur les seins ou sur une zone susceptible d’être en contact direct avec le bébé. Les métabolites du tazarotène sont moins lipophiles que ceux des autres rétinoïdes, ce qui limite leur excrétion lactée.
Anti-androgènes
La clascotérone est la première molécule anti-androgène utilisée par voie cutanée. Elle est faiblement absorbée par cette voie et elle est rapidement métabolisée, ce qui amène certains à penser qu’elle pourrait être utilisable pendant la grossesse et l’allaitement. Toutefois, il n’existe aucune donnée sur son niveau de sécurité chez la femme enceinte ou allaitante. Il est donc recommandé de l’éviter.
Traitements généraux
Ils pourront être prescrits en cas d’acné modérée à sévère si les traitements locaux n’ont pas donné de résultats satisfaisants.
Antibiotiques
Pendant la grossesse et l’allaitement, on préfèrera les pénicillines, les céphalosporines et les macrolides. Afin de limiter la survenue de résistances, un antibiotique sera systématiquement combiné à du peroxyde de benzoyle ou à de l’acide azélaïque.
La pénicilline, l’amoxicilline (Augmentin®, Clamoxyl®, Oracilline®) et la céphalexine (Kéforal®) sont les bêta-lactamines de première intention en raison de leur bon profil de sécurité pendant la grossesse et l’allaitement. La prise d’amoxicilline pendant le premier trimestre semble susceptible d’augmenter le risque de fente labiale/palatine, et il est recommandé de l’utiliser seulement pendant les 2e et 3e trimestres. Leur excrétion lactée est très faible.
L’érythromycine (Egery®) peut être prescrite pendant les 2e et 3e trimestres de la grossesse, mais il est préférable de l’éviter pendant le 1er trimestre (quelques cas de malforma-tions cardiovasculaires et de sténose du pylore ont été rapportés). Elle est faiblement excrétée dans le lait et elle est utilisable pendant l’allaitement. Quelques cas de sténose du pylore ont été rapportés chez des nourrissons exposés via le lait maternel pendant les deux premières semaines de vie, mais cela n’a pas été constaté par d’autres études.
L’azithromycine (Azadose®, Ordipha®, Zithromax®) peut être utilisée en cas d’inefficacité ou d’intolérance de la prise d’érythromycine. Il existe moins de données la concernant, mais elle semble utilisable pendant toute la grossesse et pendant la lactation. Sa demi-vie est plus longue que celle de l’érythromycine, ce qui permet une seule prise quotidienne.
La clindamycine (Dalacine®) est apparentée aux macrolides. Il existe peu de données la concernant, mais elle est considérée comme utilisable pendant toute la grossesse et pendant la lactation. Elle est corrélée à un risque de colite pseudomembraneuse, qui n’est pas plus élevé pendant la grossesse que dans la population générale. Un cas de sang dans les selles a été rapporté chez un bébé allaité par une mère traitée par clindamycine par voie parentérale, mais la responsabilité de la clindamycine n’a pas été démontrée.
Le métronidazole (Flagyl®) est rarement utilisé dans le traitement de l’acné. Les études ont constaté qu’il ne présentait pas de danger pendant la grossesse (il est utilisé dans certaines infections chez les femmes enceintes). Il peut être utilisé pendant la grossesse si les autres traitements n’ont pas été efficaces. Il est considéré comme utilisable pendant l’allaitement, mais quelques cas de diarrhée, de candidose et d’intolérance au lactose ont été rapportés chez des nourrissons exposés au métronidazole via le lait maternel.
La doxycycline (Doxy®, Doxylis®, Tolexine®), la lymécycline (Tétralysal®) et la minocycline (Mynocine®) sont des tétracyclines. Ce sont les antibiotiques par voie orale les plus souvent prescrits dans le traitement de l’acné. Il est habituellement recommandé de les éviter pendant la grossesse en raison des risques de défauts dentaires et osseux chez le fœtus. Elles passent peu dans le lait maternel et leur absorption par le bébé est limitée en raison de leur fixation sur le calcium du lait. À noter que deux cas d’écoulement de lait noir ont été rapportés.
L’association sulfaméthoxazole/triméthoprime (Bactrim®) est efficace, mais elle est contre-indiquée pendant la grossesse, en raison d’un risque de défaut de fermeture du tube neural, de fausse couche, d’accouchement prématuré, de faible poids de naissance, de mal-formation cardiaque et d’ictère. En revanche, ces deux molécules passent peu dans le lait maternel et l’utilisation de cette association est possible pendant l’allaitement si l’enfant est né à terme, sauf en cas de déficit en G6PD ou d’ictère chez le nouveau-né.
Autres produits
De faibles doses de prednisone (Cortancyl®) sont efficaces en cas d’acné inflammatoire sévère ayant résisté aux autres traitements mais, pendant la grossesse, la prednisone doit être utilisée avec prudence et pendant une durée relativement courte (20 mg/jour pendant au maximum 1 mois), et pas pendant le premier trimestre de la grossesse (augmentation du risque de fente labiale/palatine). Les corticoïdes sont faiblement excrétés dans le lait humain, ils en sont rapidement éliminés, et ils ne sont guère susceptibles d’induire des effets secondaires chez l’enfant allaité, même en cas d’administration de doses massives.
L’efficacité de la spironolactone (Aldactone®) dans le traitement de l’acné est liée à ses propriétés anti-androgènes. Ces propriétés sont à l’origine de la féminisation du fœtus dans des expérimentations in vivo. Même si cela n’a pas été démontré chez des fœtus humains exposés à des doses de spironolactone allant jusqu’à 400 mg/jour, il reste préférable de l’éviter, et on recommande même une période d’au moins un mois entre l’arrêt du traitement et le démarrage d’une grossesse. Elle passe faiblement dans le lait humain et aucun effet secondaire n’a été constaté chez l’enfant allaité. Elle est avant tout un diurétique, et elle est susceptible d’abaisser la production lactée.
Les rétinoïdes sont contre-indiqués pendant la grossesse en raison de leur impact tératogène. Les femmes traitées par rétinoïdes doivent être sous contraception, et leur traitement sera arrêté au moins un mois avant le démarrage d’une grossesse. Ces produits sont déconseillés pendant la lactation en raison de leur liposolubilité élevée qui induira leur concentration dans le lait maternel. Si les études les concernant n’ont pas constaté d’effets secondaires chez l’enfant allaité par une mère sous rétinoïdes, il reste recommandé de les éviter.
Autres types de traitements
Les thérapies par laser et autres techniques utilisant la lumière sont des options utiles dans les cas d’acné réfractaire aux traitements utilisables pendant la grossesse et l’allaitement. Diverses stratégies existent : photothérapie à UVB à spectre étroit, photothérapie dynamique, laser fractionné, laser pulsé… Ces traitements sont généralement considérés comme sans danger pendant la grossesse. La photothérapie à UVB est susceptible d’abaisser le taux sérique d’acide folique, et une supplémentation pourra être appropriée. Ces thérapies sont utilisables pendant l’allaitement.
L’acide aminolévulinique est un photosensibilisateur couramment utilisé pour les photothérapies. Ce produit semble peu susceptible de poser un problème chez le fœtus, mais les données le concernant sont succinctes et il est recommandé de l’éviter. En raison de sa faible absorption cutanée, son utilisation est possible pendant l’allaitement.
Le gluconate de zinc (Effizinc®, Rubozinc®) peut être utilisé dans les cas d’acné légère à modérée. Ce produit est compatible avec la grossesse et l’allaitement.
En conclusion
Lorsqu’une femme traitée pour une acné décide de débuter une grossesse, il est important de prendre en compte dès ce moment les risques potentiels de son traitement pour l’embryon. Certains produits contre-indiqués pendant la grossesse nécessitent un certain temps avant d’être totalement éliminés (par exemple au moins 1 mois pour les rétinoïdes ou la spironolactone). D’autres sont fortement déconseillés pendant le premier trimestre et il est donc préférable d’arrêter leur prise avant le début de la grossesse.
Les recommandations concernant la tératogénicité des traitements de l’acné varient suivant les organisations qui les publient, mais toutes sont d’accord pour estimer que le risque est fonction du trimestre de la grossesse. Une stratégie de traitement par paliers, en fonction de la sévérité de l’acné, sera mise en œuvre pour minimiser les risques pour le fœtus. Les produits de première intention sont les traitements locaux en cas d’acné légère à modérée (acide azélaïque, peroxyde de benzoyle). Les thérapies lumineuses sont également une option (en évitant l’utilisation d’un photosensibilisateur). Les traitements oraux tels que les antibiotiques seront utilisés en cas d’acné modérée à sévère, et les corticoïdes par voie orale seront réservés aux cas sévères ou fulminants ayant résisté aux autres traitements.
Globalement, les données sur le niveau de sécurité des traitements de l’acné pendant la lactation restent succinctes pour de nombreux produits. Toutefois, le niveau d’exposition du bébé via le lait maternel est presque toujours significativement plus bas que le niveau d’exposition in utero, et le bébé est moins sensible que le fœtus. Tout produit utilisable pendant la grossesse est a priori utilisable pendant l’allaitement. Par ailleurs, des produits contre-indiqués ou déconseillés pendant la grossesse (comme les rétinoïdes locaux) pourront être utilisés pendant l’allaitement. Certains produits ne sont pas formellement contre-indiqués (isotrétinoïne ou dapsone par voie cutanée) mais il sera préférable de les éviter en raison des doutes sur les risques pour l’enfant allaité.
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